Une enquête menée par « ONU Femmes » révèle que le travail non rémunéré accompli par les femmes au sein de leurs foyers s'élève, en matière de coût, à plus de 19,6 milliards de dinars, soit l'équivalent de 47,4% du PIB ! Le temps pour les Tunisiens est méthodiquement agencé selon leurs devoirs basiques, voire conventionnels. Pour les Tunisiennes, le temps est synonyme de défi, de course contre la montre, de tâches vitales, inéluctables, à la fois domestiques et professionnelles, mais aussi de missions sociales et humaines à accomplir, quotidiennement, dans les règles de l'art. La lutte frénétique pour et contre le temps acquiert, ainsi, une dimension existentielle, dont la rémunération excède les seuls chiffres, car traduite par des résultats moraux, tels que l'épanouissement de la famille, la gratitude d'une personne âgée ou la réussite d'un enfant. Fin 2013, l'entité des Nations unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes «ONU Femmes» a publié un récapitulatif sur une enquête portant sur l'utilisation du temps par les Tunisiens et les Tunisiennes. Il s'agit d'une étude réalisée bien avant la révolution et élaborée, alors, par le ministère des Affaires de la Femme, de la Famille, de l'Enfance et de la Personnes âgées, en collaboration avec l'Institut national des statistique (INS), avec l'appui de ONU Femmes. Une enquête usant de l'approche du genre pour comprendre l'utilisation du temps par les Tunisiens, d'une part, et les Tunisiennes, d'autre part. Elle a porté sur un échantillon représentatif de 4.464 ménages. Les résultats de cette enquête exposent un écart flagrant de genre en matière d'utilisation et de gestion du temps. Si les Tunisiens et les Tunisiennes consacrent, pratiquement, le même temps au sommeil ( soit 8h39 pour les femmes et 8h59 pour les hommes ), leurs journées semblent vaciller entre travail rémunéré et travail non rémunéré. Une fois debout, le couple vaque à ses préoccupations et à ses devoirs, chacun de son côté. Malgré un temps de travail marqué par la similarité des horaires et des honoraires, les hommes semblent mieux se concentrer au boulot. Leur temps de travail est ainsi triplé par rapport à celui des femmes ; soit 17,9% de la journée contre 6,4% du temps, pour les femmes. Cet écart ressort, essentiellement, de la disponibilité des hommes et leur aptitude psychologique et sociale à se concentrer sur l'activité professionnelle. Après le travail, ce sont les loisirs qui occupent la deuxième place sur l'échelle des occupations masculines ( 3h28 en moyenne), ce qui en dit long sur la dualité travail-épanouissement qui constitue la devise des Tunisiens. Au boulot ! De son côté, la femme se trouve incapable de consacrer plus de 2h23 pour ses propre loisirs. Submergée par les devoirs familiaux, dont les tâches domestiques, qui engloutissent en moyenne jusqu'à 5h16 de son temps journalier, la femme tunisienne fournit ainsi dix fois plus d'efforts que son alter ego, l'homme, dans des activités diverses, qui touchent aussi bien aux tâches ménagères qu'au bien-être de sa famille. Les soins apportés aux enfants, notamment leur hygiène de vie, l'aide scolaire, les jeux, l'éducation, mais aussi la prise en charge d'une personne âgée sont autant d'activités qui ont raison de son emploi du temps quotidien. Et c'est bien la femme et personne d'autre qui réussit à faire l'équilibre entre le travail et le foyer et à satisfaire les besoins affectifs et de bien-être des membres de sa famille. Quant à l'homme, il n'y contribue qu'à raison de 0h39 par journée. Sa contribution se limite souvent aux courses, à l'entretien de la voiture, à de petits bricolages... Les femmes au foyer disposent d'une demi-heure de temps libre Encore faut-il noter que les femmes au foyer consacrent plus de temps aux tâches domestiques que les femmes actives, soit une moyenne de 7 heures par jour. Son free time se limite à, seulement, 34 minutes. L'écart se poursuit jusque dans la classe estudiantine. Selon l'enquête, les étudiantes consacrent six fois plus de temps au travail domestique que les étudiants. Dans le milieu rural, la charge de travail féminin est encore plus encombrante que celle de la femme dans le milieu urbain. Entre travail rémunéré et tâches domestiques, la femme rurale s'investit 7h28 par jour, soit une heure de plus que les femmes dans le milieu urbain et 2h38 de plus que son alter ego, l'homme. Et ce n'est qu'à la retraite que cet écart entre les genres s'estompe un tant soit peu. Le temps libre pousse ainsi les hommes à s'investir davantage dans les tâches domestiques. Aussi, face à l'engagement pluridimensionnel des femmes, les hommes restent penchés sur leurs devoirs les plus conventionnels, les plus machistes et surtout les plus rémunérés en argent ( le travail ) ou en bien-être ( les loisirs ), ce qui est loin d'être le cas pour les femmes. L'enquête estime que le travail non rémunéré accompli par les femmes au sein de leurs foyers s'élève, en matière de coût, à plus de 19,6 milliards de dinars, soit 47,4% du PIB ! Chapeau bas pour la femme tunisienne !