Conflit social à la CPG : l'UGTT appelle à deux jours de grève    Accidents de la route: 70 nouveaux radars pour lutter contre l'excès de vitesse    OTJM : 97% des jeunes médecins ont boycotté le choix des centres de stage    Formation professionnelle en Tunisie : inscription ouverte pour l'automne 2025 dans les centres de l'ATFP    Prolifération de microalgues à Monastir et Bizerte : le ministère de l'Agriculture lance des analyses environnementales    L'excellence tunisienne en marche : l'équipe nationale de Kendo en route vers le Japon    Tensions au Moyen-Orient : Londres appelle ses ressortissants au Qatar à se confiner    Tunisie Telecom accompagne le Championnat du Monde U17 de Beach Handball à Hammamet    Un nouveau métier en Tunisie : accompagnant de vie    La soirée tuisiennene à Rome : une belle réussite    Le Qatar suspend temporairement le trafic aérien par mesure de précaution    Qatar - La base d'Al-Udeid visée : des vidéos témoignent des frappes iraniennes    Cellules souches humaines: promesses biologiques, espoirs médicaux et enjeux éthiques    Tunisie désignée à la tête du Centre régional Afrique du Nord de l'Africa CDC    Le Qatar se réserve le droit de riposter après l'attaque iranienne contre la base d'Al-Udeid    Fermeture du détroit d'Ormuz : Ridha Chkoundali alerte sur les conséquences pour la Tunisie    Un activiste poursuivi pour avoir dénoncé le manque d'eau à Mezzouna après le drame du lycée    Quand le régime s'essouffle, la justice frappe    69e anniversaire de l'Armée nationale: El Mehdeth, une nouvelle saga en plein désert    Le chef de la diplomatie iranienne à Moscou : Poutine hausse le ton et affiche son soutien à Téhéran    Amen Bank réaffirme son rôle de leader dans le financement de la transition énergétique des entreprises tunisiennes    Ons Jabeur renoue avec le succès et vise plus haut à Eastbourne    Athlétisme – 3000 m steeple : Rihab Dhahri en or à Varsovie    Mondial des clubs: trio arbitral argentin pour le match de l'EST-Chelsea    Hyundai Tunisie lance son application mobile 'MyHyundaiTunisia'    Location estivale, ce business qui échappe au fisc    Depolmed: Un programme stratégique d'assainissement contribuant à la dépollution de la Méditerranée et à la préservation des côtes tunisiennes    Parmi 83 pays, « La Table du Nord » de Malek Labidi élu meilleur livre culinaire au monde en 2024 (Vidéo)    Zakaria Dassi Directeur général du CIFFIP : « vers la révision du programme de la filière mathématiques »    Affaire de la CPG : peines de prison et lourdes amendes pour Lotfi Ali et d'anciens responsables    Amnistie des chèques sans provision : le président de la commission des finances préconise la prudence    Agence Nationale pour l'Emploi et le Travail Indépendant : A partir de 2026, les recrutements reprendront    FIFAK 2025 : une 38e édition sous le signe de la liberté et de la solidarité avec la Palestine à Kélibia    Coup d'envoi aujourd'hui de la 25ème édition du Festival de l'Union des Radios et des Télévisions Arabes    Spécial « Débattre et délibérer »    Monastir et Bizerte touchées par une prolifération inhabituelle de microalgues    La Tunisie condamne l'agression contre l'Iran et dénonce un effondrement du droit international    Chaos aérien : Air France, Turkish Airlines et d'autres suspendent leurs vols vers Dubai, Doha et Riyadh    La Tunisie au dernier rapport l'UNESCO sur l'industrie du livre en Afrique    Fermeture imminente du détroit d'Hormuz : l'Iran durcit le ton    Marathon de la construction et de l'édification : une course qui fait courir… les moqueries    Face au chaos du monde : quel rôle pour les intellectuels ?    Festival arabe de la radio et de la télévision 2025 du 23 au 25 juin, entre Tunis et Hammamet    Ons Jabeur battue au tournoi de Berlin en single, demeure l'espoir d'une finale en double    WTA Berlin Quart de finale : Ons Jabeur s'incline face à Markéta Vondroušová    Kaïs Saïed, Ons Jabeur, Ennahdha et Hizb Ettahrir…Les 5 infos de la journée    Skylight Garage Studio : le concours qui met en valeur les talents émergents de l'industrie audiovisuelle    Festival Au Pays des Enfants à Tunis : une 2e édition exceptionnelle du 26 au 29 juin 2025 (programme)    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Pour Amina
Publié dans Leaders le 13 - 06 - 2013

Extraordinaire Amina dont l'acte pose avec éloquence les questions qui comptent ! D'avoir diffusé son image aux seins nus où rôde le spectre islamiste nous met face aux enjeux qui orientent le destin d'une société ! Amina a explicité sa mise en scène en inscrivant sur son corps les mots qui justifient son geste. Elle a écrit en arabe sur sa poitrine et ses seins : « Ce corps m'appartient, il n'est l'honneur de personne ». Son acte se réclame de l'habea corpus (« Sois maître de ton corps »). Amina propose une énonciation qui avalise l'énoncé du droit fondamental à disposer de son corps. L'opération engage le sujet et fait émerger l'individu par l'usage du pronom de la première personne. L'individu souverain n'est plus assujetti à la servitude de la communauté. Amina se sépare du groupe en niant l'implication de l'honneur de qui que soit lorsqu'elle décide de faire de ses seins une arme de combat. Ainsi abolit-elle le crime d'honneur dont se croient investis les mâles qui ont un lien de sang avec le sujet féminin.
L'acte d'Amina est politique. Il réclame une avancée juridique, celle qui invoque l'habea corpus, auquel résistent bien des autorités quand même il serait actif depuis 1679. A cette revendication s'ajoute celle de la liberté de conscience, que les islamistes refusent d'inscrire dans la constitution qu'ils sont en train de finaliser. Le geste d'Amina est au cœur du moment historique que vit le pays. Il a pour ambition de s'attaquer à la norme islamique de la ‘awra, celle qui gouverne le voilement du corps féminin au prétexte qu'il suscite la fitna, cette séduction qui, par la sédition qu'elle provoque, instaure le désordre dans la cité. Telle position implique soit la sortie de l'islam, soit le recours à une interprétation qui l'adapte à l'évolution des mœurs.
Une telle interprétation (dont se réclame Amina) arrache l'islam du sol patriarcal. Où les femmes sont opprimés et qu'Amina dénonce à travers son refus de céder son corps à l'honneur dont sont gardiens les mâles liés au nom par le sang.
L'audace et le courage d'Amina se sont de nouveau manifestés lorsqu'elle est allée à Kairouan le 19 mai, jour où les salafistes ont décidé de tenir congrès (interdit). Elle voulait se confronter à ceux qui sont contre l'habea corpus, contre la liberté de conscience, pour le patriarcat, pour le crime d'honneur. Elle a été arrêtée après avoir taggé sur le muret du cimetière face à la Grande Mosquée le mot Femen, le groupe de protestation féminine par seins nus auquel elle est affiliée. Elle est déjà passée devant le juge qui l'a condamnée à une amende de 300 dinars (150 euros) parce qu'elle était en possession d'un aérosol lacrymogène. Ce n'est qu'une arme d'autodéfense dérisoire au vu du risque qu'elle encourait face à des ennemis prompts à lyncher tout contradicteur. D'autant plus qu'un prédicateur salafiste a réclamé qu'Amina soit lapidée à mort.
Pire encore : tel juge a refusé de libérer Amina contrevenant aux dispositions élémentaires de l'habea corpus selon lesquelles il doit libérer le corps qui s'est présenté à lui en cas d'absence de délit ou de charges insuffisantes. Au lieu de son élargissement, le juge l'a accablée d'accusations graves, celle d'atteinte à la pudeur, de trouble de l'ordre public, d'association de malfaiteurs. Ainsi se prépare un procès inique. Comme au temps de la dictature, le juge assimile à un acte délictueux une action politique, pacifique, en conformité avec la règle démocratique. De surcroît, le juge détourne des dispositions du droit positif, du qanûn pour conforter la norme héritée de la sharî'a et du fiqh, la casuistique qui en ordonnançait le corpus. Nous dénonçons cette double manipulation. Et réclamons la libération immédiate d'Amina qui suscite notre admiration. Non seulement son action fait avancer la cause des femmes dans un milieu où elles sont le symptôme du mal, mais encore elle participe au combat pour la liberté et le droit dans une Tunisie laboratoire pour toute la territorialité islamique. Si nous gagnons un tel combat, le monde gagnera ; si nous perdons, avec nous le monde perdra.
De l'image d'Amina aux seins nus se dégage une étrange proximité avec le portrait de Gabrielle d'Estrées et d'une de ses sœurs, le fameux tableau de l'école de Fontainebleau : « Blonde, dorée, d'une taille admirable, d'un teint d'une blancheur éclatante » : autant de traits qu'Amina a en partage avec l'amante d'Henri IV. Le poète baroque Agrippa d'Aubigné lui attribue un grand rôle politique, c'est elle qui aurait poussé le roi à signer l'édit de Nantes, destiné à apaiser la guerre des religions et à instaurer la convivance des croyances ; il dit aussi de son image aux seins nus : « C'est une merveille comment cette femme de laquelle l'extrême beauté ne sentait rien de lascif ». On peut porter le même jugement sur Amina en réponse à ceux qui assimilent sans discerner la mise à nu au sexe.
Et pour ceux, nombreux en Tunisie, qui estiment que la théâtralisation du nu (politique ou artistique) est une intrusion occidentale, je leur décille les yeux en les conviant à jouir d'une peinture provenant du même XVIe siècle Shirîn au bain composée par Soltân-Mohammed à Tabriz vers 1540 pour illustrer un épisode de la Khamseh du poète Nizami : torse nu, les seins en partie à découvert sur le trajet des tresses, cette œuvre d'islam croise celle de Fontainebleau et participe à l'esthétique du nu pour en enrichir l'histoire. Gloire à Amina qui, par les moyens d'aujourd'hui, a inscrit son nom et son corps dans cette séculaire tradition iconique.
Abdelwahab Meddeb


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.