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De l'éradication jihadiste à la manipulation islamophobe
Patrimoine


Moncef BEN SLIMANE (*)
Ce texte est la synthèse d'un échange avec mes étudiants du master patrimoine urbain.
Vous avez publié en ligne un certain nombre de commentaires sur la destruction par Daech d'objets du patrimoine mondial qui semblent justifier leur action ? Comment expliquez-vous cela ?
D'abord, je ne suis ni de près ni de loin un sympathisant des intégristes ou islamistes toutes versions confondues. J'ai essayé tout simplement d'engager un débat qui dépasse le couple infernal : soit vous êtes avec les éradicateurs jihadistes, soit vous êtes avec les manipulateurs islamophobes.
En quoi ceux qui dénoncent la destruction de monuments et statues du patrimoine mondial de l'humanité sont-ils manipulateurs ?
Le problème avec le patrimoine c'est qu'il appartient à tout le monde et à tous : journalistes, politiques, animateurs télé, experts et universitaires ont à dire à propos du patrimoine. Résultat : une inflation de discours, de commentaires, beaucoup de pollution idéologique, mais très peu d'analyse, d'approche critique et de réflexion. Dans un contexte pareil, la manipulation politique devient aisée mais difficilement détectable.
Mais où voyez-vous une manipulation dans la dénonciation d'actes barbares ?
Justement, les actes de Daech, et autres talibans afghans avant eux, n'ont pas l'exclusivité ni le privilège de l'antériorité dans ce domaine. Ce qu'ils font n'est pas excusable, mais il serait bon de rappeler que les jihadistes de l'EI ne sont pas plus ''barbares'' ou ‘'sauvages'' que les croisades des conquistadores espagnols réduisant à néant au 16e siècle les civilisations aztèque et maya, ou la dévastation de Baghdad et Karbala par les hordes de Tamerlan.
BHL, André Glucksman ou Eric Zemmour, et tous le néo-conservateurs ne cherchent pas à comprendre ces formes perverties de l'Islam, ils cherchent à dénoncer en configurant une pensée unique, une médiatisation en boucle, qui frappent l'esprit et l'œil du téléspectateur : «Les terroristes de Daech sont des barbares, des fous d'Allah, les experts de l'horreur, sanguinaires, bourreaux, etc. Un lexique qui les place eux et leur projet d'un émirat ‘'ultra-musulman'' dans le champ de l'innommable, de l'inhumain et de l'irrationnel.
Répéter ce genre de discours est dangereux parce qu'en examinant de plus près ce que cachent les mots, on retrouve, en d'autres termes, des relents du discours colonial du 19e siècle et de sa mission civilisatrice de pays et peuplades situés en dehors de l'histoire et des valeurs humaines universelles. Une sorte de rhétorique anesthésiante des neurones pour légitimer un interventionnisme dont la Libye, notre voisine, est une victime expiatoire.
Les expansionnismes se prétendant porteurs d'un message divin ont souvent été accompagnés dans l'histoire par des génocides, des massacres et des destructions.
Aussi pour tous ceux qui ne veulent pas se laisser séduire par les manipulateurs islamophobes ni par les éradicateurs jihadistes, la bataille avec Abu Bakr Al Baghdadi ne consiste pas en un traitement sociopsychiatrique des pathologies de la société arabo-musulmane, mais en une bataille culturelle et politique avec tous ceux qui rêvent de régenter notre monde et nos esprits en se réclamant et en s'arrogeant l'exclusivité de la bonne religion musulmane ou de la bonne civilisation.
Répéter ce genre de discours est dangereux parce qu'en examinant de plus près ce que cachent les mots, on retrouve, en des termes actualisés, des relents du discours colonial du 19e siècle et de sa mission civilisatrice de contrées et peuplades qu'on a situées en dehors de l'histoire et de la définition de l'humain et de l'universel. A ce sujet, le film du brillant réalisateur franco-tunisien Abdellatif Kechiche «Vénus noire» est plus parlant que toutes les élucubrations intellectuelles.
La pensée à la mode de ‘'C dans l'air'' ou d'autres émissions télé est simpliste et réductrice du rapport qu'ont les musulmans avec le patrimoine. Malheureusement, beaucoup d'universitaires et de journalistes — pour être dans le ‘'politiquement correct'' — reproduisent ce genre de rhétorique.
Quel serait alors la bonne lecture du rapport des musulmans au patrimoine ?
Il y a toujours eu deux attitudes face au patrimoine dans le monde musulman : traditionaliste et moderniste.
Daech et les salafistes en général font une interprétation rigoriste du texte. Ils sont contre la ‘'patrimonialisation'' parce qu'ils considèrent suspecte toute tentative de pérenniser l'œuvre humaine. Leur raisonnement repose sur l'affirmation que le temps est éphémère comme les objets et il n'y a de monde éternel que celui du Paradis et de l'Enfer.
Par conséquent, les monuments, les statues ou les reliques sont considérés comme périssables de la même façon que l'homme. Dans cette approche dogmatique de l'islam, seuls les 5 piliers de l'islam sanctifiés par le Coran et la Charia qui doivent être protégés et conservés parce qu'ils sont immuables et éternels.
Face aux intégristes, les tenants d'un islam moderne ont cherché à développer un discours différent sur la préservation du patrimoine. Les premiers à le faire furent au 19e siècle les adeptes du mouvement réformateur égyptien de la Nahdha relayé par la suite par les élites nationalistes arabes. Mais même dans ce cas, il y eut du bon patrimoine à préserver et du mauvais patrimoine à rayer de l'histoire et de l'identité nationale.
N'allons pas très loin pour toucher du doigt cette attitude ambiguë face au patrimoine. Nous avons l'exemple de Bourguiba quand, au début de l'indépendance, il a eu à décider du sort à réserver à la médina de Tunis.
Quel rapport entre Bourguiba, la médina et Daech ?
Non, il n'y a pas de rapport direct, bien que... En fait, Bourguiba a voulu réaliser une ‘'percée de La Kasbah'', un projet conçu en 1959 qui consistait à ériger une large avenue traversant la médina de la Porte de France à La Kasbah. Pour les élites destouriennes de l'époque, surtout la fraction sahélienne, le Tunis moderne n'avait pas à se préoccuper de ce vestige du passé, cette médina insalubre, surpeuplée et paupérisée. Et ce n'est que le lobbying bloc destourien tunisois, Hassib Ben Ammar en tête, qui fit revenir ‘'le combattant suprême'' sur sa décision. Le comble de l'histoire, c'est que ‘'la médina à percer'' a été classée 20 ans après, en 1979, par l'Unesco ville du patrimoine mondial. Ce mouvement pendulaire que nous remarquons quant au respect du patrimoine dans notre pays est d'une certaine manière naturel. Il est le même que celui qu'on observe quand il s'agit de définir le rapport de l'Islam et du sacré avec les comportements, les institutions et les lois qui régissent l'espace public.
Alors que faire du patrimoine dans le monde arabo-musulman ?
D'abord ce qu'il ne faut pas faire c'est observer l'Islam et les choix à faire pour nos citoyens et notre pays par le petit bout de la lorgnette du buzz médiatique et de l'audimat, cela donne le spectacle triste et scandaleux des dernières émissions télévisées sur l'interdit du vin ou de la nature des relations hommes-femmes.
Gardons à l'esprit également que l'idée de protection du patrimoine est propre à l'Europe occidentale. Elle fut exportée vers le tiers-monde en même temps que la colonisation. La Tunisie en entend parler pour la première fois en 1882 quand le résident général, Paul Cambon, demande à Sadok Bey de publier un décret protégeant les monuments antiques. Cela aboutit à la posture démagogique suivante: le patrimoine n'étant pas né en terre d'Islam, ses défenseurs dans les pays arabo-musulmans sont des agents de l'Occident et des mécréants adorateurs de la pierre!
Notre pays ayant réalisé le miracle de la première révolution de la dignité et de la démocratie, est capable de répondre aux salafistes de tout poil pour le patrimoine ; le voile ou le vin ; non pas par les invectives, les injures, la colère ou la panique mais en construisant une alternative crédible et convaincante dans ce chemin difficile et compliqué vers une identité tunisienne rénovée et réconciliée avec son passé comme avec son avenir. Ni une identité mimétique, ni une identité meurtrière !
En dernière analyse, les soubresauts des pays arabo-musulmans devant ‘'leur'' patrimoine est le reflet de leurs doutes et hésitations face à la modernité qui a vu le jour chez l'‘'Autre'', l'Occident, l'ex-occupant d'hier et maître du monde d'aujourd'hui. Protéger notre patrimoine c'est faire des pas sûrs sur la route accidentée de la modernité et ce qu'elle exige comme sécularisation et laïcisation des monuments aussi bien que des actes, des règles et de l'espace public, en général.


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