Les milliers de tracts distribués pendant la campagne électorale brisent en silence le silence électoral. Le silence électoral est de rigueur, ou presque : des milliers de tracts électoraux traînent partout à travers la capitale. Ils sont transportés par un vent qui souffle un peu fort vers des lieux où leurs propriétaires n'ont peut être jamais mis les pieds tout au long de la campagne électorale. Ils sont partout et nulle part : qu'aurait retenu l'électeur de ce papier mate ou brillant, distribué généreusement ? « Ma boîte aux lettres est saturée. Il y en a un qui traîne au fond de mon sac. J'en vois encore sur les pare brises, accrochés aux essuies glace. L'autrefois, un jeune homme m'a tendu trois dépliants à la fois. Je lui ai signifié que mon choix est déjà fixé. Avec le sourire, il m'a répondu : moi aussi», témoigne Karima qui habite la banlieue et travaille à Tunis. Des jeunes, vêtus de teeshirts et de casquettes portant les logos de partis ont sillonné, seuls ou en groupe les rues et les ruelles de Tunis pendant une vingtaine de jours. Machinalement, ils distribuent les dépliants qu'ils tiennent entre les mains. Des bénévoles dont beaucoup vivaient pour la première fois l'expérience électorale. « C'était très fatigant mais très amusant aussi ; la réaction des gens était parfois surprenante. Nous étions un groupe de trois filles et deux garçons à faire ce travail ... Aux prochaines élections, je serai un vrai militant au sein du parti », s'enthousiasme Rafik, un jeune de 18 ans qui profitait de ses moments libres pour faire parvenir le programme de son parti par écrit jusque sur les paliers. Les paroles s'envolent... Les tracts distribués se déclinent en plusieurs formes et couleurs : dépliants, simples fiches et... ressemblent aussi à une carte de visite. Un moyen de communication très classique, assez traditionnel dans les grandes démocraties et qui est toujours à la page malgré une communication politique de plus en plus sophistiquée. « Je retiens le numéro de ma liste préférée grâce au dépliant. Je ne m'attarde pas sur les affiches collées, la plupart ont été arrachées d'ailleurs», indique Zohra, fonctionnaire. La distribution des tracts est autorisée par la loi électorale uniquement pendant la campagne. Les dépassements sont punis par la législation en vigueur. La loi ne s'applique pas néanmoins à tous ces tracts qui jonchent toujours le sol, qui polluent l'environnement et qui circulent au gré du vent. Ils laissent dans leur sillage les preuves d'un militantisme et d'un engagement politique. Mais pas seulement : lors des élections législatives de 2011, des bénévoles avaient rapporté que des personnes leur avaient à l'époque proposé de les aider...Ils s'emparaient toutefois des piles de tracts avant de disparaitre dans la nature. Des témoignages qui n'ont jamais été vérifiés. Or, comme le confirme l'adage: les paroles s'envolent les écrits restent. Plusieurs mois après les élections, des centaines de tracts ont réapparu pendant les funérailles du martyr Chokri Belaid, dispersés aux alentours du cimetière d'El Jallaz. Ces tracts témoignaient d'une campagne électorale dépassée et d'une affaire d'assassinat qui venait à peine de commencer... Et cet adage est d'actualité : les paroles s'envolent alors que les écrits resten