Des drones signalés en Méditerranée au-dessus de la flottille Al Soumoud    Saint-Tropez sourit à Moez Echargui : titre en poche pour le Tunisien    Hécatombe de poissons et mer brunâtre à Soliman : les causes encore inconnues    Foot – Ligue 1 (7e journée) : Les résultats des matchs de dimanche    Le ministre des Affaires Etrangères participe à la 80eme session de l'Assemblée Générale des Nations Unies à New York    Bizerte: fermeture temporaire de la piscine municipale pour cause de travaux    Visas Schengen : la France promet des améliorations pour les Tunisiens    Incident sur le terrain : Gaith Elferni transporté à l'hôpital après un choc à la tête    Alerte sanitaire : attention aux poissons morts à Tunis et dans ses environs !    Anne Guéguen : c'est un devoir moral et politique de reconnaître la Palestine    Gisèle Halimi incarnée par Charlotte Gainsbourg : le biopic qui soulève l'indignation    Zaghouan : un groupe belge claque la porte sans crier gare, 250 salariés en détresse    Maher Medhioub tire à boulets rouges sur Mziou, Abbou et Mahfoudh    Voguant vers Gaza, le député Mohamed Ali accuse ses détracteurs à Tunis de faire le jeu d'Israël    « C'est notre moment Afrique du Sud » : le boycott d'Israël s'impose comme langage universel    Alzheimer : la maladie qui vole la mémoire gagne du terrain, plus de 100.000 Tunisiens touchés    Tunis : huit mois de prison pour un gardien de parking illégal qui a agressé violemment un client    Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA): l'Iran menace de suspendre sa coopération    Gabès se prépare pour la nouvelle saison touristique saharienne et oasienne    Transport scolaire : Béja renforce son parc avec 33 nouveaux bus    La Tunisie célèbre, le 25 septembre, la Journée du Littoral Méditerranéen    Dernier rappel : Déposez votre deuxième tranche d'acompte avant le 25 septembre !    4 500 cinéastes du monde entier : appel au boycott des institutions culturelles de l'entité sioniste    C1 – Premier tour aller (16H00 a Rades) – USM-EAST END LIONS FC (SIERRA LEONE) : Dans la peau d'un favori    Ligue 1 – 7e journée – CA : Arguments offensifs    Port de Radès-nouvelle saisie record de stupéfiants dans un conteneur : une enquête ouverte    Eclipse de l'Equinoxe: un spectacle rare à ne pas manquer dans l'hémisphère sud !    Tourisme de luxe : la Tunisie part à la conquête des voyageurs chinois    Tunisie : vers le lancement imminent de la carte d'identité biométrique    Le Royaume-Uni s'apprête à reconnaître l'Etat de Palestine    435 376 élèves bénéficieront de l'aide dès le 22 septembre !    Pluies éparses et orages attendus cet après-midi !    Mohamed-El Aziz Ben Achour: La Tunisie et l'Union française    L'Italie adopte une loi pionnière sur l'intelligence artificielle    Moez Echargui en finale du Challenger de Saint-Tropez    Visa H-1B : Trump ferme la porte aux talents étrangers    Plus de vingt grossistes et intermédiaires arrêtés lors d'une campagne contre la spéculation    Cinéma : Dorra Zarrouk et Mokhtar Ladjimi sous les projecteurs du Festival de Port-Saïd    Non, le Maroc n'a pas imposé de visa permanent aux Tunisiens    La pièce de théâtre tunisienne « Faux » triomphe en Jordanie et remporte 3 prix majeurs    Youssef Belaïli absent : La raison dévoilée !    Coupe du monde 2026 : l'Afrique du Sud menacée d'une lourde sanction !    Sfax célèbre l'humour à l'hôtel ibis avec ibis Comedy Club    La Bibliothèque nationale de Tunisie accueille des fonds de personnalités Tunisiennes marquantes    Fadhel Jaziri: L'audace et la norme    "The Voice Of Hind Rajab » film d'ouverture du Festival du film de Doha    Mois du cinéma documentaire en Tunisie : une vitrine sur le cinéma indépendant et alternatif    Fadhel Jaziri - Abdelwahab Meddeb: Disparition de deux amis qui nous ont tant appris    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Du monde du théâtre au théâtre du monde
Propos esthétiques
Publié dans La Presse de Tunisie le 27 - 06 - 2014


Par Raouf SEDDIK
Depuis que Nietzsche en a fait le thème inaugural de sa philosophie, beaucoup d'entre nous savent que le théâtre est né en Grèce et qu'il ne ressemblait guère à ce que nous connaissons. Il s'agissait d'une manifestation à caractère religieux, en l'honneur de Dionysos, où le chant et la danse avaient une place prépondérante... Les intermèdes parlés représentaient de brèves parenthèses pour recentrer le propos à l'adresse des spectateurs : ce dont s'acquittait le coryphée, qui dirigeait le chœur...
Autrement dit, le théâtre, en ces temps reculés, n'avait rien à voir avec un quelconque divertissement de l'esprit et n'avait aucunement la prétention non plus de servir de miroir critique de la société... Ce qui correspond à peu près aux deux facettes du théâtre d'aujourd'hui... A moins que l'on y ajoute les grandes œuvres de la tradition universelle, qui ont un caractère presque métaphysique et dont le propos est de nous peindre l'homme face à son destin.
En fait, il n'est pas tout à fait exact de dire que le théâtre est né en Grèce : c'est le théâtre tel qu'il s'est développé en Europe depuis la Renaissance qui l'est. Car il existe dans le monde des expériences dont on ne voit pas de quel autre vocable on pourrait les désigner si ce n'est par celui de «théâtre». L'exemple le plus éloquent, de ce point de vue, est ce qui s'est justement appelé le «théâtre» Nô... Or le Nô, qui nous vient du Japon, a également une origine religieuse. Il relève d'une logique du cérémonial. On y trouve également ce qui a caractérisé le théâtre grec à ses débuts : le chant et la danse... Bien que, en fait de chant, il faudrait plutôt dire qu'il s'agit d'un parler stylisé, dépouillé de ses intonations personnelles. Inutile, par conséquent, d'y chercher la douceur d'une mélodie. Les spectateurs japonais qui, par attachement à la tradition ou par goût, continuent de fréquenter le théâtre Nô, trouveraient certainement très déplacé le fait qu'on cherche à les charmer par des accents agréables ou qu'on essaie de les séduire par des traits d'esprit dans l'air du temps. Et c'est précisément ce qui frappe, d'ailleurs : la fidélité du Japon aux formes originelles de son théâtre, par opposition à la façon dont, en Occident, on a enseveli les anciennes formes sous de nouvelles.
Nietzsche, qui était remonté contre la culture de son temps, a cru déceler à travers la perte, subie par le chœur, de sa place centrale dans la tragédie les tout débuts de la décadence de la culture européenne. Le pendant d'une telle évolution, c'était l'arrivée de Socrate : du raisonneur, du dialecticien Socrate, qui mettait un terme au souffle métaphysique de penseurs comme Héraclite ou Empédocle... Pour lui, ce glissement vers un théâtre qui se tourne davantage vers la raison, et vers la morale, est une trahison de l'âme originelle du théâtre : âme dont on pourrait dire, en paraphrasant le titre d'une des œuvres plus tardives du philosophe allemand, qu'elle est « par-delà le bien et le mal » !
Mais la thèse de la trahison ne saurait même avoir de valeur que si on envisage aussi l'autre thèse, celle qui nous dit qu'en réalité, à partir d'un théâtre qui se confond avec un culte rendu à une divinité, on va progressivement s'acheminer vers un théâtre humanisé, à travers lequel l'homme met en scène sa propre condition et en fait l'instrument d'une sorte de lucidité sur soi... Thèse d'une sorte d'appropriation par l'homme d'un outil par quoi, de façon collective et festive, il énoncerait ou dénoncerait la vérité de son existence, par-delà le voile de la quotidienneté et les hypocrisies de la cupidité.
D'autant que l'expérience du théâtre engage une double attitude, qui détermine peut-être la personnalité moderne. En quel sens ? Dans le sens où, par le théâtre, l'homme est non seulement pris dans un effort de vérité en direction de son existence, mais il est aussi poussé dans une sorte de déréalisation du réel... Puisque sa vie de tous les jours, celle qui se déroule en dehors de la scène du théâtre, finit elle-même par prendre l'aspect d'une pièce improvisée... Mais improvisée, peut-être parce qu'on a simplement oublié qu'on en a appris le texte un jour : qui sait ! C'est, selon l'expression de l'Espagnol Calderon de la Barca, le «Grand théâtre du monde»... Shakespeare dira de son côté : « Le monde est un théâtre et chacun y joue son rôle ! »
Dire de la vie qu'on mène, avec toutes ses aventures et mésaventures, qu'elle n'est en somme qu'une sorte de pièce qu'on joue, c'est s'en déprendre. Comme s'il y avait, avant elle ou après elle, une autre vie à laquelle on ferait retour, à l'image du comédien qui fait retour à sa vraie vie une fois le rideau tombé et le public des spectateurs rentré chez lui. Sauf qu'en réalité, l'homme moderne est précisément celui qui vit sa vie comme si c'était une pièce qu'il jouait, mais sans du tout être sûr qu'il existe autre chose en dehors d'elle... Cette pièce qu'il joue, c'est peut-être bien tout ce qu'il a ! Quand le rideau tombe, il n'y a pas de retour chez soi. Mais c'est quand même une pièce et il est l'acteur d'un rôle...
Nous disons que cela correspond à une caractéristique de l'homme moderne parce que ce dernier est par définition sans illusion : il n'accepte plus de se donner des raisons de vivre en dehors de ce que la vie peut lui apporter comme consolations, ou comme satisfactions... Reste à savoir si cette modernité lui interdit de réapprendre à chanter et à danser, ou au moins de comprendre à quel besoin profond répondaient chants et danses chez ceux qui, en Grèce comme au Japon, ont inventé le théâtre...


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.