D'un commun accord, beaucoup de couples ont occulté la dimension religieuse Comment célèbre-t-on les fêtes religieuses dans les couples mixtes, lorsque l'un est musulman et l'autre chrétien ou juif? Après moult négociations, tergiversations houleuses pour quelques-uns, ces couples finissent par trouver un terrain d'entente. D'autres refusent, par contre, catégoriquement de célébrer une fête étrangère à leur confession. Les choix diffèrent d'un couple à l'autre. Mais chacun finit par trouver son compte. Des couples arrivent à trouver un compromis et à éviter les conflits en occultant totalement la dimension religieuse de certaines fêtes, tout en préservant le côté festif et traditionnel. Professeur d'arts plastiques, Najah a choisi d'émigrer aux Etats-Unis, il y a une quinzaine d'années, où il s'est marié avec Lindsay, une Américaine qui travaille dans un organisme public. D'un commun accord, ils ont décidé de ne pas s'imposer l'un à l'autre leurs propres convictions religieuses et célèbrent ensemble leurs fêtes respectives. Pendant le mois de Ramadan, Najah jeûne et fait régulièrement ses prières. L'Aïd Seghir et la fête du Sacrifice sont célébrés en grande pompe. Najah achète un mouton et s'acquitte des rites dans le plus strict respect de la tradition musulmane, en présence de sa femme et de ses enfants. Mais c'est Noël que ces derniers préfèrent le plus. Quelques jours avant, il achète un grand sapin de Noël avec les enfants qu'ils décorent de guirlandes et de boules multicolores. La veille, Lindsay prépare un grand dîner avec la traditionnelle dinde de Noël auquel sont conviés les voisins, les amis et la famille. Tard dans la nuit, les cadeaux installés sous le sapin sont offerts aux enfants dans une grande ambiance festive. Célébrer toutes les fêtes sans exception Exerçant en France dans une société de promotion immobilière, Habib est marié à une jeune femme française. Peu pratiquant, ce jeune homme, de confession musulmane, âgé d'une trentaine d'années, a renoncé, en France, à célébrer les fêtes religieuses musulmanes. Il prend, par contre, plaisir à fêter Noël avec sa femme et ses enfants. Lorsqu'il passe avec son fils les fêtes de fin d'année à Tunis auprès de sa famille, il ne fait pas l'impasse sur la fête de Noël et achète un sapin à son garçon qu'ils décorent ensemble dans un coin de la pièce de la grande maison familiale. « Nous sommes étonnés de le voir célébrer Noël, relève Samia, une cousine. Célébrer cette fête ne fait pas partie de nos traditions musulmanes. Pourtant, lorsque Habib, accompagné de son fils, vient, ici, passer quelques jours de vacances auprès de ses parents, à la fin de l'année, son fils insiste pour célébrer Noël. Mon cousin ne lui oppose aucune réticence. Il lui achète un sapin et le couvre de cadeaux. Par contre, son fils ignore tout des rituels et traditions relatifs aux fêtes musulmanes. C'est un choix ». Fervent pratiquant musulman, âgé d'une soixantaine d'années, M. Belhaj s'est habitué à voir un grand sapin de Noël, joliment décoré, trôner, chaque année, dans un coin du salon. Il n'est pas question pour sa femme Barbara Wylot, de nationalité polonaise, de renoncer à une des plus belles fêtes chrétiennes, qui a bercé son enfance pendant des années. Les préparatifs démarrent une semaine à l'avance. Barbara ramène chaque année de son pays natal tous les ingrédients qui vont lui servir à préparer le délicieux repas traditionnel de Noël, composé de nombreux gâteaux polonais et de plats halal. Pour éviter toute tension avec son mari, la sexagénaire a renoncé à assister à la messe de minuit, conférant aux fêtes de fin d'année une dimension essentiellement festive. «Le repas de Noël est un moment qui me permet en premier lieu, de rendre heureuse ma famille, qui, depuis l'arrivée de mon petit-fils, m'a aidée à oublier le mal du pays», se rassure Anna. Elle est très fière de faire découvrir à sa belle-fille, son gendre et son petit-fils, les spécialités polonaises. Anna, qui célèbre également les fêtes musulmanes, a même appris à dépecer le mouton pour la fête du Sacrifice et à préparer la fameuse « assida » pour la célébration du Mouled. Au final, le couple s'en tient au compromis et s'est mis d'accord pour célébrer Noël chez eux à Tunis et l'Aïd et Kébir chez les parents de Ahmed à Djerba. « C'est très important pour nous que nos enfants célèbrent ces grandes fêtes dans une ambiance familiale afin de resserrer les liens entre les membres de notre famille ». Selon le sociologue Abdessattar Sahbani, la prise en considération de l'environnement socioculturel dans lequel vivent ces couples est primordiale. « Je connais un couple de Français qui vit en Tunisie et qui célèbre le sacrifice du mouton pour que leurs enfants ne soient pas déconnectés du contexte socioculturel dans lequel ils vivent. Il est important, pour l'équilibre des enfants, de respecter les rituels et les traditions de la société dans laquelle ils vivent afin de faciliter leur socialisation et leur intégration. Pour les couples mixtes, le mieux est de célébrer toutes les fêtes, qu'elles soient musulmanes, chrétiennes...Cela permet, à la fois, d'éviter toute tension au sein du couple et d'inculquer à l'enfant l'esprit de tolérance et le respect des différences ».