La majorité des terroristes sévissant en Tunisie évoluent désormais sous les ordres de Daech qui a supplanté Al Qaïda. Il fallait s'y attendre... Il y a plus d'un an, nous mettions en garde, sur ces mêmes colonnes et en exclusivité, contre d'imminentes incursions de Daech en Tunisie, et cela conformément à «la stratégie manifestement expansionniste» de l'homme fort de cette organisation terroriste, Aboubakr Al-Baghdadi. Ce dernier, faut-il le rappeler, a «juré», lors d'une sortie spectaculaire en 2013 dans la ville irakienne de Mossoul, d'exporter sa révolution dans tous les pays du monde. A commencer par le Moyen-Orient, l'Afrique et le Maghreb arabe. Quelques mois plus tard, Al-Baghdadi a fini, mine de rien, par asseoir son autorité en Irak, en Syrie, au Sinaï, au Mali, au Nigeria, en Libye, au Yémen, en Somalie et, depuis mercredi dernier, chez nous, en Tunisie où les réseaux de Okba Ibn Nafaâ et Al-Mourabitoune ont publiquement fait allégeance à l'Etat islamique (EI). Auparavant, le groupe Ansar Echaria de Abou Iyadh en avait fait de même. Autrement dit, seules quelques milices jihadistes au nombre presque insignifiant demeurent fidèles à Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique), désormais acculé dans ses derniers retranchements en Algérie où son patron, Abdelmalek Droukdel, en dépit du soutien du successeur d'Oussama Ben Laden, Aymen Al-Dhawahri, n'est plus en mesure de faire face aux divisions et dissensions qui ne cessent de déchirer sa troupe. Radicalisation à outrance Ainsi, en venant s'implanter en Tunisie en un temps record, Daech nous envoie-t-il un signal clair et net, à savoir que nous aurons désormais affaire à un ennemi autrement plus dangereux, mieux armé et beaucoup plus sanguinaire que Aqmi.? C'est que les réseaux Okba Ibn Nafaâ et Al-Mourabitoune, fraîchement daechisés, sont connus des services secrets occidentaux comme étant des groupuscules redoutablement armés, bien structurés, outre leur puissance financière forgée par les trafics en tous genres (armes, tabac, or, contrebande...) ainsi que par les opérations de kidnapping contre rançon. Pour la petite histoire aussi, faut-il rappeler que le réseau Okba Ibn Nafaâ entretient des liens solides avec ses non moins dangereux acolytes de Boko Haram (au Nigeria) et de Shebab (en Somalie), et que celui d'Al-Mourabitoune, conduit par l'Algérien et disciple de Ben Laden, en l'occurrence Mokhtar Belmokhtar (alias «Laâwer», traduisez «le borgne»), a été notamment rendu tristement célèbre par la massive et meurtrière prise d'otages sur un site gazier dans le sud de l'Algérie, outre sa revendication de l'attentat-suicide perpétré, le 15 avril dernier, contre le contingent nigérian d'une base de la mission de l'ONU au Mali (Minusma), sans oublier son attentant-suicide commis auparavant, le 7 mars, contre un bar situé au centre de la capitale malienne Bamako et très fréquenté par les étrangers (bilan : cinq morts dont un Français et un Belge). Tout cela pour dire qu'avec l'irruption de Daech en Tunisie, il est fort à parier que les attaques terroristes, visant jusqu'ici soldats, policiers et gardes nationaux, pourraient se transformer en attentats-suicide et en opérations de prise d'otages. «Nous savions que les daechistes étaient déjà parmi nous», reconnaît le chef d'une brigade de la Garde nationale, qui fait part de «la prise d'importantes mesures préventives, aussi bien dans les montagnes que dans les villes, pour leur faire barrage». Sans plus de détails bien sûr, discrétion et stratagème tactique obligent.