Pr Khalifa Chater Nous empruntons cette définition humoristique des G8-G20, au Premier ministre britannique David Cameron, qui a évoqué les assises internationales, que l'Ontario a accueillies fin juin, dans une tribune publiée par le Globe and Mail à la veille des deux sommets. Nouveau venu dans l'arène internationale, David Cameron a cru devoir expliciter ce diagnostic pessimiste, pour insister auprès de ses pairs, afin de prendre les mesures nécessaires, pour faire face aux effets de la crise économique. Dérogeant aux normes du "politiquement correcte", sinon de "la langue de bois", pour employer un langage moins diplomatique, le premier ministre britannique constate que les intentions des participants à de telles assises “semblent rarement produire des résultats à travers une action globale réelle, tangible. Et quand nous nous retrouvons un an plus tard, nous constatons que les choses n'ont pas vraiment bougé”. Il fait valoir l'espoir de réaliser “des résultats pour les gens”. L'homme du commun souscrit à cette appréciation et fait valoir cette exigence, au-delà des intérêts dominants. Vu le contexte de la Coupe du monde, qui accapare l'attention de l'opinion publique, sous l'effet de la gouvernance médiatique exercée par les grandes chaînes de télévision, les importantes réunions du G8-G20 ont été plutôt négligées par la presse occidentale et internationale. Or le jeu d'acteurs, les objectifs définis et les décisions prises requièrent des analyses lucides et critiques, étant donné la gravité des enjeux. En tout état de cause, on ne peut occulter des réunions de cette importance, ni le G8 qui a pris les principales décisions, ni le G20, qui a associé symboliquement certains acteurs du Sud, à la réflexion sur la gouvernance économique. Il écarta de leur ordre du jour les mesures d'ordre politique qui peuvent fâcher et ou ne peuvent bénéficier du consensus. Le sommet du G-8 qui se déroula les 25 et 26 juin à Muskoka devait engager une concertation sur "la croissance, la confiance et le moyen terme". Il examina les projets de taxe bancaire ou de contribution sur les transactions financières. En fin de compte, il ajourna la réflexion économique au G20, accordant la priorité au traitement des contentieux internationaux. Les huit pays les plus industrialisés ont appelé à la pleine application des nouvelles sanctions contre l'Iran pour son programme nucléaire et condamné, "l'attitude belliqueuse de la Corée du Nord" (déclaration du 26 juin 2010). «Notre objectif, soulignent les dirigeants du G8, est de persuader les responsables iraniens de s'engager dans un dialogue transparent sur les activités nucléaires de leur pays et de respecter les obligations internationales de l'Iran».Tout en privilégiant une mesure globale de la dénucléarisation du Moyen-Orient, les observateurs remarquent le traitement différentiel de la question. Deuxième sujet d'importance à l'ordre du jour des travaux du G8, la Corée du Nord, dont le contentieux du nucléaire a été aggravé par le naufrage du Cheonan, la destruction, le 26 mars, d'une corvette sud-coréenne, qui avait coûté la vie à 46 marins sud-coréens. Le G20 fonda sa position sur une enquête internationale qui a établi que le navire a été torpillé par la Corée du Nord, accusation rejetée par Pyongyang. De telles opérations qui rappellent les actes de la guerre froide, hors contexte, dans l'ère postsoviétique, affectent évidemment la communauté internationale. La condamnation par la Russie et la Chine, avec les pays occidentaux, s'inscrit dans l'application de leurs nouvelles normes et priorités. Par contre, l'assaut par des commandos de la marine israélienne contre une flottille humanitaire internationale se rendant à Gaza (31 mai) et qui avait fait neuf morts parmi les passagers a été traité avec indulgence. Les pays du G8 se contentèrent d'exprimer leur regret et n'appuyèrent guère la demande d'une enquête internationale. Le rapport du G20 opte pour «une rigueur à la carte» (Le Figaro, 28 mai). Tout en reconnaissant les vertus de la rigueur budgétaire, la déclaration de Toronto se garde bien de fixer des objectifs contraignants aux Etats. D'autre part, la solidarité invoquée avec les pays les moins favorisés reste un vœux pieux. Le G20 évoque, sans les préciser, les mesures stratégiques à prendre pour «combler le fossé du développement et tenir compte des incidences … sur les pays à faible revenu» (clause 13). Il réaffirme son soutien «au programme de développement mondial et au partenariat et aux engagements respectifs en vue d'aider les pays les plus pauvres» (clause 44). Réuni dans ces conditions, le G20 fait valoir normalement les priorités des pays industrialisés et conforte leur gouvernance. Ne serait-il pas nécessaire de croiser les vues avec l'ONU, qui institue la concertation générale et fait valoir l'idealtype qu'elle a élaborée. La crise internationale a montré en effet, que nous sommes sur le même bateau et que la tactique du "sauve qui peut" ne peut être opératoire.