Le football n'est décidément pas une science exacte. La victoire ne sourit toujours pas aux audacieux, entreprenants et généreux. Le football est ainsi fait : le meilleur ne gagne pas toujours, même si, du point de vue esthétique, il a fait le job, comme on dit. Le CA n'a pas fait les choses à moitié face à la révélation de la compétition. Prenant Zarzis à la gorge dès le coup d'envoi, le leader a poussé, intimidé, conquis des espaces sans pour autant aller au bout de ses intentions. Privant l'adversaire de ballon, les Clubistes ont paru déterminés avec un mental de conquérant face probablement à l'une des meilleures défenses du championnat (adossée à un excellent gardien). Fond de jeu qui prend forme, rythme soutenu, envie et vélocité, le leader n'a pas fait les choses à moitié (même s'il a dû tantôt payer le prix des efforts du derby). C'est qu'en l'absence de son métronome Djabou, le onze proposé a semblé libéré, pressant Zarzis et accélérant la cadence pour atteindre un pic (ou optimum) intéressant dès la première demi-heure de jeu. C'est ce CA-là que les puristes veulent voir et revoir indépendamment de toute obligation de résultat. Un onze qui séduit même s'il ne maximise pas les points. C'est de bon augure quant à la suite du parcours. Car l'attachement de Sanchez à des variantes de jeu parfois trop rigides nuit au spectacle et, par ricochet, influe sur la liberté de manœuvre des joueurs, sapant le talent comme on dit. Chaque match a sa vérité Un club condamné à prendre le jeu à son compte (comme tout postulant qui se respecte) doit s'adapter au profil adverse et contraindre son vis-à-vis à subir. Cette adaptation, si elle n'est pas la seule composante de l'intelligence des joueurs, en constitue l'un des fondements. Varier les registres, ne pas seulement se confiner dans la sempiternelle «application des consignes», Sanchez doit absolument apprécier les qualités intrinsèques des siens à leur juste valeur. Et non pas de perpétuellement tenter de faire entrer «au chausse-pied» l'ensemble dans un système, quitte à brider les talents. Valoriser, utiliser à bon escient et s'adapter : voilà ce qui est demandé au staff technique clubiste. Car tenter de faire accoucher au forceps la vérité de sa science n'est pas toujours transposable. Ce n'est pas un concept «prêt à l'emploi», sorte de consommable universel. En fin de compte, le head-coach ne doit pas se départir de cette incertitude du football qui fait que chaque match a sa vérité, avec ce que cela comporte comme aléas (circonstances, conjoncture...). La finalité étant de permettre aux joueurs de mieux s'exprimer . Improvisation et organisation Durant une grande partie de la phase aller, l'impression donnée est que le staff technique persiste dans son erreur de transformer ses joueurs en parfait petits soldats de systèmes rigides (formatage récurrent). Le résultat est sans appel. A l'exception du dernier match face à Zarzis (où le CA n'est pourtant pas sorti vainqueur), le football présenté par le leader a semblé parfois insipide. Des rounds d'observations qui s'éternisent, de longs passage à vide quand le CA prend l'avantage, voilà qui est symptomatique d'un onze qui manque de cœur et d'alchimie. Adhérence et solidarité Djabou, génie intermittent et artiste à l'envi, nuit-il au groupe plus qu'il ne l'inspire ? Un fait est certain. En l'absence du créateur clubiste face à Zarzis, l'équipe a fait corps dès les trois coups, ne lâchant pas la bride, même si le but adverse, contre le cours du jeu (penalty inexistant sifflé par un arbitre complaisant) a freiné l'élan clubiste. Pourtant, c'est ce CA-là, orphelin de Djabou, qui a séduit, libérant Zouheir Dhaouadi d'un jeu jusque-là stéréotypé (coups de rein et crochet déroutant retrouvés), responsabilisant davantage Tijani Belaïd, métamorphosé en fin stratège, et libérant totalement le jeune Salifu (taille patron via un talent désormais conjugué à une personnalité qui se forge). Sans son créateur d'espaces et de mouvements, le CA a imprimé son rythme, s'est de fil en aiguille construit un label (du moins on l'espère), et ce, sans la présence de son moteur, son «héraut» Djabou. Car la question qui se pose actuellement avec acuité est bel et bien en rapport avec l'impact du lutin algérien sur le destin de l'équipe. Jusqu'à quand le CA se reposera sur un slalom, trois dribbles, un but de «renard», voire une passe lumineuse du Fennec pour déséquilibrer l'adversaire ? Et le travail de sape des pivots, le pressing de zone des joueurs de couloirs, le surnombre créé, les dédoublements, l'anticipation (surtout sur ce que l'on appelle communément la seconde balle), la ligne (application du hors jeu piège sur un signal du libéro)... Le football est un sport collectif, certes, mais il repose aussi sur la clairvoyance des joueurs, leur adhérence et beaucoup de solidarité. C'est ce qui fait l'identité collective d'une équipe et crée à terme une synergie. Pour y parvenir, le staff technique doit absolument élargir son champ de vision. Revoir sa lecture du jeu, ses choix de joueurs. Quand on voit qu'un jeune tel que Chiheb Zoghlami (un vrai N°9) ne bénéficier que de bribes de temps de jeu, il y a de quoi se poser des questions. Quand les jeunes Malick Touré et Houcine Mansour «s'éclatent» chez les élites, Sanchez ne peut y être insensible. Autant de remise à plat (et remises en question) de l'action d'un coach qui doit optimiser l'existant sans toutefois se résoudre à un conservatisme ambiant.