Sur fond de grogne et de colère, en protestation contre la position passive du gouvernement à l'égard du dossier des immigrés disparus, encore en instance, le forum annuel des Tunisiens à l'étranger s'est ouvert, hier à Gammarth, sous le signe de «la migration et la citoyenneté». Avec le soutien de la société civile, les familles protestataires rassemblées sur les lieux de la manifestation n'ont pas fini de chercher désespérément réponse à leur souci majeur: où sont nos enfants disparus en Méditerranée, il y a plus de deux ans ? Et depuis, les gouvernements successifs et les instances censées être en charge de cette affaire n'ont pas bougé le petit doigt, malgré les voix de détresse qui s'étaient élevées maintes fois. Pis encore, il ne se passait pas une semaine ou un mois sans que des jeunes Tunisiens, à la fleur de l'âge, n'aient été victimes des illusions de l'immigration clandestine. Face à ce drame enfanté du chômage et de la pauvreté, comment peut-on saisir le sens de la citoyenneté dans sa dimension identitaire et socio-culturelle ? S'exprimant, hier à l'ouverture de la conférence annuelle des Tunisiens à l'étranger tenue par le ministère des Affaires sociales, le chef du gouvernement provisoire, Mehdi Jomâa, a mis en exergue la place de choix qu'occupe la communauté tunisienne et le rôle capital qu'elle doit jouer dans l'œuvre du développement intégral du pays. Citoyenneté, un maître-mot qui résonne, aux yeux de nos ressortissants, comme un acquis confisqué, il est donc temps de restituer le droit et d'en bénéficier pleinement. Et la nouvelle Constitution fraîchement mise en vigueur est censée être le meilleur garant de tous leurs droits civils, économiques et socio-politiques. Compte tenu des grands défis notamment sécuritaires auxquels est confronté, plus que jamais, le pays, le chef du gouvernement a appelé les Tunisiens résidant à l'étranger dont le nombre dépasse largement un million d'émigrés à s'inscrire massivement sur les listes électorales pour arriver à gagner les enjeux majeurs de la transition démocratique. Certes, la réussite de cette étape si délicate et cruciale est tributaire d'un climat politique sain et stable, loin des menaces terroristes. Nos concitoyens, ajoute M. Jomâa, sont également appelés à soutenir l'Etat dans sa guerre acharnée contre le terrorisme et à appuyer le fonds de lutte contre ce phénomène. Le chef du gouvernement a souligné, par ailleurs, que les Tunisiens établis à l'étranger constituent un capital humain riche en compétences hautement qualifiées auxquelles l'Etat doit favoriser tous les privilèges d'investissement dans le marché local. Idem pour la protection de leurs droits et la préservation de leurs acquis et de leur dignité. Dans ce contexte, l'élaboration d'une approche globale et cohérente de communication et d'assistance semble être de mise, dans la mesure où des stratégies et des études prospectives sur l'état des lieux seraient possibles à la faveur d'un observatoire national de l'émigration, créé, à cet effet, en avril dernier. A cela s'ajoutera prochainement un conseil national des Tunisiens à l'étranger visant à renforcer leur participation dans l'édification de l'avenir du pays. Ce qui pourrait enraciner chez eux la culture de citoyenneté et le sentiment d'appartenance à la mère patrie. Et partant, toutes les raisons sont bonnes pour en faire de véritables ambassadeurs, en passe de jeter les ponts de la diplomatie entre leur pays d'origine et ceux d'accueil. L'Office des Tunisiens à l'étranger (OTE) est, lui aussi, une pièce maîtresse dans la restauration de l'image et de la relation qui le lie à notre communauté résidant à l'étranger. Un tel changement de position commande aussi une reconfiguration des prestations et de services à leur fournir à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, à travers les structures d'assistants et d'attachés culturels et sociaux dans nos ambassades et consulats. Leur encadrement à leur retour provisoire ou définitif est aussi de mise. Et pour cause, l'OTE a déjà mis en place un guichet unique pour leur faciliter le parachèvement des procédures administratives requises. Aujourd'hui, clôture des travaux, les interventions vont se focaliser sur l'exercice du droit de vote et le projet du conseil national des Tunisiens à l'étranger. Au bout du compte, le fruit du travail d'ateliers servira tout bonnement de recommandations de base en vertu desquelles les émigrés tunisiens devraient ainsi passer au statut de citoyens à part entière, en droits et en devoirs.