La nécessité d'établir à Ben Guerdane une zone commerciale et logistique bénéficiant d'un régime douanier spécifique paraît être une évidence. Voilà un territoire qui possède des avantages exceptionnels en matière de commerce transfrontalier : sa position géographique, l'ampleur du flux des voyageurs à destination et en provenance de la Libye, la spécialisation de la population locale dans les activités liées au commerce entre les deux pays. Autant de ressources qu'il est primordial d'exploiter efficacement en structurant, en développant, en améliorant qualitativement et en institutionnalisant les multiples activités qui font la richesse de Ben Guerdane. L'enjeu est certes celui du développement d'une région. Mais il est évidemment national, compte tenu de l'importance de nos échanges commerciaux avec la Libye. Il est aussi régional puisqu'une zone commerciale et logistique à Ben Guerdane participerait, d'une part, au renforcement de l'imbrication entre l'économie tunisienne et libyenne, voire algérienne, et, d'autre part, à l'ouverture vers des marchés de l'Afrique subsaharienne. Il est même mondial dans la mesure où cette zone disposerait de toutes les potentialités lui permettant de devenir une plaque tournante du commerce international entre l'Europe, l'Asie, le Moyen-Orient et le continent africain. Le projet de création d'une zone commerciale et logistique à Ben Guerdane existe. Il est mûr et prêt à être mis en œuvre, une fois, bien entendu, rétablies les conditions de sécurité et stabilisée la situation politique en Libye. Mieux encore, ce projet peut être reproductible sur un site à choisir près de la frontière algérienne. Le concept du projet Le projet de la zone commerciale et logistique (ZCL) est conçu de manière à fournir un soutien actif aux activités d'importation et d'exportation de et vers la Libye, et au-delà. Sa vocation est d'offrir un support logistique structuré aux activités des opérateurs tunisiens et autres qui interviennent dans ces échanges commerciaux. Le projet englobe également une zone franche pour le commerce de détail (duty free mall) qui regroupe des magasins et des boutiques de détail dont les ventes seront détaxées (un privilège douanier sera accordé à cette zone franche), ainsi que des services divers destinés à l'accueil et au confort des visiteurs. Il contribue également à la promotion des exportations des entreprises tunisiennes en facilitant leurs efforts de contact et de marketing. Une plateforme de commerce et de logistique implantée à proximité de la ville de Ben Guerdane vise à consolider la dynamique économique entre la Tunisie et son voisin de l'Est, en déployant une panoplie d'activités allant de la logistique et de la vente de gros et de détail jusqu'au soutien à l'exportation des entreprises tunisiennes, en passant par l'accueil des visiteurs (professionnels et touristes). Elle permettra la promotion de l'emploi et le développement économique dans une région relativement marginalisée, en bénéficiant des relations de voisinage avec la Libye, dans le cadre d'une diversification des activités. Outre les emplois générés par les entreprises et les activités diverses installées dans la ZCL, il s'agira de fournir un encadrement administratif public (police, douane, services administratifs divers à offrir dans le cadre d'un guichet unique, etc.), ainsi qu'une multitude de services communs (BTP, approvisionnement divers, services de soutien aux entreprises, etc.) qui ne manqueront pas de créer une masse non négligeable d'emplois pérennes. De quoi dissuader une pléthore de jeunes inemployés de se livrer aux activités de contrebande transfrontalière et au commerce parallèle très préjudiciable au système productif national. Les composantes du projet L'emprise foncière regroupera une enceinte réservée à la logistique et au commerce de gros, un centre commercial (Mall) auquel est adossée une zone pour l'accueil et le confort des visiteurs, et une zone d'activités dédiée aux entreprises tunisiennes cherchant à se positionner sur le marché libyen. Schématiquement, le projet s'organise autour de trois grandes zones d'activités : la première est une zone dédiée aux importations provenant de Libye (destinées à être réexportées ou écoulées sur le marché national) ainsi qu'aux flux de transit provenant de pays tiers et s'orientant vers le marché libyen (marchandises en transit, par exemple, via le port de Radès). L'enceinte comporte une zone logistique (plateforme) pour le stockage des containers et unités roulantes en transit, d'une part, et, d'autre part, des entrepôts dédiés à des activités logistiques et de commerce de gros. Les activités autorisées dans cette zone, sont régies par le code des douanes et les opérateurs, qui y seront implantés, respecteront un cahier des charges, dont notamment l'interdiction d'importer des produits de contrefaçon. La deuxième zone se rapporte au concept de Retailtainment. Il abritera le centre commercial en duty free ainsi qu'une aire pour l'accueil et le confort des visiteurs, et pour des activités ludiques et d'animation. L'ensemble formé par les commerces de détail sera organisé par type de produits (agroalimentaires, électroniques, électroménagers, composants automobiles, équipements du bâtiment, textiles, etc.) selon une conception adéquate dans un environnement favorable pour l'attraction des visiteurs, notamment la clientèle libyenne et les touristes (animation, espaces ludiques, espaces verts, etc.). La troisième zone (zone d'exportation) est dédiée aux activités commerciales et logistiques offertes aux industriels tunisiens, et d'autres opérateurs étrangers, qui souhaitent disposer d'une base avancée pour développer leurs exportations et promouvoir leurs produits sur les marchés libyens ou autres..Elle abritera des entrepôts de stockage (principe des entrepôts avancés), des showrooms et un hall d'exposition dédié à l'organisation de foires. Ces bâtiments serviront aux entreprises à présenter des échantillons de leurs produits à destination des visiteurs professionnels libyens et autres, et à organiser des foires périodiques ou ponctuelles pour faire connaître leurs produits. Ils seront organisés par filière et modulables en fonction des filières de produits. Un privilège douanier Dans la mesure où la zone franche est considérée comme étant en dehors des frontières douanières (extraterritorialité), les marchandises provenant de l'étranger rejoignent la zone franche sans avoir à supporter de droits de douane ou toute autre taxe. Tant que les marchandises demeurent dans la zone franche, elles bénéficient d'une période de stockage illimitée en franchise de droit, de prélèvement et de taxe. Seules les marchandises écoulées sur le marché national seront soumises aux droits de douanes et taxes en vigueur, selon leur valeur en date de leur entrée dans la zone franche, dès lors qu'elles auront franchi l'enceinte. Les marchandises réexportées ne seront, quant à elles, soumises à aucun droit de douanes et taxe, en dehors de ceux appliqués par le pays de destination finale. Les marchandises achetées par les particuliers dans le Mall, situé dans la zone franche, sous contrôle douanier, et dont l'accès se fait par la route sur présentation du passeport, seront exemptes de droits de douane et de taxe, à condition qu'elles ne soient pas destinées à la revente et qu'elles soient transportées dans les bagages personnels. Cette exemption devra néanmoins être appliquée à hauteur d'un montant d'achat donné que nous estimons à 1.500 DT par an. Les formules de montage Pour mettre en forme le projet, plusieurs montages juridiques et institutionnels de PPP peuvent être envisagés. Ces différents montages peuvent être regroupés en deux grands scénarios : - le scénario de partenariat institutionnalisé : SEM (I), - le scénario de partenariat contractuel avec diverses variantes (II). La S.E.M. est une S.A. qui allie capital public et capitaux privés. On pourrait donc envisager la création d'une SEM avec une participation publique au capital qui, pour minimiser les coûts de l'investissement public dans un contexte de réelles difficultés budgétaires de l'Etat, pourrait varier entre 10 et 34 %. Le recours à la SEM garantit aux pouvoirs publics actionnaires la prise en compte effective de l'intérêt général dans les objectifs de l'entreprise et la souplesse de la société de droit privé. En associant les « valeurs » du public et du privé, ces sociétés ont pour but de rendre un service d'intérêt général au moindre coût. Le partenaire privé, étant actionnaire majoritaire, peut donc théoriquement supporter la majorité du risque économique, tandis que les pouvoirs publics peuvent, grâce à une minorité de blocage par exemple, conserver un contrôle de la structure. Dans un premier temps, nous proposons la création d'une société d'étude et de développement de la zone commerciale et logistique de Ben Guerdane. Cette SEM impliquera plusieurs partenaires, notamment : la commune de Ben Guerdane, le Cepex, des hommes d'affaires concernés, des apporteurs de capitaux (banques et autres). L'objet de cette société sera : - engager les études techniques détaillées d'aménagement et de desserte ; - promouvoir la zone ; - démarcher les clients ; - viabiliser la zone ; - construction de showroom et d'entrepôts clés en main pour le démarrage des activités. Le capital de départ pourra être de l'ordre de 1.000.000 DT. Capital qui sera augmenté au fur et à mesure que le projet se développera. L'Etat apportera son aide à travers la mise à disposition de terrains, la prise en charge des investissements extra-muros (desserte routière, connexions aux services publics) et l'attribution d'un régime favorisant les entreprises qui s'y implantent. Dans le montage contractuel (concession d'aménagement et d'exploitation), qui peut prendre différentes formes (BOT, BOOT, BOOST, DBFO, BOO), l'Etat devra confier à l'opérateur partenaire les deux opérations suivantes : - L'aménagement et la construction des ouvrages et équipements nécessaires à l'activité de la zone ; - L'exploitation des ouvrages et services fournis par la zone En contrepartie, l'opérateur recevra une rémunération qu'il percevra sur les usagers ou clients des services et équipements fournis par la ZCL. L'avantage étant de faire porter sur le concessionnaire la charge d'aménagement et de construction des ouvrages et équipements nécessaires à l'activité de la ZCL. L'autorité concédante (l'Etat tunisien) conservera le contrôle des opérations d'aménagement et d'exploitation de la zone, suivant des modalités précisées par le cahier des charges de la concession. Ce contrôle permettra au concédant de veiller au respect, par le concessionnaire, de ses obligations et d'en sanctionner la violation. Le concessionnaire trouvera son compte dans la mesure où le contrat sera conclu pour une durée assez longue qui lui permettra d'amortir ses investissements. L'objet de la concession comprendra donc les deux opérations suivantes : L'aménagement qui consistera à réaliser ou faire réaliser les travaux relatifs à l'opération d'aménagement : construction, par le concessionnaire, des divers ouvrages et équipements nécessaires au fonctionnement de la ZCL (entrepôts, bâtiments administratifs et autres, parkings...). Le concessionnaire pourra également, pour certains équipements, se limiter à viabiliser la ZCL pour procéder ensuite à la commercialisation des terrains dont la vente permettra d'encaisser la plus-value induite par l'aménagement (à supposer que les terrains vendus n'appartiennent pas au domaine public). Les opérations d'aménagement se poursuivront, durant toute la durée du contrat, par les travaux d'entretien, de restauration et de renouvellement des ouvrages et installations. L'exploitation des ouvrages et services fournis dans la zone ainsi que la location/vente des lots. Justifications et avantages du projet Une fois le projet de la ZCL à Ben Guerdane mis en œuvre, il fournira une logistique pour l'ensemble des opérateurs exerçant sur le marché libyen. Il permettra de structurer et de rationaliser les activités des importateurs de produits provenant de Libye et des exportateurs tunisiens (fonction de groupage/dégroupage, collecte/distribution). De plus, il induira des activités de services (maintenance et autres services d'approvisionnement), à créer par la population locale, pour satisfaire la demande des futurs opérateurs de la ZLC. Les activités de commerce de détail pourront créer un très grand nombre d'emplois dans le domaine du commerce et des services, et draineront vers la région de Ben Guerdane un grand nombre de visiteurs, locaux, libyens et autres : algériens, touristes, professionnels, etc. Le projet permettra par ailleurs de faciliter l'activité des exportateurs tunisiens vers le marché libyen. En effet, les exportateurs tunisiens vers la Libye sont nombreux à opérer par à-coup et n'ont pu jusqu'à maintenant occuper une part de marché régulière en Libye. Ce projet, qui leur fournira une infrastructure de soutien, leur offrira la possibilité d'installer une position avancée aux portes du marché libyen pour pouvoir mieux se faire connaître auprès d'une clientèle professionnelle libyenne, et de disposer à la fois de showrooms et d'entrepôts de stockage en vue de consolider et d'accroître leurs exportations vers le marché libyen. L'activité de la ZCL de Ben Guerdane pourra se reposer sur ses avantages intrinsèques. Le premier se rapporte à l'environnement des affaires, propice et fluide, instauré grâce à des procédures administratives simplifiées et aux externalités attractives (terrains viabilisés et locaux modulables de haute qualité à louer ou à acquérir, pour exposition et stockage, etc.). Au-delà de ces dispositions réglementaires et moyens techniques, la ZCL pourra compter sur sa position géographique qui la place à la fois à proximité du marché libyen et sur le principal corridor routier tuniso-libyen ainsi que sur le corridor économique terrestre transafricain qui relie la Méditerranée à l'Afrique subsaharienne.. Il reste que la réalisation et la pérennisation de ce projet, qui se doit d'être ambitieux, sont inévitablement conditionnées par des contingences d'ordre sécuritaire.