Quand l'intellectuel s'attaque à la supercherie organisée Abdelhalim Messaoudi, le professeur de l'esthétique aux Beaux-Arts de Sousse, l'ancien journaliste à Essahafa et l'animateur à Nessma TV d'une émission culturelle dite : «Maghreb Ettanouir» (les lumières peuvent aussi provenir de chez nous), vient de sortir un ouvrage reprenant ses articles parus sur le quotidien «Achourouk». Intitulé «Bazarat, essais dans la chose publique», l'ouvrage propose les réactions du journaliste, de l'universitaire et de l'intellectuel aux événements traversant la société tunisienne depuis la révolution du 17 décembre-14 janvier. La révolution qu'on attendait pour que les Tunisiens se libèrent et construisent une nouvelle société fondée essentiellement sur la participation de tous, le respect de l'opinion de chacun et l'égalité parfaite des chances de tout un chacun de dire ce qu'il a sur le cœur sans avoir peur d'être poursuivi pour ses idées et sans craindre que les inquisiteurs les mettent sur leurs listes. Malheureusement, ces inquisiteurs sont toujours là. Auparavant, et durant plus de cinquante ans, ils agissaient pour le compte du pouvoir en place. De nos jours, ils agissent pour leur propre compte. Et leur champ d'action n'a plus de limites ou de lignes rouges. Désormais, ils poursuivent tout le monde, les intellectuels en premier lieu bien sûr. Mais, ils n'épargnent plus aucun domaine. Ils interviennent dans tout, y compris dans la manière avec laquelle les Tunisiens enterrent leur mort. Ceux qui se sont arrogé le droit de nous islamiser à leur façon considèrent que les Tunisiens, musulmans depuis les conquêtes islamiques du 7e siècle, ne savent rien de l'Islam, de ses préceptes et de ses règles et se doivent d'obéir aux ordres provenant du Golfe wahhabite (la précision est à souligner) pour réapprendre leur religion. A l'opposé, les ulémas de la Zitouna se terrent, gardent le silence et évitent la confrontation ou la discorde, de retour. Seuls quelques intellectuels, journalistes et enseignants universitaires bravent la loi du silence et crient à la supercherie pour dire: oui, la politique est l'affaire de tout le monde, mais la religion doit en être écartée. Tout simplement, elle constitue une affaire personnelle entre Dieu et l'homme. Personne n'a à y intervenir ou à contrôler ou superviser le degré de foi ou d'islamité de n'importe quel citoyen. Rédigé sur la base d'un style captivant dans lequel Abdelhalim Messaoudi réussit à jouer subtilement avec les termes et les concepts, même les plus captivants, l'ouvrage nous retrempe dans l'ambiance des «coups médiatiques» réalisés par la nébuleuse wahhabite tout au long de l'année 2014. Le lecteur averti ou même celui qui voudrait se souvenir des polémiques politico-religieuses de l'époque y trouvera bonne matière. Il reste toutefois un reproche amical. Messaoudi s'adresse à ses lecteurs comme s'il s'adressait à des spécialistes de la civilisation musulmane et on a le sentiment que pour lui, ses lecteurs sont au fait des guerres et des crises qui ont traversé la pensée musulmane et qui ont produit les courants qui se font la guerre aujourd'hui comme l'ont fait leurs pères et grands-pères à l'époque des Omeyyades et des Abbassides.