Un parti politique, dont le chef est reconnu pour sa fortune, continue à distribuer des tracts incitant au vote pour sa liste Trois petites fillettes, l'aînée de cinq ans et la plus petite de deux ans, se baladent dans l'une des salles du bureau de vote de Ksar Saïd, dans une banlieue à l'ouest de la capitale. Certainement pas pour glisser un bulletin de vote dans l'urne mais pour admirer leur jeune papa qui a tout fait pour que ses chères enfants partagent avec lui un moment historique, a-t-il insisté pour exiger leur accès dans la salle. En effet, leur présence est bien étrange dans un lieu réservé aux plus de 18 ans, âge légal pour voter, mais le père a souligné qu'il s'agit d'une leçon démocratique qu'il tient, bec et ongles, à l'inculquer à ses enfants. Il a même réclamé qu'elles enfoncent leurs doigts dans l'ancre violette pour les emballer dans l'opération électorale. Voyant sa requête refusée, il critique la réticence des agents de la salle, et de surcroît toute une politique d'hostilité qui serait engagée par les autorités, selon lui. Malgré tout, il marquera les doigts de ses fillettes par l'encre de son propre doigt avant d'aller à l'isoloir. Heureuses, les deux fillettes, les plus grandes, montrent leur index alors que la plus petite continue à admirer l'urne. A l'extérieur, plusieurs électeurs attendent leur tour avec leurs enfants et certains jeunes de moins de 18 ans se chamaillent dans la cour de l'école primaire aménagée pour le scrutin. Tolérants, souriants et sereins, les responsables de cette salle avaient pour objectif de maintenir la bonne cadence de l'opération de vote en acceptant ce dépassement qui ne risque pas de fausser les résultats D'après notre chronométrage, l'opération dure environ deux minutes pour chaque vote. Avec un tel rythme, ça ne risque pas d'être fatigant en fin de journée. La campagne électorale continue pour certains Certes, la présence des fillettes dans la salle n'est pas en mesure d'altérer l'opération de vote, le matraquage effectué par l'un des partis politiques, dont le chef est reconnu pour sa fortune, en distribuant des tracts incitant au vote pour sa liste électorale risque d'influencer les choix des électeurs et biaiser les résultats, a confié l'agent en dossard blanc qui a saisi certains la main dans le sac. C'est ainsi qu'il s'est excusé de sa manière un peu forcée pour exiger le contrôle de mon calepin, qu'il a soigneusement feuilleté. Au niveau des files d'attente, assez courte pour une circonscription fortement peuplée, les gens sont d'une courtoisie exemplaire, laissant la priorité aux vieux, aux malades... La quarantaine, une femme fraîchement opérée s'est présentée directement à la porte de la salle de vote et elle est passée en premier, sans la moindre contestation. Après avoir glissé son bulletin dans l'urne, elle a prononcé du bout des lèvres la liste pour laquelle elle a voté. Il convient de souligner à ce propos que les électeurs ont été très discrets à l'égard de leurs votes, avant et après le scrutin. A l'intérieur de la salle, observateurs, représentants des partis et journalistes suivent au grain l'opération électorale qui se déroule quasi-normalement, après deux heures de l'ouverture des bureaux. La faible pluie du matin aurait découragé certains de se présenter, selon le chef de la salle. Les jeunes font la grasse matinée Au sortir du bureau de vote, une dame, la soixantaine, heureuse d'avoir voté, résume bien les attentes des Tunisiens : «On veut de la stabilité et de la prospérité pour notre cher pays». Une autre, la cinquantaine, a souligné qu'elle a reporté toutes ses activités ordinaires du dimanche, notamment le grand ménage et le « cousous », pour aller voter. Ses enfants, qui font la grâce matinée, se présenteront plus tard au centre de vote. En effet, les files d'attente au cours des deux premières heures ont été formées, en majorité, par des femmes et des vieux, qui ne se permettent probablement pas le luxe d'une grâce matinée. A l'extérieur du centre, des jeunes du quartier se sont donné rendez-vous. Gobelet rempli de café à une main, téléphone dans l'autre, ils continuent à appeler leurs amis pour voter ensemble. En somme, la mobilisation des citoyens, la détermination du personnel d'organisation, l'expertise des observateurs et la présence massive des forces de l'ordre, tous les préalables sont réunis pour donner les couleurs à la fête de la démocratie.