Par Abdelhamid GMATI Le temps de travail d'un fonctionnaire tunisien ne dépasse pas 8 minutes par jour, pour 105 jours de travail par an (une année de 365 jours). C'est ce qui appert dans une étude statistique publiée récemment par l'Association tunisienne de lutte contre la corruption. On y apprend aussi que « pour les 800.000 fonctionnaires de l'administration, le taux d'absentéisme atteint les 60% contre 10% seulement dans le privé, sachant que les femmes s'absentent plus dans la fonction publique que les hommes, sans parler de ceux et celles qui sont juste là pour marquer leur présence ». De son côté, l'Association Al Bawsala a rendu public, lundi dernier, son rapport mensuel sur le déroulement des travaux de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) et sur les taux de présence des différents élus. La moyenne du taux global de présence s'élève à 82%. Et si 133 élus n'ont raté aucune séance, six autres se sont illustrés par leur absentéisme, puisqu'ils n'ont assisté à aucune plénière au cours du mois de mars. Les observateurs ont noté, ces derniers jours, l'absence de deux ministres, partis assister à un match de football en Algérie et « en week-end » sur la Côte d'Azur. Les Tunisiens sont-ils si paresseux et aiment-ils tant le farniente? La quête pour un emploi est évidente et des centaines de milliers de jeunes et de moins jeunes souffrent du chômage. Que représente la valeur travail pour un Tunisien ? Une étude effectuée par un universitaire tunisien nous apprend que « la valeur travail occupe la troisième place chez le Tunisien, après celle de la famille et les valeurs religieuses. « Pour le Tunisien, le travail se limite à une fonction et n'a pas de rapport avec l'innovation et la créativité. Sa productivité demeure faible en raison des conditions de travail et du climat au sein de l'entreprise, notamment les relations humaines, la conception du travail et la faiblesse du système de valeur ». L'étude révèle aussi que le Tunisien compte sur le gouvernement et attend des solutions. Assez paradoxale comme révélation, puisque depuis la Révolution, on constate plutôt une sorte de « désobéissance généralisée à tout attribut de pouvoir, qu'il s'agisse de supérieur hiérarchique ou de toute personne associée à un quelconque signe de souveraineté de l'Etat ou de l'administration avec une libération excessive de toutes les revendications justifiées ou non fondées ». C'est ce que constate, aussi, le président d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, qui déclarait, il y a quelques jours, que « la valeur travail s'est beaucoup dégradée ; on dirait que l'une des significations de la révolution était le laxisme et la transgression de la loi ». Et il appelle « à rétablir la valeur travail pour donner sa substance à la révolution, afin qu'elle ne soit pas limitée aux beaux slogans de démocratie et de liberté ». Il n'est pas le seul à se préoccuper de ce problème. Yassine Brahim, ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale, a ce même souci et estime que « c'est l'ARP qui est appelée, en effet, à donner l'exemple quant à l'importance de la valeur du travail. Et c'est cette valeur qui va encourager l'investissement, aussi bien tunisien (qui représente 80%) qu'étranger ». Le ministre va plus loin et se plaint de «ne pas voir avancer les nombreux projets de lois économiques transmis à l'Assemblée et des possibles conséquences que cela pourrait avoir sur l'action du gouvernement ». Pour lui, le gouvernement «commence à mettre la pression» sur les membres de l'ARP pour les inciter à travailler davantage ». Et il conclut: « Il n'est pas question qu'ils (les députés) prennent 45 jours de vacances, comme le prévoit la Constitution». Il est évident que tant que le travail ne signifie qu'avoir un emploi, le problème du chômage risque de perdurer. Surtout si les dirigeants, députés et hauts responsables gouvernementaux ne donnent pas l'exemple pour revaloriser le travail.