Les petits pêcheurs méditerranéens dont ceux, Tunisiens, sont plus que jamais dans le besoin d'une attention politique particulière, visant la valorisation de leurs activités et la réhabilitation de leur estime de soi. Lésés, en mal d'adaptation aux diverses mutations que connaît le secteur, et piétinés par les grands pêcheurs, ils voient leur rendement baisser au gré des changements climatiques, de la spéculation par les grands pêcheurs et par les intermédiaires de leur marge de manœuvre. Ne bénéficiant ni d'une formation appropriée, ni d'un cadre juridique actualisé à même de réglementer le secteur, ni même d'une sécurité sociale, ces pêcheurs artisans se trouvent livrés à leur propre sort. Jusqu'à nos jours, les solutions apportées par les politiques antérieures se limitent à des résolutions de l'ici-maintenant, sans pour autant anticiper sur les problèmes de fond et ceux, émergeants. Aussi, le projet Fish In Med vient-il compenser les lacunes en axant sur des solutions applicables et dont les fruits seront récoltés à moyen et à long termes. Il s'agit, en effet, d'un projet méditerranéen, financé par l'Union européenne à raison de 50 mille dinars. Il regroupe un ensemble de pays représentant les deux rives du bassin méditerranéen. Un projet qui s'inscrit dans le cadre de la politique de voisinage et qui tend à harmoniser les politiques et les programmes à caractère aussi bien socio-économique, culturel et environnemental en misant sur la résolution des problèmes relatifs à un domaine bien précis : la pêche artisanale. Ce projet a démarré opérationnellement en 2013 et prendra fin cette année. Il réunit cinq pays méditerranéens, à savoir la Tunisie, l'Italie, la Grèce, l'Egypte et le Liban autour d'une approche pluridimensionnelle, dans l'optique de valoriser le domaine de la pêche artisanale, permettre aux petits pêcheurs de reprendre leur avenir en main et de résister aux différentes formes de pressions qu'ils endurent et qui entravent leurs activités. L'idée étant de ré-ancrer les bonnes pratiques de la pêche artisanale, vouées pour la plupart à l'oubli ou délaissées en raison de la surexploitation des grands pêcheurs des ressources marines. Sauver le gagne-pain de plus de 30 mille familles tunisiennes Selon M. Houssem Hamza, coordinateur du projet à la direction de la pêche et de l'aquaculture au sein du ministère de l'Agriculture et des Ressources hydriques, la population des pêcheurs artisans ou des petits pêcheurs représente 80% de l'ensemble des pêcheurs tunisiens ( le nombre global des pêcheurs étant estimé à 52 mille ). Une population lésée, car rivalisée par la pêche industrielle. Elle est de surcroît incapable de résister à la surexploitation des ressources marines, aux changements climatiques qui influent négativement sur la biodiversité marine. «Nombreuses sont les espèces marines qui ont modifié leurs circuits migratoires, au détriment des petits pêcheurs», souligne M. Hamza. D'un autre côté, et faute de moyens, ces pêcheurs se trouvent opprimés par les intermédiaires qui achètent leurs marchandises à des prix nettement bas. D'où l'impératif de se pencher sérieusement sur un problème qui menace le gagne-pain de plus de 30 mille familles tunisiennes et tant d'autres petits pêcheurs méditerranéens. «Nous devons décortiquer le problème et y apporter des solutions durables. Il est urgent de soutenir les petits pêcheurs en les incitant à améliorer leurs revenus en exploitant leur savoir-faire ancestral. La pêche artisanale peut en effet être perçue comme l'un des piliers les plus performants en matière de promotion du tourisme culturel. Les pêcheurs peuvent, tout en s'adonnant à leur métier, vulgariser leur savoir-faire au regard curieux et émerveillé des touristes, ce qui apporterait une valeur ajoutée à leur travail», explique le coordinateur du projet. Il cite pour exemple la fabrication des filets ou encore des jarres utilisés pour piéger les poulpes à Kerkennah. «Il serait fort intéressant de mettre en valeur ces activités typiques et ancestrales, ce qui permettrait en plus la création d'une source de revenu supplémentaire aux pêcheurs artisans», renchérit le responsable. L'urgence d'une réforme juridique Le projet Fish in Med comprend trois volets : un volet juridique, un volet de formation et un volet de sensibilisation. S'agissant de l'aspect juridique, il consiste en la révision du cadre législatif, relatif au secteur de la pêche afin qu'il puisse épouser les mutations que connaît ce secteur et aider les pêcheurs à développer leur métier. «La dernière révision de la loi sur la pêche remonte à 1994. La réglementation n'est, de surcroît, point respectée. Pour changer les choses pour le mieux, nous avons procédé à des consultations auprès des pêcheurs afin de prendre de plus amples connaissances sur les questions à réglementer, désormais. Les résultats de ces consultations seront transmis aux responsables régionaux», indique M. Hamza. Formation des futurs formateurs Pour ce qui est du volet de la formation, il consiste en l'initiation ou au réapprentissage des pêcheurs artisans des bonnes pratiques de la pêche telle qu'elle a été appliquée par nos aïeuls. La direction de la pêche et de l'aquaculture a, ainsi, procédé à la formation de cinq chefs de groupements de développement de la pêche relevant des zones pilotes en matière de pêche artisanale, à savoir Kerkennah, Ghannouch (à Gabès), Grin (situé entre Médenine et Gabès) Ajim ( Djerba) et Zarzis. Les bénéficiaires de cette formation seront, par la suite, chargés de former les petits pêcheurs dans leurs régions respectives. Il est à noter que certains stagiaires participeront, en outre, à des sessions de formation en Italie, et ce, du 23 au 27 février dans le cadre, notamment, du présent projet et en vue de promouvoir l'échange d'expérience et l'harmonisation de actions des pays partenaires. Encore faut-il indiquer qu'un observatoire méditerranéen a été créé dans l'optique de promouvoir l'échange d'expérience et l'harmonisation des programmes entre les pays des deux rives. Pour ce qui est de la sensibilisation sur les bonnes pratiques de la pêche artisanale, la direction concernée de la pêche se penche sur l'élaboration d'une vidéo en bande dessinée qui mettra en exergue l'activité de la pêche artisanale et qui sera fin prête en mars 2015. Cette vidéo en version HD sera diffusée sur le site web du ministère et sur les réseaux sociaux ( youtub). «L'éventuelle diffusion de la vidéo sur les chaînes télévisées serait le couronnement d'un travail que l'on veut fructueux», souligne M. Hamza.