211 jeunes venant de 14 nationalités africaines étaient présents : ils ont recommandé le partage de la culture africaine, en révisant les programmes éducatifs... Imaginez les chefs d'Etat et de gouvernement, les ministres ou ambassadeurs des pays membres de l'Union africaine âgés de 18 à 29 ans. Ce rêve a été réalisé à Tunis, le temps d'un week-end. Du 23 au 25 mai, une vingtaine de jeunes ont organisé le « Modèle de l'Union Africaine » (MUA) : une simulation du déroulement des travaux de l'Union africaine, qui siège à Addis-Abeba en Ethiopie. L'idée est tombée sur la tête du tunisien Hamza Ghedamsi comme la pomme sur la tête de Newton, en août 2013. Biologiste de formation, actif dans la société civile et très sensible à la cause africaine, Hamza Ghedamsi a suivi plusieurs formations sur la réalisation de projets. Après des recherches plus approfondies sur l'Union africaine, il rédige une note conceptuelle et crée un logo pour la simulation. Il propose l'idée à son ami Blamassi Touré. Cet Ivoirien, étudiant en Tunisie et président de l'Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie, accepte tout de suite. Ensemble, ils ont constitué le dossier du projet, cherché des partenaires et sélectionné l'équipe organisatrice, composée d'une vingtaine de jeunes, ainsi que les 211 jeunes qui réaliseront la simulation, et qui appartiennent à une quinzaine de nationalités africaines. La décolonisation culturelle Les difficultés que rencontre l'UA ne sont un secret pour personne. En comparaison avec d'autres unions dans le monde, Hamza Ghedamsi trouve son code de procédures un peu compliqué, mais quand même bien organisé. Selon lui, les priorités pour le continent sont les ressources naturelles — car c'est le continent le plus riche mais dont les ressources sont les plus mal exploitées —, créer un marché africain commun et puis l'éducation. « L'Afrique est le continent le plus jeune au monde. Sans l'éducation, la colonisation culturelle est un danger permanent », assène-t-il. La résolution des travaux du conseil de la jeunesse et la culture du MUA évoque ce fait. Le conseil se dit « alarmé par les difficultés que connaît la jeunesse africaine et la transmission de sa culture et par le défaut de partage de l'histoire et de la culture commune du continent africain ». De plus, le conseil évoque, dans son rapport, « des lacunes dans le système éducatif de plusieurs Etats-membres concernant l'absence considérable de cours s'intéressant à la cause africaine». Il recommande « le partage de la culture africaine par amendement du programme éducatif dans le continent, l'organisation d'événements culturels à vocation africaine. Il appelle à promouvoir la culture africaine à travers les technologies de l'information et de la communication et propose de garantir le droit de circuler ainsi que de faciliter ses moyens entre les différents pays africains ». Les jeunes subsahariens sont plus informés et plus impliqués dans la cause de l'UA. C'est un constat relevé par Hamza Ghedamsi. « Mais, finalement, les Tunisiens ont bien tenu leurs rôles et fait preuve d'efficacité », ajoute-t-il. Une tunisienne, Selima Djait, a d'ailleurs remporté le prix de la meilleure déléguée, parmi les 6 délégués des commissions du MUA. « Les jeunes ont pris leurs rôles très au sérieux et bien fait leurs recherches sur les pays qu'ils représentent », explique-t-il encore. Le résultat a séduit la délégation de l'UA, qui est venue spécialement d'Addis-Abeba pour assister à la simulation. « L'UA était pourtant septique au début », affirme Hamza. Les rapports des commissions du MUA seront transmis à la présidence de l'UA qui étudie le projet de faire de la simulation un événement annuel, qui se tiendrait à chaque fois dans un pays membre différent. Une première africaine en Tunisie « J'ai bombardé la boîte email de l'Union africaine de messages afin d'être pris au sérieux », raconte Hamza. De nombreux partenaires ont cru dans le projet, comme la fondation Friedrich Ebert, les ministères tunisiens de l'Enseignement supérieur, du Tourisme et des Affaires étrangères, le British Council, l'Institut français de Tunisie et même des sponsors privés, dont l'université qui a accueilli l'événement. La simulation des organisations internationales est une pratique courante, mais c'est une première en ce qui concerne l'Union africaine. «Le but de ce projet est de conscientiser les jeunes à la cause de l'UA», explique Hamza Ghedamsi. Et d'ajouter : « Le meilleur moyen d'y parvenir est de les impliquer directement. Les mettre dans les conditions de fonctionnement de l'UA est plus efficace que les colloques ». Le MUA suit le code de procédures de l'Union africaine et opère, selon l'Agenda 2063, une feuille de route pour une Afrique unie, prospère et où règne la paix. 211 jeunes ont été sélectionnés parmi 380 candidats pour jouer les rôles des chefs d'Etat et de gouvernement, les ministres, ambassadeurs, les membres de la Commission de l'Union africaine, le Parlement panafricain, le Conseil de paix et de sécurité et le Conseil économique, social et culturel. Avant les travaux de la simulation, ils ont été formés à la prise de parole en public, à l'argumentation et au débat. Bien entendu, chacun représente un pays qui n'est pas le sien. Par manque de moyens, les candidats sont des Tunisiens ou des Africains résidents en Tunisie. Mais l'événement a suscité une grande mobilisation de jeunes partout en Afrique, comme en témoignent les messages et vidéos de soutien postés par ces jeunes sur la page Facebook et le compte Twitter du MUA. « La Tunisie est considérée comme un pays tourné vers l'Europe et le monde arabe, mais elle a toujours été le portail de l'Afrique. Les jeunes Tunisiens sont des Africains avant tout », rappelle Hamza Ghedamsi.