Toute croissance économique n'est pas nécessairement préservatrice de la nature. Durant de longues décennies, la dimension écologique a constitué le parent pauvre de la majorité des modèles de développement libéral. Depuis peu, les débats sur des thématiques, telles que le réchauffement planétaire, la flambée des cours des énergies fossiles, les recherches sur l'impact des déchets sur l'environnement, ont mis en évidence des ressources énergétiques, jusque-là marginalisées. Décidemment, il ne s'agit pas d'un effet de mode, les autorités se sont inscrites dans cette orientation écologique de valorisation des déchets. Le biogaz, la biomasse, la méthanisation… sont autant de termes relatifs au processus de valorisation énergétique de ces matières. Pour expliquer un tel phénomène, on a retenu parmi les multiples définitions, celle qu'on a jugé la plus simple et la plus concise : «Le biogaz se forme lors de la dégradation de matière organique en l'absence d'oxygène (fermentation). Ce phénomène naturel, observé dans les marais, peut être reproduit artificiellement par un procédé appelé digestion anaérobie, ou encore méthanisation.» Ce processus présente de belles alternatives en la valorisation des déchets en énergie électrique, calorifique et comme fertilisant agricole. Avantages de la méthanisation A l'échelle microéconomique, l'agriculteur gagne en autonomie. Décidemment, l'activité agricole manifeste des besoins spécifiques en énergie. De même, les sites d'exploitation sont généralement isolés par rapport au réseau d'électricité et les installations sont coûteuses et parfois peu fiables. De ce fait, l'exploitation des sources d'énergie disponibles en ferme, notamment les déchets organiques de source végétale ou animale par ce processus de méthanisation, procure un complément énergétique considérable. Désormais ,le fermier a la garantie d'un approvisionnement continu en électricité. Mieux encore, cette valorisation se répercute sur le coût de la production agricole. Révisés à la baisse, les produits de la ferme sont désormais plus compétitifs. A l'échelle macroéconomique, ce processus contribue à la dépollution et à la maîtrise d'énergie. En effet, le traitement des déchets organiques constitue un écueil pour tout gouvernement. Les gaz libérés par la décomposition naturelle de ces matières, à savoir le méthane et les gaz carboniques constituent un danger environnemental imminent. D'ailleurs, ces émissions atteignent les couches atmosphériques et contribuent à l'augmentation des effets de serre. Récupérer cette énergie diffusée dans l'air et la traiter pour devenir exploitable est de nature à réduire la nuisance inhérente à ces matières et de les valoriser en une énergie propre. Des projets d'envergure La quantité estimée des déchets organiques, toute origine confondue, est estimée à sept millions de tonnes annuellement. A cet égard, le ministre de l'Environnement et du Développement durable a déclaré, récemment, à l'ouverture des travaux de la rencontre organisée par la chambre tuniso-allemande de l'industrie et du commerce dans le cadre de la valorisation énergétique du biogaz, que c'est un créneau important à exploiter. Il a ajouté lors de la même occasion que des études ont été menées pour identifier les principaux domaines prometteurs pour la valorisation de ces déchets. Le volume des déchets ménagers annuels est estimé à 2.2 millions de tonnes. En effet, les décharges contrôlées constituent des réservoirs énergétiques de taille. A l'instar de l'unité de valorisation du méthane de Borj Chakir à Tunis, qui produira 8 mégawatts à l'horizon 2013, d'autres unités similaires seront envisagées au cours du XIe et du XIIe Plans de développement économique et social. Parmi les déchets, les margines éjectées des huileries représentent un risque considérable pour l'écosystème. Mais leur traitement nous procure une source d'énergie électrique, calorifique et de fertilisant agricole. La quantité de 1 million de m3/an a suscité déjà l'intérêt d'un investisseur à la région de Sfax qui assure une production journalière dépassant 18 mégawatts/ heure. De même, les fientes des volailles sont hautement productrices d'énergie. Déjà deux projets à la région de Sfax et de Tunis -Sud d'une capacité cumulée de 14 mégawatts sont opérationnels. Avec une quantité annuelle de 600.000 t, le champ propice offre des perspectives prometteuses pour le développement d'autres investissements à la proximité des sites d'élevage des volailles. Les besoins en énergie des marchés de gros peuvent être couverts en partie par la valorisation des déchets verts. Dans ce cadre, l'expérience du marché de Bir El Kassaâ a permis la valorisation de 25t par jour qui assurent 35% de ses besoins électriques. Les autres marchés de gros dans les différentes régions offrent des opportunités comparables. Les réalisations des projets pilotes sont de nature à encourager les investisseurs à reproduire «in extenso» et à multiplier les expériences réussies, notamment l'unité de valorisation des déchets de Bir El Kasaâ. Tous ces projets identifiés sont inscrits dans le portefeuille national du MDP (Mécanisme du Développement Propre) relevant du protocole de Kyoto, ce qui constitue un moyen efficace pour améliorer la rentabilité de ces projets et inciter davantage les entreprises privées tunisiennes et étrangères à investir dans ce secteur. L'exploitation d'un tel potentiel fait néanmoins face à des obstacles importants. En effet, les investissements dans ce domaine sont fortement capitalistiques. Le coût élevé des technologies utilisées accentue l'hésitation des promoteurs. De plus, la maîtrise de ces techniques et procédés n'est pas toujours acquise par le personnel de la place. Il en découle que la dépendance au fournisseur étranger sera génératrice de coûts supplémentaires relatifs à la formation du personnel, à l'assistance technique, et à d'éventuels entretiens et réparations des équipements.