Le père de la victime et tous ceux qui ont assisté au drame appellent à la condamnation des agents municipaux qui ont usé de leur pouvoir pour torturer le jeune Hamed Abdellaoui et l'inciter au suicide « Tunisie, qu'as-tu fait de tes jeunes ? » est le slogan du sit-in organisé, hier, à Msaken et plus exactement au seuil du poste de la police municipale. Le sit-in, tenu par M. Abdelhamid Abdellaoui, vient en réaction au silence juridique qui étouffe l'affaire de Hamed Abdellaoui et qui sert l'impunité « des responsables de sa mort ». Un slogan qui révèle un amalgame d'incompréhension, de dénonciation et de colère qu'éprouvent la famille de la victime et tous ceux qui ont été témoins du drame face à l'abus du pouvoir exécutif, à l'injustice et au fléau de corruption qui reprend de plus belle. Hamed Abdellaoui, rappelons-nous, s'est suicidé par immolation au deuxième étage du poste de la police municipale de Msaken. Il n'avait que 22 printemps et tant d'années à vivre. Jeune agriculteur, il ne demandait qu'à gagner son pain en toute dignité, en vendant des melons au marché. Certes, il ne bénéficiait pas d'une autorisation et usait d'un camion pour transporter et proposer sa marchandise. Cependant, et au lieu de l'avertir et de l'interdire de commercialiser sa marchandise conformément aux textes de loi, c'est-à-dire en lui adressant un procès-verbal d'interdiction, la police municipale de Msaken a préféré recourir à des pratiques impensables voire inhumaines. « Les agents de la police municipale lui ont confisqué le permis de conduire et la carte grise. Pourtant, le véhicule était en situation de stationnement. Et puis mon fils n'a commis aucune infraction routière. La police municipale n'était pas habilitée à saisir ses papiers », explique M. Abdelhamid, le père de la victime. Outre la saisie des papiers, les agents lui ont confisqué deux balances. « Ils l'ont assommé de violence verbale et physique. Ils l'ont humilié et provoqué pour qu'il accepte de jouer leur jeu, celui du chantage, de la corruption en contrepartie du droit », souligne M. Abdelhamid. Manifestement, le problème dépassait la seule interdiction de vendre du melon. Hamed avait subi provocation, humiliation, oppression, torture physique et morale. Ce jeune prenait sur lui-même toute cette injustice. Le 17 juillet dernier, il s'est rendu au poste de police préindiqué pour récupérer ses deux balances et ses papiers. Là encore, il avait enduré le martyre : provocation, violence, chantage et... incitation au suicide ! « Pour pouvoir récupérer ses balances et ses papiers, l'un des agents de police lui avait demandé d'acheter de la fourniture scolaire pour l'école primaire de Msaken, alors qu'un autre lui avait demandé de lui payer les frais de soins. Un troisième lui avait carrément demandé quelque cinquante dinars... », raconte notre confrère et le frère de la victime, Mohamed Hedi Abdellaoui. Cette provocation fondée sur l'abus du pouvoir avait supplanté la sagesse et la patience de Hamed. Et puis, une phrase était sortie de la bouche d'un autre agent de police : « Pourquoi ne pas imiter Mohamed Bouazizi et vous vous immolez, hein ? », relate Mohamed Hedi. Une phrase qui, au bout de quatre heures d'humiliation, avait résonné comme l'ultime recours, comme l'unique issue pour un jeune homme abattu par tant d'injustice. «Il avait confié à son petit frère qui l'accompagnait qu'il comptait s'immoler. Son petit frère avait alors supplié les agents pour qu'ils daignent lui rendre ses affaires. Il les avait prévenus que Hamed voulait s'immoler. Ils avaient répondu «Qu'il s'immole ! Tu peux faire de même !», raconte M. Abdelhamid. Hamed s'est éteint à l'âge de 22 ans. Sa dernière réplique : « Ils m'ont anéanti, que Dieu me pardonne ». Aujourd'hui, la famille Abdellaoui et la population de Msaken dénoncent l'impunité juridique qui met les responsables de la mort de Hamed à l'abri de la justice. « Nous demandons l'arrestation et la condamnation des coupables, conformément aux textes de loi et à la Constitution. Le chef de la police municipale de Msaken et ses deux collègues devraient être punis pour avoir offensé la loi, torturé physiquement et moralement mon fils, incité à la corruption et au suicide », recommande le père de la victime. Et d'ajouter que ces mêmes personnes profitent de leur situation pour intimider les témoins et les inciter à leurs déclarations.