La Tunisie s'est dirigée, sans avoir vraiment le choix, vers le FMI. Elle était toute contente de conclure un accord avec le Fonds monétaire international Personne n'aimerait être à la place du gouvernement technocrate intérimaire. Sur un champ de tirs croisés, il reçoit des attaques en règle tous les jours, sans répit, et ce, depuis qu'il a accédé aux affaires. Pourtant, aussi bien le cabinet qui l'a précédé que celui qui va lui succéder après les élections devraient être les premiers à le remercier. La raison est qu'il est en effet en train de faire le sale boulot pour tout le monde. Contraint et forcé, le cabinet apolitique a hérité de la lourde tâche d'effectuer les réformes indispensables que le premier gouvernement tricolore n'a pas osé faire. Des réformes rendues obligatoires par la mauvaise gestion de ce gouvernement dit Troïka. Et que le futur gouvernement qui sera issu des prochaines élections hésiterait longtemps à faire, du fait de ses engagements électoraux pris dans le cours de la campagne. La famille-Tunisie La récente loi de finances complémentaire a provoqué pas mal de critiques, voire des levées de boucliers. Pourquoi pas ? L'exercice est facile pour n'importe quel populiste désireux d'acquérir une popularité bon marché, sur le dos des autres. Or, ce gouvernement n'avait pas le choix. Ici même, sur ces colonnes nous avions annoncé, bien à l'avance, que des mesures douloureuses allaient être prises début juillet. Reprenons les choses dès le début. Les révolutions arabes ont donné naissance à un phénomène qui n'a pas été étudié ou si peu. Il y avait certes une demande de liberté et de rétablissement de la justice sociale. Mais il y avait surtout une demande de rente qui a explosé. Partout, à tous les niveaux dans tous les secteurs, on demandait des hausses de salaires, des recrutements massifs, des aides sociales... En oubliant que chaque salaire doit être généré par un travail et que les ressources de la collectivité et donc de l'Etat ne sont pas inépuisables. Nous passons sur la mauvaise gestion par la Troïka de cette situation, mais également sur l'opportunisme criard de l'Ugtt qui n'a cessé de souffler sur les braises pour compliquer une situation déjà explosive. Il y aurait tellement de choses à dire sur tout cela, ainsi que sur l'inaptitude de la Troïka à gérer le pays, sur les erreurs commises, sur l'absence de visibilité donnée aux investisseurs, sur l'incapacité à comprendre la chose publique et la chose économique, sur l'absence de notion de l'Etat... On va se concentrer sur une seule chose, le budget de l'Etat. Schématiquement, on prend l'exemple d'une famille. Elle a des ressources, par exemple deux salaires mensuels et réguliers. Elle a également une capacité d'endettement, de sorte qu'elle puisse emprunter pour acquérir un logement et éventuellement une voiture qu'elle remboursera par mensualités. Mais il y a des règles pour contracter ces crédits : cette famille ne peut pas dépasser sa capacité d'endettement. Elle doit pouvoir faire face sans problème aux échéances pour s'acquitter de ses dettes. Parallèlement, elle ne peut pas s'endetter pour vivre, pour manger et pour faire face aux besoins quotidiens, couvrir les dépenses courantes. En revanche, cette famille peut s'endetter pour s'équiper, acquérir un bien immobilier. Dans ce cas, la banque qui va lui prêter s'assurera au préalable de sa capacité à rembourser. L'accord stand by conclu sous la Troïka Cette famille, c'est la Tunisie. Et la banque, c'est le FMI. Or les finances de cette famille-Tunisie se portent mal. Et pour cause, la famille vivait au-dessus de ses moyens. Empruntant pour vivre, le déficit budgétaire n'a cessé de se creuser. Plus aucune banque n'a accepté de lui prêter, ou alors à des taux usuriers, la Tunisie s'est dirigée sans avoir vraiment le choix vers le FMI. Elle était toute contente de conclure un accord avec le Fonds monétaire international. Cet accord, dernier recours auquel on est arrivé à cause de la Troïka, a été négocié en janvier 2013, pour rappel, et conclu en juin 2013, alors que cette même Troïka était encore aux commandes. L'accord de stand by, c'est son nom, signifie que les décaissements ne seront effectués que lorsque des mesures pour réduire le déficit budgétaire seront prises. Le FMI ne s'est pas alors gêné pour dire à la Tunisie : « Je vous prête à condition de ne plus vivre au-dessus de vos moyens ». Les technocrates d'aujourd'hui ne sont pas tous très compétents, pas tous exceptionnels, certains ont déçu. Mais à ce niveau précis, ils ne font qu'appliquer des décisions signées au préalable et inévitables, prises par leurs prédécesseurs. Pour ne pas avoir la mémoire courte. Le gouvernement apolitique, donc, qui n'est pas engagé dans de futures élections, ne cherche ni à plaire, ni à se faire réélire. Il est plus libre dans l'exercice de ses prérogatives. Heureusement ! Ledit cabinet n'a pas besoin de clientèle et n'en a pas. Mais le clientélisme est en train de revenir par la porte des partis, surtout les plus puissants d'entre eux. Ce sont des vérités qui avaient besoin d'être rappelées. Au final, un appel au secours, puisque ceux qui ont conduit à l'accord de stand by avec le FMI aimeraient revenir, et à pas de course !