La mauvaise récolte de tomates de cette saison a mis sur la paille les petits exploitants, aujourd'hui endettés jusqu'au cou. Les risques seront encore plus grands si demain ces agriculteurs mettent en exécution leur menace de ne plus cultiver la tomate destinée à la transformation. A l'Etat de réagir et de prendre les mesures qu'il faut pour au moins les rassurer. Autant la récolte céréalière était bonne cette saison, autant celle des tomates destinées à la transformation était mauvaise. Les rendements sont en deçà du minimum requis pour rentrer au moins dans ses frais. Dans la région du nord-ouest, le fléau de ce qu'on appelle communément le «point noir», une maladie qui attaque le plant au niveau de la tige, a fait des ravages causant ainsi une quasi-faillite aux petits et moyens exploitants qui dépendent dans leur activité du bon vouloir des transformateurs du produit et de certains intermédiaires qui leur avancent de l'argent sous forme de plants, d'engrais et de produits de traitement en contrepartie d'un pourcentage prélevé sur le prix de vente des tomates. La calamité qui s'est abattue sur les petits plants avant leur piquetage au mois d'avril est difficile à déceler si on n'est pas un vrai connaisseur de ce maraîchage, ce qui est le cas de plusieurs jeunes exploitants venus sur le tard, certains fonctionnaires et retraités devenus agriculteurs, attirés par un gain qui reste à prouver. Le fléau du «point noir» s'attaque à la tige du plant et commence par le rouge sans qu'aucun signe n'apparaisse sur le feuillage. Mais c'est au moment de la floraison qu'il se déclare avec le flétrissement graduel de la plante. Le mal est déjà fait et aucun traitement ne peut en venir à bout. Seul l'arrachage du champ et un nouveau piquetage de plants sains pourront remédier à la situation, or, cela ne peut se faire que si on a constaté de visu l'attaque de cette maladie, ce qui est rarement le cas. Ce fléau et bien d'autres, dont le fameux mildiou dû à la chaleur et à l'humidité et par voie de conséquence à l'évaporation, ont scellé le sort de la récolte de cette année avec des rendements dans certaines exploitations qui n'ont pas dépassé les 30, voire 20 tonnes par hectare ! Une véritable catastrophe ! Pour les agriculteurs, de tels rendements représentent, à la vente et aux prix pratiqués (130 millimes), à peine la moitié des dépenses. Sachant que pour un ha de tomates, la dépense moyenne est de 7 mille dinars, sans compter la location de la terre si on n'est pas propriétaire. Le rendement minimum pour rentrer dans ses frais et gagner à peu près mille dinars par ha ne doit pas être inférieur à 70 tonnes. Plusieurs exploitants, au vu de ce qui leur est arrivé, se retrouvent sur la paille avec en plus des traites non honorées et qui ne le seront pas à plus ou moins brève échéance car ils sont dans l'incapacité de pouvoir les payer. Ces traites sont généralement contractées auprès des transformateurs et de leurs intermédiaires. Dans le meilleur des cas, ces traites seront reportées sur la récolte de la saison prochaine saison, mais encore faut-il que ces maraîchers aient les moyens pour pouvoir travailler et produire. Cela n'est pas toujours le cas pour la plupart d'entre eux qui se disent incapables de pouvoir se relever de cette catastrophe. Et même parmi ceux qui en ont les moyens, on parle sérieusement d'abandonner une telle spéculation à haut risque dont les fléaux sont depuis quelques années innombrables. Avec les multiples traitements et les prix très bas du produit destiné à la transformation, le coût de production devient dissuasif, donnant ainsi matière à réflexion pour le plus téméraire des producteurs. Avec la baisse très sensible de la production cette saison — plusieurs usines de transformation ont déjà fermé depuis la première semaine du mois d'août —, il n'est pas exclu que notre pays redevienne importateur de concentré de tomate. Si cela n'est pas le cas pour cette année, ce sera assurément pour celle d'après, car, déjà des centaines d'agriculteurs ont décidé de ne plus se hasarder à cultiver la tomate destinée à la transformation. Ils ont leurs raisons, car depuis des années, ils n'ont de cesse de réclamer un réajustement du prix de cette tomate. Jamais on ne leur avait prêté oreille, jusqu'au jour où les transformateurs se sont vu octroyer une augmentation de plus de 30% pour la boîte de 800 grammes et de plus de 50% pour celle de 400 grammes, que les agriculteurs ont interprétée comme étant une injustice à leur égard de la part du pouvoir qui pratique la politique des deux poids deux mesures, en dépit de l'explication avancée pour justifier cette augmentation due, selon le ministère du Commerce, à la levée de la compensation. Cela étant et quels que soient les raisons invoquées ça et là et les arguments des uns des autres, il existe aujourd'hui un fait qu'on ne peut feindre d'ignorer, celui qui a trait aux grandes difficultés auxquelles sont confrontés les agriculteurs d'une manière générale et notamment les producteurs de tomates destinées à la transformation. Si des solutions ne sont pas trouvées sous peu, la situation risque d'empirer pour eux, ce qui ne manquera pas de rejaillir négativement sur l'emploi dans l'agriculture et sur notre balance commerciale, en devenant importateur d'un produit dont nous sommes censés en être exportateurs.