Le chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, s'est adressé, vendredi soir, aux tunisiens au sujet de l'épidémie de Covid-19 annonçant le passage, à titre préventif, au niveau 3 de la riposte et la prise d'une série de mesures restrictives pour tenter d'endiguer la crise en anticipant les mesures qui seraient rendues autrement plus insupportables. Parmi les mesures ainsi prises, qui seront applicables à partir de ce soir du vendredi 13 mars, et jusqu'au 4 avril, avec possibilité de révision de la durée, figurent en particulier celles consistant en : • la fermeture des frontières maritimes de façon complète et des frontières aériennes, avec suspension de tous les vols pour l'Italie, et maintien d'un seul vol par jour avec la France, et un vol par semaine avec l'Espagne, l'Egypte, la Grande Bretagne et l'Allemagne, étant précisé que les arrivants devront se soumettre automatiquement aux mesures de quarantaine durant quatorze jours, • la régulation des groupements des citoyens, avec annulation de toutes les manifestations culturelles, fermeture des cafés, restaurants et discothèques, à partir de 16 heures, • la suspension des prières collectives y compris la grande prière du vendredi, tandis que toutes les rencontres sportives se dérouleront à huis clos, • la fermeture de tous les établissements préscolaires, ainsi que des écoles privées et étrangères. Enfin, le Chef du gouvernement a-t-il été avisé en appelant les tunisiens à faire preuve de solidarité dans la garde des enfants, pour permettre aux parents de poursuivre leurs activités professionnelles. Tout cela est aujourd'hui bien connu et a été relayé par tous les moyens d'information, et d'aucuns ont salué le Chef du gouvernement dans sa première apparition publique après son installation aux commandes de l'exécutif. On retiendra, à l'avantage du Chef du gouvernement, qu'il n'a pas pris de mesures de confinement de la Tunisie comme en Chine ou en Italie, en se limitant juste à demander à éviter les déplacements inutiles et à réguler les groupements dans les manifestations sportives, culturelles et autres. Des omissions intolérables Gouverner, c'est prévoir et faire montre de clairvoyance et d'anticipation ! Comment expliquer, par exemple, qu'aucune mesure tangible n'ait été annoncée, à l'instar des mesures prises la veille par le Président Emmanuel Macron, et l'avant-veille par Donald Trump, consistant en la mise en place d'un système de chômage partiel et un report pour les entreprises le souhaitant du paiement des impôts et cotisations. Le Chef du gouvernement n'aurait-il pas été avisé en annonçant la mobilisation générale pour l'économie et les emplois. « Nous n'ajouterons pas à la crise sanitaire, la crise des fins de mois, la peur des entrepreneurs », avait prévenu la veille Emmanuel Macron en mettant en exergue une priorité : préserver les emplois. Certes, l'on ne peut comparer que ce qui est comparable ! Un mécanisme exceptionnel de chômage partiel aurait été pourtant nécessaire à mettre en œuvre pour éviter les licenciements. Un programme national de solidarité économique et sociale aurait gagné à être annoncé en vue de prendre en charge l'indemnisation des salariés contraints de rester chez eux. De plus, afin de protéger toutes les entreprises, y compris les travailleurs indépendants, le Chef du gouvernement aurait été avisé en annonçant la possibilité de reporter le paiement des cotisations et des impôts dus dans les tout prochains mois. Des procédures que la Kasbah pourrait rendre simples, sans trop de formalités. Le télétravail, un enjeu crucial De leur côté, les entreprises auraient dû –et pourraient encore– être appelées à permettre aux employés dans certaines entreprises de travailler à distance. Avec les crèches et les écoles fermées, favoriser le télétravail devient un enjeu crucial pour ne pas ralentir davantage l'économie. Elyes Fakhfakh aurait été avisé en plaidant enfin pour un plan de relance tunisien auquel le gouvernement est appelé à travailler, y compris avec l'aide de la Banque mondiale, du FMI, de ses partenaires européens, arabes et autres. Cette réponse à la crise se fait toujours attendre. Aux grands maux les grands remèdes Elyes Fakhfakh aurait été avisé en annonçant des mesures que l'État s'engagerait à prendre en vue de l'indemnisation des salariés placés en chômage partiel, quel que soit leur niveau de rémunération. La mesure, annoncée la veille par Emmanuel Macron, pèserait, certes, lourd sur la balance d'une économie tunisienne déjà aux abois. Elle devrait pourtant être envisagée dans le cadre de la solidarité nationale, quitte à engager des négociations nationales en vue d'en définir les différentes implications. « A attendre que l'herbe pousse, le bœuf meurt de faim » Autant de mesures à définir, à prévoir, qui auraient permis de rassurer les tunisiens quant à la capacité du Chef du Gouvernement à assumer pleinement le leadership, comme levier de bonne gouvernance ! Car, au-delà de la lutte en vue d'endiguer la crise de l'épidémie de Covid-19, l'occasion était offerte de relever ce nouveau défi, celui de l'expression citoyenne, singulièrement appauvrie, et qui n'a plus d'autres possibilités que de se manifester de façon solidaire face à la crise. Ayez et donnez confiance, Monsieur le Chef du Gouvernement, le succès viendra avec l'implication et l'effort de tous ! « Ayez la volonté et la persévérance, et vous ferez des merveilles !» (Benjamin Franklin). Hatem Kotrane