Retracer le parcours de Mahmoud el Materi, sous le regard et l'ouïe attentifs et émus de ses descendants ainsi que des personnalités politiques présentes A la veille de la célébration de la fête nationale des Martyrs, les hommes de culture ainsi que d'illustres figures du paysage politique et du militantisme ont rendu hommage à une personnalité hors pair. Feu Mahmoud el Materi, l'orphelin au grand cœur, l'étudiant révolutionnaire, le médecin dévoué, l'humaniste, le militant pour l'indépendance et pour la dignité nationale, le « sage leader » comme le surnomment les organisateurs du colloque tenu, mercredi dernier à la Bibliohèque nationale de Tunisie, a été présent par ses qualités innombrables, par ses actions historiques qu'il avait accomplies pour le bien de son peuple et de sa patrie, par les souvenirs de ceux qui l'avaient côtoyé, qui l'avaient connu et qui ne l'ont jamais oublié. La conférence a été organisée par la Fondation Farhat Hached et l'Association des anciens combattants tunisiens. Une conférence qui a permis de retracer le parcours de Mahmoud el Materi, sous le regard et l'ouïe attentifs et émus de ses descendants ainsi que des personnalités politiques présentes, notamment MM. Foued Lembazaâ, Hamma Hammami, Abdellatif Makki et bien d'autres encore. L'éternel humaniste Présidant la rencontre, M. Raja Farhat, homme de théâtre et de culture, a exprimé, tout au long de son allocution et sur un ton quasi solennel, le respect et l'admiration qu'il voue Mahmoud el Materi. Il s'agit, pour lui, d'une figure illuminée de l'Histoire de la Tunisie, d'un homme qui a œuvré tout au long de sa vie pour transmettre un message, celui de l'éternel humaniste. Investi jusqu'à la moelle dans le projet émancipateur et éclairé, il fut le médecin des Tunisiens par excellence, le médecin qui défend une cause, celle de la bonne santé, de la qualité de vie du peuple assailli par l'occupation. Il fut aussi le défenseur du droit à la Liberté, à l'Indépendance. Deux causes aussi nobles que vitales qui vont de pair, dans une logique intrinsèque. Et c'est par le biais du savoir que Mahmoud el Materi ainsi que l'élite militante ont pu vaincre l'ennemi au moindre coût, d'ailleurs, et aux moindres dégâts. Le Pr Amor Chedly, fondateur de la Faculté de médecine de Tunis, a eu la chance de connaître Mahmoud el Materi. Leur amitié traduit l'entente évidente entre deux médecins et deux compatriotes. Pour l'orateur, Mahmoud el Materi était « un exemple d'abnégation et de conscience professionnelle », « un homme ouvert aux idées généreuses ». L'obsession de l'orphelin donna lieu à une thèse de doctorat. En 1919, il se rendit en France, plus exactement à Dijon, afin de poursuivre ses études de médecine. Tout au long de son parcours estudiantin, el Materi fut égal à lui-même. Il ne parvint à aucun moment à dissimuler ses sentiments hostiles à l'occupant français. Tout au long des huit ans passés en France, il adhéra à maintes organisations internationales dont la Ligue des droits de l'homme, ainsi qu'à des courants politiques et idéologiques, notamment le communisme et le socialisme. En 1926, il acheva sa thèse de doctorat qu'il avait consacrée à la souffrance fœtale au cours de l'accouchement ; un thème qui en dit long sur sa souffrance, sur les questionnements qu'il se posait, petit, sur la mort de sa mère. En effet, le « sage leader » n'a jamais connu sa mère. Cette dernière est décédée au moment où il venait au monde. Son père décède six mois après. Orphelin, Mahmoud el Materi a grandi vouant un attachement sans précédent à la Mère, à la patrie. La passion pour la médecine De retour à Tunis, il sollicita le poste de médecin résidant à l'hôpital Sadiki, ce qui lui fut refusé. Aucunement démotivé, il travailla tel un forcené, jour et nuit, bénévolement. Il créa, d'ailleurs, un service de stérilisation, excella dans le traitement des maladies contagieuses à l'hôpital La Rabta tout en s'adonnant à des travaux de recherches à l'Institut Pasteur. En 1927, il ouvrit son propre cabinet mais ne délaissa guère ses engagements de médecin humaniste et bénévole. Reconnu à l'unanimité des médecins chevronnés, il fut désigné par le directeur de l'intérieur, pour le poste de médecin à l'hôpital Sadiki, puis de celui de directeur de l'hôpital La Rabta ; deux offres tentantes qu'il déclina courtoisement. En 1959, il fut le premier président du conseil de l'Ordre des médecins de confession musulmane. Militant pour l'indépendance, il quitta le Mouvement du Néodestour mais n'interrompit point son combat de militant. Il intervint, en effet, lors des graves incidents du 8 avril 1938 entre les étudiants lacérés par l'agression opérée sur le leader Ali Balhaouane et les forces de l'occupant. De son côté, M. Adel Ben Youssef, professeur d'histoire à la Faculté des lettres et des sciences humaines de Sousse, a parlé du parcours estudiantin de Mahmoud el Materi en mettant l'accent sur la relation qu'il entretenait avec une autre figure phare du militantisme tunisien : M. Salem Chedly. En 1920, quelque six lettres qui furent envoyées par Salem Chedly à Mahmoud El Materi et ayant pour thématique première la situation nationale ont été retrouvées.