Par un groupe d'enseignants-chercheurs de la FST La faculté des Sciences de Tunis vient de vivre, pour le renouvellement de ses structures, un épisode que l'on peut qualifier d'inattendu pour ne pas dire étrange. Parmi les membres élus au conseil scientifique, un professeur, ayant fait campagne et déposé officiellement sa candidature au poste de doyen n'a pas voté pour lui-même et a donné sa voix à un maître de conférences qui s'est présenté avec la caution du bureau syndical de l'institution et qui a été élu grâce à cette voix. Ce résultat n'est pas passé inaperçu et a généré un sentiment de frustration car il semble issu d'une transaction passée dans les coulisses entre membres de structures syndicales et aussi parce qu'il présage d'un risque d'entrave de la bonne marche de l'institution. En effet, sur la base du décret n° 2008-2716 du 4 août 2008 et portant organisation des universités et des établissements d'enseignement supérieur et de recherche et les règles de leur fonctionnement, il est stipulé dans l'article 37 que «sur les questions relatives à la carrière professionnelle du personnel enseignant et de recherche», on ne peut être «appelé à donner son avis sur une question relative à un grade supérieur». En d'autres termes, ce doyen maître de conférences ne pourra pas statuer sur les professeurs émérites et les ouvertures de postes de professeurs. Selon l'article 31 du même décret, «le doyen doit obligatoirement présenter deux propositions pour la nomination à la direction des études et des stages». Ces dernières devraient concerner forcément des maîtres de conférences ou des maîtres assistants. Le doyen est aussi en charge de nommer les directeurs des écoles doctorales et les présidents des commissions des thèses et dans la même logique ces derniers ne pourraient pas être professeurs. Il est vrai que les textes permettent qu'un doyen puisse être maître de conférences. Cela est même fréquent pour les jeunes institutions qui ne bénéficient pas d'un staff de corps A important et dont la majorité n'organise pas de formation doctorale et est encore loin de statuer sur le dossier des professeurs émérites. La situation est nettement différente à la FST qui se caractérise par une activité de recherche intense et une gestion complexe qui nécessitent des compétences réelles et une très grande disponibilité. Car il s'agit de faire face à plus de 10.000 étudiants, des dizaines de filières de formation (entre licences, mastères, cycles préparatoires, cycles ingénieurs, doctorats, dans 6 disciplines scientifiques différentes), deux écoles doctorales, 550 enseignants dont 150 professeurs, plus de 250 personnels ouvriers, administratifs et techniques, 60 structures de recherche, plus de 500 publications scientifiques et plus de 150 thèses par an. Vous pouvez répondre que la valeur n'attend pas le nombre des années et qu'un jeune maître de conférences brillant, dynamique, disponible, expérimenté et ayant la confiance et la reconnaissance scientifique de ses pairs pourrait conduire cette grande institution scientifique et saurait faire face aux multiples problèmes qu'il aura objectivement à rencontrer. Or, outre le fait que ce doyen n'est maître de conférences que depuis deux ans et que pour prétendre passer au grade de professeur d'ici trois ans, il faudrait qu'il trouve le temps, avec la très lourde responsabilité qu'est la gestion de la faculté des Sciences, d'effectuer sérieusement une activité de recherche et d'encadrement de thèses pour répondre aux critères de promotion requis, il faut se rendre à l'évidence qu'il n'a aucune expérience, ni dans la gestion, ni dans la direction de la recherche et son CV ne peut nullement être qualifié de brillant: une maîtrise passée en 8 ans, peu de publications scientifiques, des échecs consécutifs au passage de grade de maître de conférences... Quant à la confiance de ses pairs, là aussi il faut se rendre à l'évidence qu'il s'est présenté aux élections du conseil dans son propre département, un mois auparavant, et n'a pas été élu. Alors, il est légitime de s'interroger sur le sens de cette candidature et expliquer les résultats de ce scrutin. Il faut dire qu'il existe de nombreux professeurs à la faculté des Sciences de Tunis qui possèdent les qualités requises pour conduire l'institution. Il y en avait même qui étaient candidats et syndicalistes de longue date de surcroît, mais ils n'ont pas reçu la caution du bureau syndical de la FST. Car, depuis quelques années, nous assistons à la mainmise de ce bureau syndical sur les élections du conseil scientifique et du doyen. Pour espérer pouvoir être élu doyen, il faut montrer patte blanche aux membres de ce bureau. C'est le seul critère requis ! Que vous soyez militant syndicaliste, que vous ayez une crédibilité scientifique ou une expérience dans la gestion, tout cela ne comptera pas si vous n'avez pas fait allégeance à la poignée d'enseignants composant ce bureau qui ne compte que deux ou trois personnes actives par département. Profitant de la très haute estime qu'ont les enseignants de l'Ugtt en tant qu'institution, ce bureau établit une liste «dite syndicale» qui se présente aux élections du conseil scientifique sans consultation préalable de la base. Le gigantisme de la faculté aidant, certains enseignants (et surtout les plus jeunes), faisant confiance à l'institution syndicale, votent souvent en bloc pour la liste autoproclamée sans en connaître tous les candidats. Ensuite, une fois les membres du conseil élus (le nouveau doyen est le seul corps A élu au conseil sur les 5 candidats A appartenant à la «liste syndicale»), les jeux d'influences, le marchandage et la promesse de poste contre don de voix font le reste. Et là, le moins que l'on puisse dire, c'est que ce ne sont pas les intérêts de l'institution qui priment mais plutôt les intérêts personnels et ceux du clan. Nous devons donc reconnaître que la faculté des Sciences de Tunis est victime de son bureau syndical. Aux dernières élections, plusieurs enseignants ont cru naïvement que les membres de ce bureau syndical auraient le sens des responsabilités pour soutenir un candidat crédible. Au lieu de se soucier de la bonne marche de l'institution, ils ont aveuglément opté pour les intérêts étroits de leur clique. Ces pratiques déshonorent le syndicalisme et l'Ugtt. Il est donc nécessaire d'attirer l'attention des responsables sur les blocages objectifs consécutifs à cette élection qui risquent de mener vers le démantèlement d'un patrimoine national qui a produit de grandes figures du pays, des ministres, des hauts cadres, des chercheurs de haut niveau, et de dénoncer les dérives d'une caution syndicale contre nature.