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Abdelaziz Kacem - Bourguiba: le coup de pied de l'âne (Album Photos)
Publié dans Leaders le 06 - 04 - 2020

Le 6 mai 2000, après avoir traversé le vingtième siècle, le sien, en long et en large, Habib Bourguiba, libérateur de la Tunisie, fondateur de la République et émancipateur de la femme, a tiré sa révérence. Pour les dures batailles qu'il a conduites, sur la voie de la libération nationale, et pour toutes les peines et avanies qu'il a souffertes: prisons, exils, privations, il reçut le titre de «Combattant suprême». Cette dignité, à mon sens, il l'a autant, sinon plus, méritée pour le colossal effort qu'il a déployé dans l'œuvre d'édification d'un État moderne, faisant de l'Éducation, de la Culture, de la Santé et du développement socio-économique les quatre piliers de la promotion de l'homme tunisien. En son temps, sur l'échiquier international, la petite Tunisie frayait avec les grands.
Photos exeptionnelles, grâce à l'aimable concours des Archives Nationales
& de la Fondation Habib Bourguiba
Vingt ans sont passés depuis qu'il s'est retiré dans son mausolée de Monastir. Il vit encore parmi nous. Ostracisé par les médias et par les centres du pouvoir, il tient bon. Ses directives emplissent les réseaux sociaux.
Le 20 mars dernier, Fête de l'Indépendance, on en vint même à laisser entendre qu'il n'y était pour rien, sinon pour peu de chose. D'autres avaient déjà prétendu qu'il avait, par accord secret, avec l'occupant, bradé un pan de notre souveraineté. Les historiens ont vite fait de rétablir la vérité. Cependant, par fidélité mais aussi par comparaison, infaillible critère, nombreuses sont les élites et les petites gens, y compris ceux et celles qui, de son vivant, avaient quelque grief à lui faire, veillent sur son legs et sur sa mémoire.
Nous autres, qui l'avions approché, nous savons mieux que personne les défauts de ses qualités. Mais le dénigrement systématique dont il est l'objet ne nous laisse guère le loisir de le dévisager sereinement, pour la vérité et pour l'histoire.
Vingt ans après, avec la même indignation, il me souvient, de ses funérailles scandaleusement escamotées. La Télévision a même été empêchée de filmer, rien que pour les archives nationales, les péripéties de la cérémonie. Le maître du moment, plus mesquin que jamais, avait ostensiblement peur de la stature encore géante et gênante du Commandeur.
Plus particulièrement, depuis « ladite » révolution, dix ans durant, après quelques diatribes et des procès, pour le moins, révisables, l'image de ZABA tend à disparaitre des écrans. C'est avec Bourguiba et son œuvre que l'on veut régler ses comptes. Tout un organisme a été monté par la Troïka à cet effet, une instance dont le nom jure avec sa ténébreuse mission. Son budget a grevé dangereusement celui de l'État. Le plus révoltant dans l'affaire est qu'à la tête de ce machin, une femme a été intronisée, une femme qui, sans le CSP et sans l'Éducation pour tous, aurait passé son temps à la cuisine ou à ravauder les bas de la famille.
Organe de désunion nationale et de judiciarisation vindicative, l'Instance a établi des milliers de dossiers fondés, pour la plupart, sur un pur désir de vengeance et d'extorsion. De quoi occuper la justice pendant des décennies et la détourner des crimes perpétrés par la nouvelle nomenklatura.
Homme éminemment cultivé, nous n'insisterons jamais assez sur cette rare distinction, en ces temps prosaïques, Bourguiba considérait la poésie comme l'expression quintessenciée de l'expérience ontologique la plus profonde de l'aventure humaine. Il savait par cœur des poèmes entiers en arabe et dans la langue de Victor Hugo et de Vigny. De ce dernier, que de fois, a-t-il récité devant des hôtes français de marque éblouis, la totalité de « La mort du loup ». Qui connaît aujourd'hui ce poème poignant joliment traduit en arabe ? Le Combattant suprême se contentait parfois d'en déclamer le quatrain final, sur un ton moins épique, presque lyrique, comme s'il le dédiait à sa propre personne, comme s'il s'y identifiait:
Gémir, pleurer, prier est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche,
Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler.
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler.
À l'heure du grand départ, il a dû s'en souvenir comme d'une vision prémonitoire. L'ingratitude est aussi un sport national. Bourguiba le savait. Une anecdote, très significative, à cet égard, me vient à l'esprit. Les initiés sauront l'apprécier.
Parmi les émissions qu'il suivait assidument, les causeries hebdomadaires que feu Habib Chiboub consacrait à l'histoire du mouvement national, y glissant des détails passés inaperçus, en leur temps, mais qui remontaient chez le vétéran des ressors enfouis. À la suite de l'une de ces évocations, nous avons été, le conférencier et moi-même, convoqués à Carthage. Après en avoir discuté, le Président demanda au chroniqueur, dont il savait la mémoire phénoménale, de lui réciter la Lâmiya (poème rimé en lâm) du Syrien Ibn al-Wardi (1292-1349), un poème didactique de soixante-dix-sept vers sus par des générations entières de lycéens. Nombre de ses hémistiches, sous forme de maximes, émaillent encore, anonymement, les conversations et commentaires arabes : «L'astuce est de ne pas recourir aux astuces », « Celui qui prend la route arrive [au but]»…
Le récitant entame la pièce :
اِعْتَزِلْ ذكْرَ الأغاني والغزَلْ وقُلِ الفَصْلَ وجانِبْ مَنَ هَزَلْ
Renonce au badinage et aux romances.
Parle net, prends avec les hâbleurs tes distances.
Au cinquante-quatrième vers:
إنَّ نصْفَ الناسِ أعْداءٌ لِمَنْ وَلِيَ الأحْكامَ هذا إِنْ عَدَلْ
La moitié des humains est hostile à l'endroit
De celui qui détient le pouvoir, fut-il droit.
L'auguste auditeur sursaute et répète: "هذا إن عدل" (fut-il droit, juste, équitable), ajoutant que la poésie arabe classique n'a vraiment rien omis, qu'elle est hautement politique. Et de revenir au grand Mutanabbi, « qui a tout compris »… Ainsi Bourguiba ne se faisait pas d'illusion. Cette moitié du peuple, il la connaissait bien. Bâtisseur au propre et au figuré, il initia la dégourbification de l'habitat. Il n'a pas pu parachever celle des esprits. La faille est là.
Si j'avais à résumer sa vie politique réelle, de 1934 à sa mort, je le ferais en onze mots : vingt ans au front, trente au chantier, treize à la trappe. Pour ce qui est du reste, j'ajouterais sept mots : dix ans d'occultation, dix de profanation. Arrêtons de décocher au vieux lion le coup de pied de l'âne. Il est temps de le laisser enfin se reposer dans les sphères que l'Histoire lui a assignées. Pour sortir le pays de son marasme «révolutionnaire», nul besoin de magie ni de théologie. Cherchons-nous des hommes et des femmes de cet acabit, ailleurs que sur les plats plateaux des télévisions ou dans la dernière cuvée frelatée de la kermesse électorale. Arrêtons de nous mentir à nous-mêmes. Nous ne sommes pas les meilleurs. Nous avons échoué. Est-ce demander la lune que de réclamer un peu de pudeur?
Grâce au Covid-19, dans mon confinement propice aux phantasmes, je me prends à imaginer un Gavroche tunisien chantonnant au pied d'une barricade:
J'ai perdu mon B. A.-BA
C'est la faute à Bourguiba.
Abdelaziz Kacem
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