L'hôpital El Kassab, à La Manouba, a réussi trois interventions chirurgicales sous hypnose, grâce à la collaboration du Dr Sabri Zoghlami, praticien d'hypnose et spécialiste en programmation neurolinguistique. Imaginez une intervention chirurgicale de pointe, sans anesthésie et sans douleur ! Vous penseriez que ce serait chimérique et pourtant, c'est possible. La Tunisie excelle, encore une fois, dans les techniques médicales. Depuis le mois d'août, l'hôpital El Kassab, à La Manouba, recours à l'hypnose comme technique alternative à l'anesthésie, grâce au savoir-faire du Dr. Sabri Zoghlami, médecin généraliste, spécialiste en hypnose et en programmation neurolinguistique et fondateur de l'Ecole canadienne de formation en hypnose en Tunisie. Aussi, trois opérations chirurgicales de pointe ont-elles été réalisées, sans le recours conventionnel à l'anesthésie, dont les répercussions sont reconnues comme étant fâcheuses et, parfois, fatales. Il s'agit d'une première en Tunisie, en Afrique et dans le monde arabe. L'hypno-sédation ou encore l'hypnose comme technique anesthésiante fut introduite en Europe et reconnue comme telle dans les années 90. Selon le Dr Zoghlami, le diagnostic par IRM avait permis aux scientifiques de décrypter davantage les pouvoirs du cerveau humain. Etant responsable de la stimulation de la douleur, le cerveau est également capable de la désactiver, par le biais de la transe hypnotique et, plus particulièrement, des suggestions hypnotiques recommandées par le praticien. En effet, l'hypnose est définie comme un état de conscience modifiée, une transe hypnotique provoquée par des suggestions au subconscient. «Le conscient empêche le subconscient de régner en maître. Les suggestions hypnotiques brisent cette règle en distrayant le conscient et permettre ainsi au subconscient de gérer la conscience du patient. Dans le cas d'une hypnose anesthésiante, les suggestions hypnotiques proposent au subconscient d'anesthésier ou de désactiver les zones cérébrales, responsables d'émettre le signal de la douleur au corps humain. Le cerveau s'avère être, donc, capable d'anesthésier une partie du corps», explique-t-il. Mettre le pied à l'étrier En Tunisie, la pratique de l'hypnose et son utilisation comme technique anesthésiante aussi pertinente que l'anesthésie conventionnelle et dépourvue de tout risque de complications font défaut. Ce qui n'a pas dissuadé le Pr Olfa Kaâbachi, chef de service de réanimation et d'anesthésie à l'hôpital El Kassab, de tenter l'expérience en sollicitant le Dr Zoghlami pour l'extraction d'une tumeur de l'abdomen d'un patient. «Nous étions beaucoup plus courageux que les médecins étrangers. En Europe, la transe hypnotique est utilisée comme étape préparatoire à l'anesthésie. En Tunisie, nous avons parié sur la seule hypnose et nous avons relevé le défi», souligne le spécialiste. Le flanc tranché, l'esprit en évasion ! Conduits par le spécialiste dans une transe hypnotique, les trois patients n'ont ressenti aucune douleur. Ils étaient dans un monde virtuel agréable alors que leurs corps subissaient le pire des sévices. Majed souffrait d'une grosse tumeur à l'abdomen. Il s'était proposé volontaire pour cette expérience ambitieuse. Il s'est fait opérer le 27 août 2014, après avoir été initié, au préalable à la transe hypnotique. L'opération avait duré une heure et demie, au cours desquelles il était étendu sur la table d'opération, l'abdomen ouvert. Mais son esprit était à Tozeur, à la ville des oasis ! Réveillé sur un claquement de doigts, un quart d'heure après l'opération, il avoue avoir tout entendu, mais qu'il était capable de choisir ce qu'il voulait entendre. La chair tranchée, il ne souffrait pourtant point ! Seule cette sensation qu'une main humaine se mouvait dans son flanc était à peine ressentie. «Deux heures après l'opération, Majed rentre chez lui, ou plutôt prend du plaisir à siroter un café aux Berges du Lac», ajoute le praticien d'hypnose. Il est intéressant de souligner que, pour prévenir les douleurs postopératoires, des suggestions post-hypnotiques sont recommandées au patient deux semaines durant. Elles lui permettent d'éviter les douleurs relatives à la plaie et de s'aviser, en revanche, quant aux douleurs dues aux éventuelles infections. Et de trois ! Après cette première, réalisée avec brio, le cadre médical d'El Kassab et le Dr Zoghlami ont multiplié les expériences. «Nous avons réalisé, jusque-là, deux autres interventions chirurgicales sous hypnose, soit une opération sur fracture des os ainsi qu'une arthroscopie du genou», renchérit le spécialiste. Malgré cette avancée médicale honorable, l'hypnose reste paradoxalement boudée par le Conseil de l'Ordre des médecins. Le Dr Zoghlami indique qu'il a adressé une demande à l'attention dudit Conseil dans l'espoir qu'il reconnaîtra l'hypnose en tant que thérapie alternative ; une demande qui a été déclinée. Il avait été, de surcroît, interdit de donner des cours d'hypnose à l'école précitée, sous prétexte qu'il est inconvenant pour un médecin d'exercer une pratique «dégradante» ! «Pourtant, souligne le praticien d'hypnose, les propriétés de l'hypnose sont indéniables. C'est une thérapie qui traite d'innombrables maladies et troubles, notamment les problèmes de la peau, le stress, l'anxiété, l'insomnie, les phobies, l'addiction au tabac et autres dépendances, l'obésité, les troubles alimentaires, le dysfonctionnement sexuel, les problèmes relationnels, le bégaiement, la dyslexie, d'autant plus qu'elle soulage les douleurs et déclenche même le processus de guérison spontanée chez les malades atteints du cancer et diminue les complications liées à la chimiothérapie». L'objectif étant d'intervenir au niveau de la «cabine de pilotage automatique» propre à chaque individu pour comprendre les causes de son dysfonctionnement et y remédier. Les futurs praticiens d'hypnose sont capables, d'ailleurs, d'aider leurs proches à résoudre leurs problèmes. Il est utile de savoir que l'hypnotiseur ne peut en aucun cas manipuler la volonté de l'hypnotisé ni l'obliger à accepter ce qui est contraire à sa volonté ou à ses convictions morales.