«Trahison», «Reniement de la parole donnée», «l'espoir assassiné». Que dire de ces réactions d'El Massar à la décision de Nidaa Tounès de se présenter avec ses propres listes aux élections, sinon qu'elles relèvent d'une mauvaise foi affligeante. On reproche, aujourd'hui, à ce parti de s'être servi de l'Union Pour la Tunisie pour faire échec à la politique d'endiguement menée par Ennahdha à son encontre dès sa constitution. Mais en contrepartie, ses partenaires trouvaient largement leur compte dans cette alliance. L'émergence de ce parti « né grand», selon la formule consacrée, a revigoré l'opposition après son échec cuisant aux élections du 23 octobre, mis fin à l'arrogance des islamistes et finalement rééquilibrer le paysage politique. L'UPT aura joué, à cet égard, un rôle déterminant à travers l'unification des forces démocratiques, la création du Front du salut et la chute du gouvernement de la troika. Mais les alliances n'on jamais ressemblé au mariage catholique. Elles sont par définition éphémères et se font et se défont au gré des intérêts des uns et des autres et de la conjoncture. Ni ange, ni démon, Nidaa Tounès défend ses intérêts. Derrière les beaux discours dont se gargarisent volontiers les hommes politiques, se cache souvent une réalité plus prosaïque. Ce sont les intérêts particuliers qui priment, d'autant plus qu'un nouveau rapport de forces s'est créé au sein de l'UPT dont il faudra tenir compte désormais. Après avoir densifié son maillage de tout le territoire et établi avec Ennahdha une sorte d'équilibre de la terreur, le parti de Caïd Essebsi s'est senti suffisamment fort pour se présenter avec ses propres listes. A-t-on le droit de lui en vouloir ? Au fond, l'échec de l'UPT était prévisible. Il est le résultat d'un choc de deux égoïsmes, ce qui est au fond, de bonne guerre, même si Al Massar feignant la surprise, fait aujourd'hui dans le discours victimaire et se pare des oripeaux du «défenseur de l'union des forces démocratiques». La politique n'est ni morale, ni immorale. Elle est amorale avec sa propre échelle des valeurs. Efficacité et pragmatisme en sont les maîtres-mots, les qualités suprêmes. Au lieu de composer avec lui, ses partenaires ont cru bon de se défausser sur Nidaa de leurs propres erreurs au risque de l'affaiblir et de le discréditer aux yeux des Tunisiens. Et que signifient ces appels à peine voilés à «nos amis» pour faire pression sur la direction de ce parti et les amener à résipiscence. On s'attendait à plus d'humilité de leur part et même à une autocritique. Alors que les dirigeants de Nidaa étaient sur le terrain, prêchant la cause de leur parti, ses partenaires préféraient se pavaner sur les plateaux de télévision. Dans un accès de colère, BCE avait dernièrement qualifié Al Massar de «demi-parti». Il n'était pas très loin de la réalité. Que dire alors des deux autres formations de l'UPT, véritables coquilles vides? Le paravent de l'UPT Au fait, cette alliance électorale, telle que la conçoit Al Massar qui constitue la pomme de discorde entre Nidaa et El Massar, parlons- en: j'ai eu beau interroger les morts et les vivants, les traités de science politique, les expériences des pays qui nous sont proches comme la France, notamment celles du Front populaire de 1936 et de l'Union de la Gauche de 1978 et 1981, je n'y ai trouvé aucun précédent. A trois reprises, les communistes français et le PS s'étaient présentés aux élections avec un programme électoral commun mais aussi avec des listes séparées. Tout au plus, y a-t-il eu quelques désistements au deuxième tour pour le candidat le mieux placé, ou des arrangements réciproques dans certaines régions, mais à aucun moment, il n'a été question de listes électorales communes. Pour une raison simple : cette alliance électorale sous les couleurs de l'Union Pour la Tunisie à laquelle s'accrochent ces partis comme un noyé à un fétu de paille est irréalisable sur le plan technique: sur quelle base va-t-on établir le quota de chaque parti. Elle est aussi une aberration, une véritable supercherie, une confiscation de la volonté populaire. Les Tunisiens seraient appelés à voter pour une entité abstraite, désincarnée et sans savoir pour quel parti iront leurs voix. Par contre, une alliance polititique après les élections est tout a fait envisageable après les élections et pourra se faire en fonction du poids électoral de chaque parti et non en fonction de son poids cathodique. Une question me brûle les lèvres : pourquoi cette obstination de la part des partenaires de Nidaa Tounès à se cacher derrière le paravent de l'UPT ? Ont-ils peur de se présenter à leurs électeurs à visage découvert et connaître leur poids politique réel? Leur attitude donne en tout cas à penser. Hédi Béhi
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