La loi organique sur la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent sera soumise, pour discussion et vote, au cours de la semaine prochaine, aux députés lors d'une séance plénière. Deux dispositions contenues dans la loi suscitent débat Il semble que le mois d'avril 2015 sera le mois le plus chaud au sein de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) depuis son entrée en fonction en novembre 2014. Les députés du peuple auront, en effet, à discuter et à voter les deux lois que tout le monde attend. La première concerne la loi fondamentale portant création du Conseil supérieur de la magistrature censé remplacer l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire. Cette loi doit voir le jour impérativement avant la journée du 26 avril conformément à ce que prévoit la constitution du 27 janvier 2014. Seulement, la commission parlementaire de législation générale ayant pour tâche de peaufiner le projet de loi proposé par le gouvernement se trouve depuis près de deux mois dans l'impasse du fait de l'imbroglio créé par les magistrats à propos de la composition du conseil, laquelle querelle a opposé au départ les magistrats aux avocats puis a enflé et maintenant c'est l'ensemble de la famille judiciaire (avocats, magistrats, greffiers, huissiers-notaires et de justice, administrateurs judiciaires, chargés du séquestre, etc.) qui se trouve engagé dans une bataille où chaque corps de métier exige d'être représenté au sein du Conseil supérieur de la magistrature aux côtés des magistrats. La deuxième loi organique que les députés s'apprêtent à discuter et à adopter est celle sur la lutte contre le terrorisme et l'éradication du blanchiment d'argent censée remplacer la loi de décembre 2003 qu'on considère comme ayant restreint largement et abusivement le respect des droits de l'Homme. Hier, Khaled Chaouket, député nidaiste et assistant du président de l'ARP chargé de la communication, a annoncé, sur une radio privée que le projet de loi en question sera soumis au cours de la semaine prochaine à la discussion générale des députés, en séance plénière. Quant à la loi sur le Conseil supérieur de la magistrature, Chaouket n'a soufflé aucun mot, ce qui peut conduire à comprendre que la priorité absolue est aujourd'hui à la lutte antiterroriste alors que les magistrats peuvent attendre avant de voir leur conseil prendre forme juridiquement. Les dispositions de la discorde Sauf que le projet de loi sur la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent tel qu'adopté par le gouvernement ces derniers jours et dont le contenu a été révélé au public a provoqué un tollé général auprès des spécialistes. Ils estiment, en effet, que deux dispositions suscitent la division ou la discorde et risquent de faire tomber l'ensemble de la loi. La première disposition concerne l'énonciation de la peine de mort qu'encourent les terroristes dont la responsabilité se trouvera avérée. La deuxième disposition a trait à l'exonération des proches parents (père, mère, frères, époux ou épouse) de poursuites pénales au cas où ils seraient informés des plans des terroristes et qu'ils n'en informeraient pas les autorités. Qu'en est-il au plan juridique ? Ces deux dispositions risquent-elles de torpiller la loi avant qu'elle ne soit adoptée ? Abdelaziz Essid, avocat ayant déjà plaidé lors d'affaires dites de terrorisme à l'époque de Ben Ali, précise : «Il est difficile sinon impossible de prouver qu'un parent proche a été informé d'un crime terroriste avant qu'il ne se produise. Considérer que les proches parents sont des complices de crimes terroristes est une question extrêmement compliquée et nous en avons fait l'expérience à l'époque de Ben Ali où beaucoup de dénonciations se sont révélées de sordides règlements de comptes. Il était presque impossible de prouver la véracité des accusations portées contre ceux qui savaient mais se taisaient». Notre interlocuteur préfère parler de la peine de mort pévue par la loi antiterrorisme. «Au départ, quand on a décidé d'abandonner la loi de décembre 2003, l'intention était de supprimer la peine de mort. Malheureusement, sous la pression des réseaux sociaux et de la rue, le législateur est revenu à la sanction suprême. Seulement, il a oublié que la peine de mort vide de son sens la loi puisque dans les affaires terroristes, la justice est obligée de collaborer avec les pays de l'Union européenne où beaucoup de terroristes ou présumés terroristes s'activent. Dans les pays de l'UE, la peine de mort est bannie à jamais et les magistrats européens ne livrent jamais de présumés coupables d'actes terroristes qui sont menacés de mort s'ils sont livrés aux pays qui demandent leur extradition», fait remarquer Me Essid. Il ajoute : «Même à l'époque de Ben Ali, toutes les demandes d'extradition envoyées aux pays européens restaient sans réponse. En Europe, on ne livre jamais une personne menacée de la peine de mort. Et même dans les pays africains comme le Niger ou le Mali où pullulent les groupes terroristes, on s'oriente vers l'abolition de la peine de mort, ce qui revient à dire que les terroristes tunisiens qui y sévissent ne seront pas extradés vers la Tunisie».