Tout le monde se demande d'où viennent ces sommes d'argent astronomiques que dépensent les candidats à la députation. Et on oublie les associations d'observation qui disposent, elles aussi, de belles sommes d'argent dont personne ne connaît la source Et si les observateurs autoproclamés suiveurs à la loupe du processus électoral dans ses moindres détails étaient observés à leur tour quant aux financements dont ils bénéficient et à la manière avec laquelle ils obtiennent les aides qui leur permettent de subvenir aux besoins de leurs agents dont le nombre va jusqu'à 4.000 pour certaines associations ? Et celles dont les demandes de financement auprès des «bailleurs de fonds» étrangers n'ont pas eu de suite favorable, comment se débrouillent-elles pour que leurs représentants sillonnent le pays et observent tout, et le jour du vote et durant la campagne électorale ? La Presse a soulevé ces questions avec nombre d'associations parmi les plus actives en matière d'observation des élections (depuis le démarrage de la campagne d'inscription sur les listes électorales jusqu'au jour du vote, du dépouillement des bulletins et de la proclamation des résultats). 200 mille dinars pour les trois scrutins Kamel Gharbi, président de la coalition Ofiya pour l'observation de l'intégrité des élections (12 associations), précise: «Nous avons besoin de deux cent mille dinars pour pouvoir subvenir aux besoins des 1.000 observateurs dont la coalition dispose, et ce, tout au long des trois scrutins : les législatives le 26 octobre, le premier tour de la présidentielle le 23 novembre prochain, et le 28 décembre prochain, jour du second tour de la présidentielle. Pour le moment, nous avons réussi à collecter 60.000 dinars auprès de quelques hommes d'affaires, qui ont répondu favorablement à nos sollicitations. Quant à l'Union européenne, elle a boudé nos demandes sous le prétexte que nos dossiers n'ont pas été soumis à temps. Ils ont préféré, comme d'habitude, octroyer leurs financements à leurs amis traditionnels: Atide, la Ltdh et Lamm Echaml. Quand la délégation des observateurs de l'Union européenne est venue récemment en Tunisie pour préparer le séjour de sa mission, nous l'avons rencontrée et nous avons demandé que les aides soient octroyées aux différentes associations sur la base de l'égalité, de la transparence et de l'équité. Leur réponse a été claire: "Pour les élections du 26 octobre, on ne peut plus rien faire pour vous. A l'avenir, vous n'avez qu'à consulter régulièrement notre site pour vous informer de la date et des délais des appels à propositions de budget pour financer vos activités". Le président d'Ofiya insiste tout de même sur la nécessité d'instaurer de nouveaux rapports entre les «donateurs» et les associations d'observation du processus électoral, plus particulièrement celles qui sont nouvelles dans le domaine et qui ne connaissent pas les arcanes du monde associatif international. «Et malgré cela, Ofiya continue, ajoute-t-il, son action d'observation, et ne se lasse pas d'avancer des propositions, en dépit du fait que l'Isie n'accorde aucun crédit à nos suggestions. Pour que les auteurs des actes de déchirement des affiches électorales soient démasqués, nous demandons à l'Instance d'installer des caméras de surveillance relayées aux postes de police. Pour ce qui est de l'argent sale et de l'achat des voix, certaines informations nous sont parvenues. Elles concernent des cas qui se sont produits à l'Ariana et à Siliana. Pour le moment, nous menons notre enquête en vue de savoir si elles sont fausses ou vraies». Pas un euro de l'UE Du côté de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme (Ltdh), Ali Zdini, vice-président, est tranchant : «Nous n'avons pas reçu un seul euro de l'Union européenne. Nous disposons d'un reliquat très modeste conservé depuis les élections du 23 octobre 2011. Nous comptons sur nos propres moyens pour financer les activités de l'observatoire des élections relevant de la Ligue, qui n'en est pas à sa première expérience. La majorité de nos 2.500 observateurs déjà accrédités par l'Isie sont des volontaires, savent à l'avance ce qui les attend et sont disposés à mettre la main à la poche pour subvenir à leurs besoins. Toutefois, le 26 octobre, jour du vote, la Ligue accordera à chacun de nos observateurs une somme symbolique pour le transport et la restauration». Quant à son évaluation du déroulement de la campagne électorale à quelques jours de sa clôture, Ali Zdini relève : «Notre première préoccupation est bien cet argent sale qui continue à couler à flot sans qu'on puisse en avoir la preuve ou dévoiler les auteurs. La violence commence aussi à nous inquiéter sérieusement. A El Hamma, on est allé jusqu'à interdire l'accès à la ville à certains partis qui venaient y faire leur campagne». Nous sommes dans nos comptes L'association Mourakiboune, qui déploiera 4.000 observateurs le 26 octobre dans l'ensemble des 27 circonscriptions électorales que compte le pays, estime qu'elle est dans ses comptes au plan financier. «Nous avons demandé le financement nécessaire à notre action et nous l'avons eu auprès de plusieurs sources, comme la Fondation jordanienne pour le futur, pilotée par l'émir Hassan, frère du roi défunt Hussein, l'Organisation de démocratie internationale et la Fondation allemande Henrich Böll. Nous avons la particularité de bien ficeler nos dossiers, de manière à réussir à obtenir les sommes que nous réclamons auprès des bailleurs de fonds», révèle à La Presse Mehdi Limam, membre de la direction centrale de l'association. Toutefois, il reconnaît que «certaines associations n'ont pas été financées par les bailleurs de fonds traditionnels. Mais elles oublient que ces bailleurs de fonds financent les projets et non les personnes. C'est le projet qui impose par son sérieux et sa crédibilité son propre financement. Et quand un projet est refusé, il ne faut pas désespérer ou crier à l'injustice ou à la ségrégation». Volet bilan de la première quinzaine de la campagne électorale législative, Mehdi Limam déplore l'absence de réaction de l'Isie au niveau central. «Aux Berges du Lac, les responsables de l'Isie font la sourde oreille à nos rapports, et se comportent comme s'il n'y avait aucun dépassement. Pourtant, au niveau des Irie, ils prennent en compte les rapports de nos superviseurs, dont le nombre s'élève à 564, à raison de deux superviseurs par délégation», souligne-t-il encore. Notre interlocuteur indique que Mourakiboune va mettre en œuvre, le 26 octobre, une observation représentative de la Tunisie avec toutes ses circonscriptions électorales, à travers le projet Tabulation parallèle des votes. «C'est une méthode statistique, explique-t-il, qui permet d'extrapoler les rapports des observateurs sur toute la Tunisie avec une marge d'erreur minime».