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Faudrait-il abandonner le français ?
Langues
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 01 - 2000

Le niveau plus qu'alarmant qu'a atteint la langue de Voltaire chez les élèves, les étudiants et même
les enseignants ne peut, logiquement, que remettre en question l'utilité du maintien du français
en tant que deuxième langue du pays.
Cent trente-quatre ans !... Voici un âge que jamais être humain ne peut atteindre. Même un immeuble, chargé de tant d'années, ne peut que menacer ruine. Théoriquement, le français, chez nous, a fait son entrée en 1881. Aujourd'hui, donc, il a 134 ans. C'est beaucoup. Et on comprend qu'il soit, non pas malade, mais agonisant. Une longue agonie, on va dire. S'il n'est pas tout à fait mort, c'est simplement parce qu'il s'escrime à s'accrocher encore aux quinquagénaires et plus. Vous allez voir : le jour où ces cinquantenaires et plus auront disparu, il n'y aura plus personne pour écrire convenablement ‘‘Bonjour, Monsieur''. Ici, on semble exagérer un peu étant donné que nombre de jeunes semblent malgré tout s'en sortir tant bien que mal. Mais c'est déjà un aveu en soi, car n'est pas dite deuxième langue celle que ne ‘‘maîtrisent'' qu'une poignée de locuteurs. Il paraît qu'en Egypte le français soit devenu la langue de l'élite – la deuxième langue du pays étant l'anglais. Eh bien, nous y voilà à notre tour : le français, chez nous, a tout l'air d'être devenu la langue de l'élite. Donc – excusez-nous – inutile. Cela servirait à quoi de continuer à enseigner une langue que les professeurs eux-mêmes ne maîtrisent guère ?
540 fautes !
C'est arrivé au mois de septembre dernier. De sa qualité professeur de français dans un lycée, une dame d'environ 43 ans venait de terminer l'écriture d'un texte apparemment destiné à être publié. Sûrement consciente de la modestie de son niveau en la matière, elle a eu le bon réflexe de soumettre son manuscrit à un correcteur. Celui-ci – un traître, s'il en est – nous a montré la copie en question qui présente une moyenne de 5,4 fautes de français par page ; or, elle a écrit exactement cent pages pour totaliser 540 fautes. A l'examen de ces fautes, on va découvrir que la bonne dame n'a pas la moindre connaissance des règles de la ponctuation, ignore totalement la concordance des temps, conjugue mal certains verbes, et confond le sens de nombreux mots (convertir à la place de reconvertir, par exemple), sans parler de la langue elle-même qui reste très primaire. Ça, c'est le niveau des professeurs. Pas tous ?... On veut bien le croire.
C'est un enfant de 14 ans, en classe de 9e, qui nous dit en arabe dialectal : «Notre professeur nous a demandé de conjuguer trois verbouêt au passé composé». Nous exigeons qu'il formule le tout en français et par écrit. Il nous griffonne sur le papier : «Notre proffeseur nous a demandée de conguguer trois verbouêt au passé compausé». Nous nous arrêtons seulement sur ‘‘demandée'' pour comprendre la raison de cet accord mal tombé ; il nous répond : « C'est une femme, notre professeur ».
Un adolescent de 16 ans, élève dans un établissement... français (!), nous envoie ce message en guise de reconnaissance : « merci, tonton, pour l'effort que tu a fournit avec moi». Nous répondons qu'il conjugue mal aussi bien l'auxiliaire avoir au présent que le verbe fournir au passé composé. Et il a l'audace de nous rétorquer : «Hô, écoute ! On n'est plus au stade de la conjugaison, on étudie les textes de Voltaire à présent...». Et ça, c'est le niveau de nos enfants... (s'il ne cache pas celui de leurs professeurs également).
Facebook, ce grand délateur
Jusqu'à une certaine époque, il n'était pas possible d'apprécier de près le niveau général des moins de 50 ans en langue française. Puis, est arrivée la toile Facebook qui a mis à nu le niveau catastrophique de la majorité écrasante des Tunisiens. On comprend parfaitement ce besoin de s'exprimer, mais on ne comprend pas qu'on ait choisi, pour ce faire, une langue dont on ignore jusqu'à l'orthographe exacte. Pourquoi pas l'arabe, notre langue maternelle ? Cela sert à quoi de se heurter tout le temps à une langue aussi dure qu'un os ?
Le casse-tête du français
Reconnaissons-le : la langue française est un os, dur, très dur !... Avec 8 temps à l'indicatif, 4 temps au subjonctif, 3 temps au conditionnel, 2 temps à l'impératif et 2 formes du participe, vous êtes là – concordance des temps oblige – sur un terrain fourré de vingt explosifs (on a failli oublier l'infinitif) et où le moindre faux pas vous sort de la compétition. Ajoutez-y le casse-tête de l'accord du participe passé ainsi que les pièges de la syntaxe, et vous finirez par abdiquer. Pour nous, quinquagénaires et plus, le français tire son charme précisément de son caractère ‘‘osseux''. Oui, pour nous, c'est une langue très belle. Mais dont nous ne sommes toujours pas parvenus à maîtriser toutes les subtilités, loin, loin s'en faut. En Algérie, et malgré tout le bien qu'on dit de Mohamed Dib, Kateb Yassine et Rachid Boudjedra, il n'y a, à notre avis, qu'une seule femme qui ait agrémenté la langue française d'une élégance des plus raffinées : Assia Djebar. A titre d'exemple, son livre «Loin de Médine» n'est pas seulement un roman : c'est un délice, c'est du miel, c'est une saveur des plus exquises que plus personne ne peut en produire de pareilles fragrances. Que cela ne vexe personne, mais en Tunisie, il n'y a que deux cas dont la force de l'écriture mérite d'être signalée : Hichem Djaït et Hélé Béji. Oui, d'accord : c'est notre avis et c'est sûrement subjectif. Quoi qu'il en soit, tous ces noms cités sont des accidents : le Maghreb francophone n'est plus en mesure d'enfanter de pareilles plumes.
Et en France ?
Tout porte à croire que même en France, le français est en perte de terrain. La paresse des élèves, la limite des enseignants, l'entrée en force des anglicismes dans la langue, et les nouvelles technologies de l'information, le tout conjugué a fini par faire du français une espèce de langue ancienne, un peu comme le latin. D'ailleurs, il y a quelques années de là, il était même question de supprimer une fois pour toutes le subjonctif de la grammaire française. Et pourquoi pas, tant qu'on y est, le conditionnel et même l'indicatif ? On verra bien ce qui restera de la langue de Molière. De toute façon, des plumes de la trempe de Simone de Beauvoir, Sartre, Gide, Sagan, Mauriac, Camus et Malraux, ça n'existera plus. Plus jamais !
Courbe descendante
Revenons en Tunisie. C'est tout au début des années 1970 que le dernier Français enseignant sa langue dans notre pays était rentré chez lui, en France. C'est que, à partir de 1964, la première vague des professeurs tunisiens ayant étudié dans l'Hexagone étaient revenus peu à peu au pays et avaient pris les rênes de l'enseignement du français dans les lycées. Ces pionniers, si on peut dire, avaient eu une formation très solide. De sorte que leurs premiers élèves allaient se prévaloir d'une formation assez bonne, quoique légèrement inférieure au niveau de leurs maîtres. Ces élèves, plus ou moins brillants, allaient, à partir de 1974, devenir professeurs à leur tour. La qualité de l'enseignement du français qu'ils prodiguaient était déjà en deçà du niveau escompté. A telle enseigne que le ministère de l'Education de l'époque avait sollicité les pionniers de donner des cours de recyclage aux jeunes enseignants et de les assister en tant que conseillers pédagogiques. Le résultat, dans un premier temps, était presque probant. Puis, plus rien. La génération d'enseignants du milieu des années 1980 allaient bientôt montrer leurs limites. C'était le début de la fin du français. Au point qu'en 1985, Mohamed Mzali, alors Premier ministre, avait annoncé dans un discours sa volonté de faire en sorte que toutes les matières, scientifiques ou pas, soient arabisées. Mais la Tunisie entière, encore et toujours sous le charme de la langue de Lamartine, avait dit non. (Bourguiba même, éternel amoureux de... Rimbaud et Verlaine, était contre).
Ensuite, est arrivée l'ère du Changement et de tous les chambardements. Jamais ! Au grand jamais et de toute l'Histoire de la Tunisie, l'enseignement secondaire et surtout supérieur n'a connu un tel désastre. Des étudiants qui ne savent écrire ou s'exprimer ni en arabe, ni en français et surtout pas en anglais. Rien. Vingt-trois ans d'analphabétisme bilingue. Trilingue.
Enfin, est arrivée la Révolution. Et comme, chez nous, révolution est synonyme de vacances, on ne va plus assidûment à l'école, on ne va plus au lycée, on ne va plus à la faculté. Même les enseignants ont enregistré le taux le plus élevé d'absentéisme (un chiffre a été rendu public il y a quelques semaines de là). Quatre années de vacances. Même la révolution russe n'avait pas été suivie de quatre années de vacances.
Aujourd'hui, donc, il y a un choix à faire : ou tout arabiser, et faire plaisir à Mohamed Mzali dans sa tombe, ou prendre les choses très au sérieux et remédier un tant soit peu à vingt-sept ans de négligence et d'insouciance.


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