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Un symbole de liberté ou un caprice de jeunes ?
Piercings et tatouages
Publié dans Le Temps le 05 - 03 - 2010

Avis partagés sur un phénomène de société qui prend des proportions gigantesques
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Se faire tatouer est souvent un coup de cœur, une réaction instinctive, probablement héritée de nos tribus ancestrales
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Pour beaucoup de jeunes, la difficulté vient souvent de la famille
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Les jeunes Tunisiens, et surtout Tunisiennes, sont de plus en plus nombreux à se faire implanter des piercings ou à se faire tatouer.
Pour les jeunes, ces éléments de décoration indélébiles sont des symboles de liberté et d'affirmation de soi, mais aussi un phénomène de mode. Un caprice que les familles n'acceptent pas toujours et que les médecins tunisiens ne voient pas d'un très bon œil, car selon eux, piercings et tatouages ne sont pas sans dangers pour la santé.
Décryptage d'un monde secret entre percés et tatoués, entre conservateurs ténébreux et exhibitionnistes têtus, où l'aspect psychologique joue un grand rôle…
Selon plusieurs témoignages, l'envie de se faire tatouer ou de poser un piercing se déclenche en général au début du printemps et durant la belle saison, lorsque le corps est le plus exposé aux regards. C'est le cas de Lamia, jeune esthéticienne : « j'attends juste de trouver un tatouage pour lequel j'aurais le coup de foudre, sinon je le dessinerais moi-même. Le rêve ce serait un tatouage fin qui débuterait au niveau de la nuque et qui descendrait le long de la colonne vertébrale. » Et quand on lui demande pourquoi cette envie elle répond : « Je le fais pour moi, car je trouve ça beau. Il faut l'accompagner d'un look personnalisé, d'une façon de s'habiller et d'exprimer sa personnalité... »
Originalité
Se faire tatouer est souvent un coup de cœur, une réaction instinctive, probablement héritée de nos tribus ancestrales. Témoin, cet homme issu d'un milieu rural, qui se souvient : « dans la région où j'habite, certaines femmes âgées ont des tatouages de couleur grise sur le visage et les mains. Elles m'ont raconté que lorsqu'elles étaient jeunes, c'était un signe de beauté, d'appartenance à la classe sociale ou à la tribu. »
Depuis, le tatouage a connu diverses fortunes. Il a été un élément gênant pour ceux qui ont gravi l'échelle sociale et qui se sont retrouvés à la tête de grandes administrations. Ils ont été nombreux à effacer les traces de ce qui était vécu à l'époque comme une réminiscence d'un passé dépassé. Un sociologue nous a affirmé que « en Tunisie de nombreuses personnes âgées avaient des tatouages claniques. Ces tatouages faisaient partie de notre culture et ils étaient jadis monnaie courante, surtout dans les zones rurales et au sein des tribus anciennes. À l'époque ces tatouages avaient un sens, aujourd'hui c'est juste une question de mode. »
D'autres sources assurent que l'origine des tatouages et des piercings est assez hétérogène. Les piercings proviennent de diverses croyances : les marins pensaient qu'une oreille percée améliorait la vue, des prêtres se faisaient percer la langue afin de communiquer avec Dieu, quant aux piercings dans le nez, ils existent depuis toujours chez les tribus dites primitives.
Puis il y a eu l'époque des Hippies et des Punks qui ont révolutionné le fond, la forme et la technique des tatouages, notamment en introduisant la couleur. De nos jours, les tatouages ont une signification personnelle : on tatoue le nom de quelqu'un, peut être le nom d'un ancien amour, ce qui ne manque pas de provoquer quelques problèmes dans le couple. Etudiante en psychologie, Samia est passée par là : « j'ai rompu avec mon fiancé car je ne supportais pas qu'il porte la trace de son ancienne petite amie dont le prénom était tatoué sur son avant bras... »

Le refus des familles
Pour d'autres jeunes, la difficulté vient souvent de la famille : « mon problème c'est que je ne sais pas comment ça va être perçu par mon entourage », confie Asma, qui appartient à un milieu assez conservateur et où on lui a dit que « les tatouages, c'est interdit par la religion musulmane. » Les témoignages de ce type sont d'ailleurs nombreux. Une lycéenne nous a confié : « moi, j'ai eu envie de me faire tatouer, mais au moment de l'annoncer à ma famille, ça a créé une grande discussion, car la majorité était franchement contre et on m'a dit que ce n'est pas de notre niveau. Mon père a même parlé de me renier… J'ai réfléchi et en fin de compte j'ai décidé de ne pas le faire et d'attendre que les mentalités changent. »
Sa copine, également intéressée par les tatouages, confirme et apporte son analyse de la situation : « j'aimerais en faire un qui soit discret au bas du dos, mais j'ai peur de la réaction de mon futur mari, car ce genre de choses est très mal vu dans certaines familles. D'ailleurs, dans la société tunisienne, on n'est pas libre de faire ce que l'on veut, de s'habiller comme on veut… Les gens se surveillent trop et cela peut causer du tort parfois. Cela dit j'hésite beaucoup car un tatouage c'est joli quand on a 20 ans, mais qu'en sera-t-il dans 20 ou 30 ans ? »
Une dame nous a également relaté son expérience avec son piercing : « il y a quelques années j'avais un piercing au nez, puis j'ai rencontré mon mari et lui n'a pas trop aimé, mais je le lui ai imposé. » Depuis, elle s'est assagie et elle l'a enlevé spontanément : « après la naissance de mon fils, j'ai enlevé mon piercing car je trouvais que cela faisait un peu trop gamine. J'avais l'impression d'avoir mûri et que ces choses là devenaient dépassées… »
Le plus conservateur de nos interlocuteurs est un enseignant d'arabe dans un lycée : « aujourd'hui, les jeunes filles se font de plus en plus des tatouages dans le bas du dos. Et elles ont souvent tendance à porter des jeans taille basse pour que cela se voit. Elles sont trop provocantes, pour ne pas dire autre chose… Heureusement que je n'ai pas de fille ! »
Mais peu de jeunes nous ont semblés intéressés par le sujet et les critiques ont été nombreuses, comme ce futur bachelier : « moi je n'aime pas les tatouages et je trouve ça vulgaire, mis à part les dessins éphémères, comme le Harkous qui fait partie de nos belles traditions. Quant aux piercings, je les déteste carrément, car pour moi, ce sont des mutilations. »
Ce n'est évidemment pas l'avis des inconditionnels, un couple franco-tunisien où le mari affirme : « nous, on a plusieurs piercings dans divers endroits et on adore ça ! Ce n'est pas une mutilation, mais une façon d'exprimer la personnalité de chacun. Après tout, l'or et le diamant sont utilisés par les hommes et les femmes depuis la nuit des temps. Seuls les endroits où on les place ont changé. »
Sa femme confirme : « il faut être sûr de ne pas regretter son choix. Moi quand j'ai fait mon tatouage, je voulais un dessin unique. J'ai fait des recherches sur internet où j'ai trouvé un très beau dessin. Je suis allée voir mon tatoueur, on l'a un peu modifié et maintenant je suis sûre que personne n'a le même tatouage que moi. »
Certaines jeunes filles coupent la poire en deux, comme cette étudiante en informatique très ouverte d'esprit, mais très réaliste aussi : « Moi je trouve que les tatouages, ça fait viril, surtout sur un homme musclé. Pour les piercings, j'en ai toujours voulu un, mais je me suis contentée de mettre de faux piercings, ceux que l'on met avec un aimant sur le nez... J'estime qu'il faut s'ouvrir sur les cultures qui sont différentes des nôtres, tout en ayant du respect pour celles où l'on vit, sinon bonjour les dégâts. »
Quant aux médecins, bon nombre d'entre eux ont évoqué des problèmes d'hygiène lors de ces opérations, un dermatologue allant jusqu'à évoquer la possibilité de voir apparaître des cancers sur la peau, mais pas plus que lors d'une exposition au soleil sans ces tatouages…
Quoiqu'il en soit, cette plongée dans le monde du tatouage et des piercings nous aura permis de découvrir à quel point la société tunisienne est complexe et même contradictoire, oscillant entre ouverture et enfermement. Une contradiction qui est plus ou moins importante selon les sujets évoqués…
Yasser Maârouf
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Rencontre avec un tatoueur : « Les filles sont les plus nombreuses à se faire tatouer et à se faire poser des piercings »
Il s'appelle Farid Boughanmi et avec lui c'est une rencontre du troisième type que nous avons eue dans le quartier où il habite, du côté de la banlieue nord. Tout habillé de noir, cheveux longs attachés à l'arrière, percé dans plusieurs endroits, tatoué sur une grande partie du corps, il parle de son métier avec beaucoup de passion…
« J'ai commencé à m'intéresser aux tatouages dès l'âge de 10 ans. Il faut dire que j'étais assez bon en dessin et en calligraphie… A partir de 12 ans, je me suis penché sur l'histoire des peuples, les tatouages et j'ai même dessiné sur ma peau une petite araignée. Mes amis ont vu ce dessin, ont posé des questions et ils ont été attirés par cette technique. Depuis, je suis passé professionnel.
Selon ses propres statistiques, ce sont les filles qui sont les plus nombreuses à se faire tatouer et à se faire poser des piercings : 25% de ses clients sont des garçons et 75% sont des filles. La plupart des tatouages sont placés dans des endroits peu visibles : bras, épaule, cheville, hanche, bas des reins… Les piercings sont placés dans la zone du nombril, sur le nez ou les lèvres, sur la langue et l'arcade sourcilière.
Les thèmes sont très divers : il y a les animaux comme les lions, les dauphins, les têtes de tigres, les dragons, les papillons, les scorpions, les araignées… On peut aussi dessiner des anges, des fées, des personnages. En ce moment, c'est Michael Jackson qui est le plus demandé, mais Jimmy Hendrix ou Che Guevara ont toujours autant de succès. Certains passionnés se font tatouer le nom ou le portrait de leur copine, de leur mère…
On me demande aussi beaucoup de graffitis, qui sont en général des créations originales dessinées par les jeunes eux-mêmes ou créées par moi, avec leur accord. Ce que l'on me demande depuis quelque temps, ce sont des calligraphies, avec des caractères chinois, japonais et surtout arabes.
Un tatouage ou un piercing ne fait pas forcément mal, cela dépend de la sensibilité de la zone que l'on travaille, il faut juste faire attention pour éviter les problèmes d'hygiène. Pour les effacer, on peut avoir recours au laser ou les recouvrir d'un autre tatouage.
Quant au prix, il dépend de la recherche effectuée, de la dimension, des couleurs, de la difficulté du dessin… Il faut compter quarante Dinars pour un petit tatouage et une centaine de Dinars pour un dessin de dix centimètres sur dix. Exécuter un tatouage cela dure entre trente minutes et une heure. Pour les piercings, c'est beaucoup moins cher et d'ailleurs certaines pharmacies et même des infirmiers en posent aujourd'hui pour moins de cinq Dinars…
En ce qui concerne le côté sociologique, beaucoup de choses entièrement fausses sont dites. Moi je veux insister sur la liberté individuelle : mes tatouages sont un moyen d'expression, une façon d'attirer le regard et même un moyen de rechercher la paix intérieure. Je constate cependant que si la Tunisie évolue sur le plan technologique, il y a une régression sur le plan des mentalités, de l'acceptation de la différence, de la tolérance… »


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