Des cours de rattrapage et des examens anodins effectués durant les jours de grève Les professeurs de l'enseignement secondaire ont poursuivi la grève qui a démarré mardi, sur instructions de leur syndicat général. Une grève qui alourdit encore la liste des actions de protestation menées en cette année scolaire 2014/2015 et dont les arguments tournent autour de revendications sociales aussi légitimes que pressantes. Avec une fourchette salariale située entre 730 et 1.000 DT, les enseignants ont de plus en plus du mal à arrondir leurs fins de mois. Les négociations antérieures, tenues avec les gouvernements transitionnels, se sont avérées vaines. Le Syndicat général de l'enseignement secondaire n'a trouvé d'autres moyens que de faire la grève; une grève à laquelle participent près de 90% du corps enseignant. Il est 12h00 en ce mercredi 18 février 2015. Un groupe d'élèves quitte le lycée à pas lents. Ces ados viennent de passer quatre heures de cours de rattrapage accordés par leur professeur de mathématiques. «Certains professeurs qui, tout en étant convaincus de l'impératif de faire la grève, ont décidé de nous donner tout de même des cours de rattrapage. Ces enseignants se comptent sur les doigts d'une main. Ils sont mus par la déontologie du métier et savent pertinemment qu'il y va de l'intérêt des élèves et de leur parcours scolaire», indique Nesrine Tahari, élève inscrite en 2e année sciences expérimentales. De rares enseignants s'appliquent à leur mission Ces élèves ne se montrent point insensibles aux efforts fournis par une poignés d'enseignants. Mariem Ayadi met en exergue l'application de certains professeurs à procéder aux cours de rattrapage et à accélérer le rythme afin de pouvoir terminer le programme scolaire au moment opportun. Cependant, ces professeurs font l'exception. «Nous avons passé une année ponctuée par les grèves. Rarissimes sont les professeurs qui prennent au sérieux notre avenir. Alors que la majorité écrasante ne cherche qu'à améliorer ses propres conditions», souligne Souhaïl Cherni. Outre la 2e année sciences expérimentales, une autre classe a eu droit aux cours en cette matinée du 18 février. Alya Noomen est inscrite en 4e année section informatique. Après une première journée de grève, l'un des professeurs a daigné donner un cours aux bacheliers. «Je pense que nous sommes les seuls à avoir étudié en cette matinée», suppose Hazem M'dimegh. Il poursuit : «Le lycée est déserté. Seuls quelques enseignants dispensent des cours. Encore une fois, nous sommes pris pour un outil de pression. Encore une fois, la grève coïncide avec les jours où l'on étudie les matières de base. Manifestement, le corps enseignant profite de l'occasion pour faire pression sur l'institution de tutelle à nos dépens. Pourtant, nos professeurs gagnent bien leur vie. Rien qu'en comptabilisant les frais des cours particuliers, l'on devine leurs revenus mensuels. D'ailleurs, à la fin de l'année scolaire, la séance des cours particuliers destinés aux bacheliers peut atteindre 50DT par élève. Faites donc le calcul...». Frustration matérielle, frustration morale A l'avis de Hazem s'oppose le vécu du corps enseignant tel qu'il est décrit par les professeurs. Mme Rim Lemjid, enseignante d'éducation physique, fait part de l'injustice dont souffrent les professeurs de l'enseignement secondaire en Tunisie. «Le passage de grade est inactivé depuis 2010, ce qui constitue une source de démotivation pour le corps enseignant. Personnellement, cela fait quatre ans que j'attends impatiemment mon passage de grade qui me fera gagner quelques 180DT de plus; une somme qui me revient de droit et dont je ne bénéficie toujours pas ! Nous avons participé à des concours sur dossier ainsi qu'à une session exceptionnelle, mais en vain : aucun résultat n'a été publié», indique-t-elle. Mme Lemjid montre du doigt la marginalisation préméditée du corps enseignant et sa privation de toute forme de motivation matérielle et morale. «Nous éduquons des générations et nous n'avons même pas droit à des conventions avec des banques ou avec des promoteurs pour pouvoir bénéficier de certains avantages comme c'est le cas dans les institutions publiques et privées. Nous n'avons même pas droit à des tickets restaurant. Pourtant, nous assurons une mission de taille qui implique patience et persévérance. Nombreux sont les collègues qui succombent à la dépression et qui sont sous traitement psychiatrique», renchérit-elle. Un autre professeur de sport, qui préfère garder l'anonymat, avoue être à la fois contre et pour la grève. Il est contre la grève pour des raisons éthiques. D'ailleurs, il fait partie des rares enseignants qui ont donné des cours durant la grève. Il est en revanche pour la grève pour moult raisons. Les négociations préalables avec le ministère de tutelle n'ayant pas porté leurs fruits, il fallait inéluctablement passer à la vitesse supérieure. Aujourd'hui encore, le gouvernement ne semble point opter pour des mesures salvatrices, ce qui est susceptible de pousser les enseignants à des actions de protestations plus accrues. «C'est que la situation matérielle des enseignants du secondaire est lamentable. Un enseignant touche entre 730 et 1.000DT tout au plus. Et ce n'est qu'à la fin de sa carrière qu'il parvient à décrocher le salaire maximal. Dépourvus de tout avantage et de toute forme de motivation matérielle, les enseignants n'ont d'autres chances que d'accéder à leur droit au passage de grade qui, lui, tarde à venir», souligne–t-il. Encore faut-il souligner qu'outre le passage de grade, les professeurs revendiquent l'augmentation des indemnités relatives aux fournitures scolaires, à la correction et à la supervision des examens. Le professeur de sport ne manque pas de dénoncer le manque de sécurité qui caractérise le lycée d'El Omrane Supérieur. Le lycée se trouve à quelques centaines de mètres d'un quartier défavorisé. Non gardé, il est accessible à tout venant...