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Latifa Lakhdhar: L'égalité dans l'héritage , Ennahdha entre le dit et le non-dit
Publié dans Leaders le 04 - 12 - 2018

Le parti Ennahdha a annoncé sa position concernant le projet sur l'égalité successorale. Malgré les artifices langagiers de la dernière déclaration de son bureau exécutif, précédée par des annonces négatives de quelques-uns de ses leaders il est fort probable qu'il votera contre. Pas étonnant ou un peu étonnant- quand même- de sa part, ceci ne manque pas d'appeler quelques commentaires, dans la mesure où, nous savons tous que ce parti a tenu depuis un certain temps un discours cherchant à convaincre sur son adhésion à l'idée démocratique, sur son souci d'intégrer l'histoire de l' Etat national et d'y trouver une place, sur son agacement du fait qu'on s'accapare le monopole de la modernité en le lui reniant et enfin sur son irritation à ce qu'on continue à voir en lui l'expression d'un islam politique !
Trop beau pour être vrai il faut le dire, l'opinion publique moderniste a reçu ce discours avec scepticisme, non pas par procès d'intention comme se plait à s'en plaindre ce même parti, mais à cause de l'absence des conditions qui sont à même de fournir à ce discours la crédibilité et la solvabilité nécessaires, à savoir un effort de révision idéologique et un plus grand effort encore de bilan autocritique sur l'historique de ce parti, ses actes passés, ses alliances transnationales, son rapport aux références religieuses…...Mais concédons qu'au final, par ses dernières annonces concernant le projet sur l'égalité successorale ce parti ne fait que réconforter ce scepticisme.
Le chef du bloc parlementaire de ce parti (pour ne citer que lui), a déclaré, sans détour, que cette question est «réfutée du point de vue de la Constitution, de celui de l'islam, celuides valeurs et de la morale». En mettant, ainsi, le drame politico-métaphysique comme il est de coutume chez ces gens-là à chaque fois qu'il s'agit de sortir les femmes de la tragédie historique de l'injustice et de l'aliénation, cette question serait, d'après le député N.Bhiri, une infraction à la Constitution, une mécréance et un vice! Des mots graves qui expriment ce qui est pour lui et pour ce qu'il représente l'insupportable, l'insoutenable, l'impensable, mais aussi des mots qui donnent lieu à un retour sur un débat qui n'a pas l'air d'avoir épuisé ses raisons. Dans ce cadre donc, quelques remarques sont peut-être bonnes à mettre:
1- Constitutionnellement et pour ce qui est de l'article premier que le député semble avoir à l'esprit, article qui d'ailleurs pour toute personne qui possède un minimum d'outils linguistiques de lecture, ne se donne à lire qu'en rapport avec l'article deux, il est certes fait référence à une appartenance religieuse de la Tunisie, maisqu'il soit dit: cette appartenance ne peut pas s'adosser à la dimension purement théologique fiqhiste de l'islam.Les rites, les injonctions, les recommandations religieuses et la pratique d'une croyance n'ont nulle part au monde ni dans l'histoire de l'humanité suffit à meubler une identité ni à construire ce que le professeur H.Djait appelle la personnalité historique d'un peuple. Si l'Islam a pu s'enraciner dans les profondeurs de l'être, c'est bien parce qu'il a su sortir de son noyau théologique pour s'éveiller au monde, s'y répandre et accéder au rang d'une civilisation mondiale nourrie aux apports divers des cultures et des ethnies qui l'avaient composé.Plus encore, si les musulmans se perçoivent tous, partout et toujours musulmans même quand ils ne sont pas pratiquants, c'est parce que cette perception qu'ils ont d'eux-mêmes ne se fait pas à travers l'appartenance à une religion-théologie, mais à travers l'appartenance à une religion culture. Voilà pourquoi d'ailleurs la majorité des musulmans ne sont pas devenus islamistes malgré les efforts titanesques de récupération tenus par la secte frériste depuis plus de cinquante ans, et voilà pourquoi un islamiste n'est absolument pas du tout considéré par la majorité musulmane plus musulman que les autres. Il est et restera pour cette majorité musulmane tout juste islamiste «ikhwani», tout juste différent.
2- Considérer que le principe de l'égalité dans l'héritage entre hommes et femmes est réfuté religieusement, c'est tout simplement réitérer sa rupture avec l'esprit et le patrimoine réformistes de l'islam, avec ses moments de lumières, c'est se mettre contre la conscience libératrice que cette religion a essayé de développer dès le XIXème siècle quant à l'indispensable réconciliation avec les valeurs de la modernité pour ce qui du droit, de l'Etat et du projet sociétal. Refuser l'égalité dans l'héritage au nom d'une vision religieuse désincarnée par rapport aux lois de l'histoire et à celles de la sociologie, revient à enjamber plus de deux siècles de réformisme religieux et politiquepour faire un saut régressif dans l'histoire et renouer avec un islam qui, à l'époque, il faut le dire et redire, n'avait pas à composer avec les valeurs modernes de l'égalité citoyenne et de la liberté dans son sens juridique et politique.Le parti Ennahdha semble, à travers cette position traditionaliste populiste, vouloir se précipiter sur le gain électoraliste et outre passer le principe contenu dans l'article deux de la Constitution qui stipule en substance que la Tunisie est un Etat civil dont les fondements sont la citoyenneté et la volonté, de toute évidence civile, du peuple.
3- Pour se référer un peu à l'histoire surtout à travers ses fragments significatifs, il est permis de rappeler que quand l'idée constitutionnelle s'est posée en Tunisie en 1861, une partie des Uléma de la Zitouna rattachée au Maghzen beylical, conséquente avec ce qu'elle considérait comme interdit par ses propres croyances, avait refusé de siéger à la commission préparatoire de cette constitution. Sans vouloir juger de cette attitude, ni positivement ni négativement, notons que ces Uléma avaient, dans toute clarté, refusé de jouer l'amalgame des genres. Par contre quand on a accepté d'être constituant(e) en 2011, suite à une révolution démocratique dont les slogans n'avaient aucuns liens avec la religion, cela implique que l'on a accepté les règles du jeu du terrain profane de la politique. Revenir sur sa démarche et emprunter d'autres sentiers parce qu'il s'agit cette fois-ci des droits des femmes est inacceptable à double titre: d'abord parce que l'engagement démocratique ne permet ni de tricher ni d'être sélectif et installe obligatoirement dans la voie tracée de l'égalité et de la liberté, ensuite parce que les femmes sont constitutionnellement des citoyennes à part entière ce qui les met en droit d'exiger une loi égalitaire y compris dans le partage du patrimoine familial.
4- Pour tout résumer, il n'est pas à démontrer que la démocratie à laquelle le parti Ennahdha affirme et confirme depuis 2011 avoir adhéré et vouloir respecter, se doit d'établir l'égalité et de protéger les libertés individuelles dans le cadre de l'Etat de droit qui, pour rappel, n'est ni l'enfant, ni le produit des dogmes de la religion, mais bien celui des luttes que l'humanité a menées pour la sécularité. Une sécularité qui a su construire le grand et le vrai consensus sur les limites qui départagent l'espace qui revient au religieux et celui qui revient au politique.
Enfin, dans l'espoir que les femmes dans le parti Ennahdha prennent leurs responsabilités de femmes et surtout leur autonomie de penser, qu'elles refusent de jouer le rôle d'actrices de la perpétuation d'un modèle sociologique absolutisé par la construction religieuse, un Etat civil républicain, démocratique intégrateur de tous ceux et toutes celles qui appartiennent à cette chère patrie au-delà de leurs croyances, de leur sexe, de leur couleur de peau et de leurs choix intimes, restera notre raison d'être fièrement tunisiennes et tunisiens.


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