Malgré le développement et toute la transformation que connaît l'univers de la beauté, le modèle du maquillage traditionnel tunisien perdure et reste encore en vigueur dans certaines régions du pays. Nombreuses sont les femmes tunisiennes qui continuent aujourd'hui à se maquiller comme leurs aînées et leurs ancêtres, particulièrement pendant certaines soirées de leurs cérémonies de mariage. Le «rituel de maquillage» à l'ancienne reste intimement lié au «rite de passage». Dans la société traditionnelle tunisienne, la jeune fille n'avait pratiquement pas le droit de se maquiller sauf pendant l'outiya et la achoura où elle était autorisée à se noircir les yeux avec du khôl. En effet, le maquillage était l'apanage de la femme mariée (et des marginales !) et s'exprimait avec force dans les grandes occasions ou ce qu'on appelle les «rites de passage ». Mais l'expression suprême de la pratique de cet ornement du visage était, incontestablement, le mariage. On assiste à un processus codifié où le maquillage constitue l'ultime étape. La caractéristique majeure de cet ornement du visage réside dans le fait qu'il est très chargé. C'est un concentré de symbolismes sexuels, et c'est, en fait, sa fonction première. D'une manière générale, le maquillage traditionnel met principalement en valeur les yeux, les sourcils, les joues et la bouche. Cependant, et d'après Aziza Ben Tanfous, dans certaines régions, comme le Sahel, des motifs (fleurs, lignes, cercles...), rappelant le tatouage, sont aussi dessinés sur le visage de la mariée (front, menton, joues...) avec du harkous. Outre leur fonction esthétique, ces dessins sont pourvus d'une charge symbolique : elles protègent la mariée contre le mauvais œil. Les couleurs principalement utilisées sont celles employées de tout temps et dans la plupart des civilisations (orientale et occidentale) dans les maquillages traditionnels, à savoir le blanc, le noir et le rouge. Se souligner les yeux avec du khôl sert à conférer une vivacité au regard. Le teint rose donné aux joues (souvent sous forme de cercles) est un signe de la bonne santé de la femme. Le noir des yeux et le rouge sang des lèvres contrastent avec la blancheur du teint. L'idéal de beauté était, et demeure jusqu'à aujourd'hui et malgré la vogue actuelle du teint bronzé, la blancheur du teint. Aujourd'hui, le modèle du maquillage traditionnel est le plus souvent utilisé dans des occasions ponctuelles, essentiellement les mariages, et dans les régions intérieures du pays. Ce qui a permis, probablement, sa pérennité jusqu'à nos jours, c'est le fait qu'il soit associé au port du costume traditionnel. En effet, ces deux éléments de la parure féminine paraissent indissociables. C'est une relation de complémentarité qui les unit et qui contribue à l'élaboration de l'image et de l'identité de la femme présente dans l'imaginaire collectif. Ce maquillage fait désormais partie de tout un cérémonial ancestral et obéit à des règles bien précises et à des canons de beauté bien particuliers. Ce type de maquillage est resté presque immuable, comme figé. Il a traversé le temps et a échappé à l'influence des médias et aux effets de mode. Toutefois, on observe quelques petits changements qui se sont opérés, comme l'utilisation de couleurs pour les fards à paupières et l'emploi du mascara. Les produits utilisés ne sont plus, par contre, les mêmes qu'autrefois. On use de plus en plus de cosmétiques industriels, plus faciles à utiliser, au détriment des produits traditionnels artisanaux. Par ailleurs, ce modèle de maquillage est encore présent parfois dans la sphère du quotidien. En effet, il existe encore des femmes tunisiennes, essentiellement dans des régions reculées du pays, qui continuent à se maquiller suivant le modèle traditionnel. Elles continuent à adhérer à un archétype, à une certaine image de la beauté transmise d'une génération à une autre et ancrée dans l'imaginaire collectif. La conservation du maquillage traditionnel et des atours ancestraux du visage exclusivement tunisiens révèle une volonté d'enracinement (régional), un attachement à la tradition, une volonté de perpétuer des pratiques ancestrales malgré les grandes vagues de changements en matière de beauté, des vents venus d'Orient et d'Occident.