Juriste, ancien professeur de droit, M. Machète possède une longue carrière politique. Agé de 74 ans, il a été tour à tour vice-Premier ministre, ministre de la Défense, ministre de la Justice avec un passage au ministère des A.E., en tant que secrétaire d'Etat. Ecoutons-le ! «Je suis venu pour participer au renforcement des liens d'amitiés déjà bien établis entre le Portugal et la Tunisie», nous dit d'emblée M. Rui Machete, ministre des Affaires étrangères du Portugal en visite en Tunisie, qui a bien voulu nous accorder, hier, une interview. Et d'ajouter que dans le cadre du programme de sa visite, il compte discuter des éventuelles possibilités pour accroître la coopération entre les deux pays et passer en revue les grands problèmes communs aux pays du Maghreb et l'Europe. Il y a donc un volet politique et un autre économique de sa mission au cours de laquelle il est prévu qu'il rencontre le chef du gouvernement, le président de la Constituante et son homologue tunisien. Avec ce dernier, il est prévu que les deux ministres président la clôture du Forum d'affaires tuniso-portugais qui prend fin aujourd'hui. Une rencontre organisée par la centrale syndicale patronale tunisienne (Utica) et son homologue portugaise l'AEP. «Une occasion très importante car les affaires ne peuvent se conclure que grâce à la confiance et celle-ci ne peut s'établir entre les opérateurs que s'ils se connaissent mieux», explique-t-il. Les deux pays sont donc appelés à renforcer leur coopération économique et les investissements de part et d'autre. «L'on ne peut qu'exprimer une certaine satisfaction même si la réalité est encore loin des attentes», fait remarquer le ministre en évoquant le niveau des échanges économiques entre les deux pays. Renforcer la coopération économique Ainsi, les exportations portugaises vers la Tunisie ont augmenté de 12% entre 2012 et 2013, nous apprend notre interlocuteur. Et d'expliquer que le Portugal était en 2012 le 27e client de la Tunisie et son 30e fournisseur, alors qu'en 2013, il est devenu son 21e client et son 26e fournisseur. «Ce sont encore des performances limitées mais elles ont le mérite de s'améliorer rapidement». Le ministre a également tenu à rappeler que 42 entreprises portugaises sont établies en Tunisie dans plusieurs branches d'activités. Il y a bien sûr la cimenterie, mais aussi l'huilerie, la transformation du liège ainsi que le textile. Un investissement total de près de 350 millions d'euros (près de 800 millions de DT) qui a généré près de 3.000 emplois directs. La partie portugaise accorde, par ailleurs, un intérêt particulier à l'investissement tunisien sur son sol. Le cas de la Coficab a été évoqué. L'entreprise tunisienne qui possède un site industriel au Portugal représente en effet un exemple éloquent pour illustrer le rapprochement économique entre les deux pays. Site qui a bénéficié de l'intérêt des autorités portugaises, à leur tête le président de la République, qui, nous dit-on, a tenu à visiter ses locaux. Prié de nous dévoiler ce qu'il pense du processus transitionnel en Tunisie, surtout qu'il avait été un acteur politique lors de la révolution portugaise dite des «œillets» en 1974, le ministre a dit qu'il est optimiste pour le devenir dudit processus : «Les Tunisiens ont pris le bon chemin, et ils ont fait du chemin», dit-il. Et de rappeler que son pays a apporté une modeste contribution à ce processus, puisqu'il est déjà passé par cette étape et constitue de ce fait un motif d'inspiration pour la Tunisie. Il y a cependant le problème sécuritaire dans la région qui nécessite une meilleure coordination entre le Maghreb et l'Europe et une collaboration renforcée, le terrorisme étant un fléau qui menace l'ensemble des pays du monde. En tant que coprésident, avec le Maroc, du processus de dialogue dit «5+5» des pays des deux rives du bassin occidental de la Méditerranée, le Portugal œuvre à élargir l'éventail des questions à examiner. En attendant la réunion d'un sommet qui aura lieu cette fois-ci dans l'un des pays de la rive sud et après la réunion interministérielle de mai dernier, le collectif est tenu de renforcer le débat autour des questions économiques et du développement durable. Cela à côté des questions politiques et sécuritaires. «Il s'agit, entre autres, de développer la coopération entre les dix pays. Le Maghreb, prioité pour le Portugal Prié de donner son avis sur l'apport du Maghreb en tant que groupement aujourd'hui en panne mais qui pourrait se remettre en marche d'un moment à l'autre, sur le collectif «5+5», le ministre a été on ne peut plus clair. Il a insisté sur l'importance d'une coopération entre le groupement et son vis-à-vis européen, les cinq pays du Nord de la Méditerranée étant, ne l'oublions pas, les pays du Sud de l'Union européenne. Comme exemple de coopération, le chef de la diplomatie portugaise évoque le cas du secteur de l'énergie. Surtout en termes d'énergies renouvelables. Pour ces dernières qui sont bien disponibles au Maghreb, il faut d'abord préparer les réeaux d'acheminement (électricité) jusqu'au consommateur final. Comme autre exemple, il cite l'apport des pays du Nord de la méditerranée pour l'industrialisation du Maghreb et dans la résorption du chômage. Parlant du Portugal, le ministre nous confie que son pays accorde aujourd'hui un grand intérêt au Maghreb, et ce, après avoir privilégié les relations avec l'Europe, l'Amérique et l'Afrique subsaharienne. «Oui nous avons négligé le Maghreb», avoue-t-il en parlant d'une époque aujourd'hui révolue. Prié de nous entretenir sur les perspectives d'échanges culturels entre la Tunisie et le Portugal, le ministre prend l'exemple de la langue et nous affirme que le portugais est déjà enseigné dans deux universités tunisiennes mais que l'objectif est qu'il soit programmé pour le secondaire. Le portugais étant la 3e langue parlée dans l'Ouest du monde et il est omniprésent dans l'hémisfère sud de la planète. D'un autre côté le Portugal est devenu conscient de l'héritage arabe dans la péninsule ibérique et commence à accorder un intérêt plus grand à la langue et à la civilisation arabes.