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Les Tunisiens ont leur Ramadan
Reportage
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 07 - 2014

En se promenant dans les artères de Tunis, on remarque la fermeture de la quasi-totalité des cafés, salons de thé et autres endroits où l'on peut se sustenter. Quel que soit le niveau du quartier et de la couche sociale qui y réside, les commerces ont tout bonnement baissé leur rideau de fer ou de verre pour inverser leur cycle de vie.
Désormais, c'est dans la nuit qu'ils vivent jusqu'à l'aube. Dans la journée, on ne sert rien, la ville est morte, il faut passer son chemin. Rares mais alors très rares si au détour d'une rue, un café est discrètement ouvert arborant toutes sortes de paravents de fortune pour dissimuler son intérieur et ses clients ; ces « fatara » que l'on ne saurait voir !
Plusieurs voix se sont élevées pour crier au scandale, en rappelant ce droit fraîchement constitutionnalisé qui protège la liberté de conscience, et donc du coup, de disposer du choix de ne pas faire Ramadan. Les autorités ont été pointées du doigt, accusées de dissuader les gérants à ouvrir, et ce, de manière explicite ou par de multiples et infinies tactiques d'intimidation.
A ce niveau, il y a matière à révolte, effectivement. Dans certaines régions du pays, le zèle des agents de l'ordre se mouvant toujours par groupes, a forcé les quelques patrons réfractaires de fermer boutique, et prestement, sous peine de lourdes représailles.
Ennasr dans l'œil du cyclone
Dans la capitale, il en est autrement. C'est selon le pouvoir discrétionnaire des autorités locales. A Ennasr, la plus grande concentration de salons de thé dans le pays, seuls quelques-uns qui se comptent sur les doigts d'une seule main ont décidé de braver les « interdits » et d'ouvrir. Ils ont été mal inspirés, parce qu'à Ennasr justement, les autorités locales ne comptent pas laisser les gens libres de leurs choix de vie.
Comme l'année dernière, les cafés «dissidents» ont reçu la malencontreuse visite de quelques agents de l'ordre, leur enjoignant de servir seulement à emporter. L'argument juridique qu'ils ont claironné : Ennasr n'est pas couvert par le label touristique, arguent-ils, donc les commerces de restauration ne doivent pas ouvrir et s'ils ouvrent ne doivent pas servir sur place. Colère de quelques cafetiers et de certains clients «pris en flagrant délit» qui se sont sentis menacés jusqu'à dans leur intimité.
Cela dit, la plupart ferment bon gré mal gré. «Nous n'avons jamais ouvert de jour pendant Ramadan, nous répond le gérant d'un petit restaurant, on respecte Sidi Romdhane », insiste-t-il d'un air sévère, en levant les sourcils. Un autre chef d'un fast-food précise au contraire qu'il a toujours ouvert et pour cause, fait-il remarquer, « nous avons beaucoup de clients étrangers », en se protégeant du mieux qu'il peut de la polémique selon laquelle il faut ou non servir les Tunisiens.
Les cafés ont-ils le droit de servir sur place ?
Depuis l'ère de Bourguiba, la loi n'a pas changé, et depuis ce temps-là, on la tripote comme on veut. En substance et en règle générale, si la discrétion est observée par les non-jeûneurs, Tunisiens ou pas ont le droit de manger et boire dans des endroits publics mais à l'abri des regards, sans être inquiétés. Seulement voilà, dans la pratique, cette règle est respectée ou pas selon les tonalités sociopolitiques du pouvoir en place, et bien entendu selon le degré d'allégeance des agents exécutants.
L'année dernière, alors qu'Ennahdha tenait les rênes du pays, les gouverneurs et autres commis de l'Etat se sont fait un point d'honneur à pourrir la vie aux quelques cafés et restos qui ont continué à servir de jour. Il a fallu que certains médias, dont notre journal, fassent campagne pour permettre aux gens, comme il a toujours été le cas en Tunisie, d'observer à leur guise Ramadan ou non. Cette année, chaque zone affiche son « degré de jeûne » spécifique. Il ne fait aucun doute que dans les quartiers populaires, il reste imprudent voire dangereux de se hasarder à ouvrir un commerce de restauration ou d'afficher son non-jeûne.
La question qui se pose maintenant : où se situe l'interdit ? Le marquage des frontières du licite et de l'illicite relève-t-il des prérogatives des autorités, résumées chez nous par le vocable expéditif «el hakem», ou bien elles sont à chercher ailleurs, dans la sphère réservée du libre choix, par exemple ?
Les gens se souviennent encore très bien que dans la folie des années seventies, notamment à Tunis et dans les grandes villes, la pratique du jeûne était moyennement répandue. La mode chez les jeunes et les étudiants, ces soixante-huitards, était à la non-observance franche et assumée de Ramadan. Un universitaire nous révèle à ce sujet : «J'ai soixante-deux ans, on ne faisait pas Ramadan de mon temps. De même que la cafétéria de l'université n'a jamais fermé, c'est seulement cette année qu'elle ferme», a-t-il regretté.
La spécificité tunisienne
Pour mémoire, les commerces sur la voie publique étaient ouverts et parfois, mais pas toujours, protégés par des journaux collés aux vitres. Les gens mangeaient, confiants, leur sandwich, buvaient leur limonade ou leur café.
En 2014, l'ambiance a, disons, quelque peu changé, mais pas seulement dans notre pays. Beaucoup de jeunes font Ramadan. Beaucoup de Tunisiens vivant à l'étranger l'observent également. Le premier jour de Ramadan est annoncé dans les grandes chaînes françaises au JT du 20h00. Le jeûne ou non des footballeurs participant au Mondial a été une question d'actualité pendant plusieurs jours.
De leur côté, pour répondre à un besoin de religiosité ou pour s'adapter aux nouvelles normes sociales, les Tunisiens affichent désormais publiquement leur jeûne réel ou simulé. Il n'est plus de bon ton, visiblement, comme c'était à l'instar des années 70-80 de ne pas faire Ramadan, d'être un « fatar », et de le crier en plus sur tous les toits. Ce changement dans les mœurs semble être davantage social. L'influence des chaînes satellitaires tout au long des décennies passées n'y serait pas étrangère non plus.
Même si les courants islamistes sont en perte de vitesse partout dans le monde et que les factions jihadistes avec leur cruauté gratuite et insupportable apportent tous les jours un coup dur à l'image de l'islam et à ses pratiques, un besoin diffus a transformé beaucoup de Tunisiens, considérés à tort ou à raison comme les moins pratiquants du monde musulman, en endurants jeûneurs. Il reste à dire que l'ambiance détendue et joyeuse qui se dégage le soir après la rupture du jeûne des foyers autour de la TV et des cafés partout bondés, quel que soit le quartier, confirme encore une fois cette spécificité socioculturelle bien de chez nous. Oui, les Tunisiens ont leur manière propre de vivre Ramadan.


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