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Tunisie: Sauver avant l'effondrement
Publié dans Leaders le 25 - 05 - 2021

Par Dr Abdeljalil Gdoura - La Tunisie passe actuellement par la plus grave crise de son histoire après l'indépendance, malgré une résilience étonnante durant ces dix dernières années avec une transition démocratique difficile, des problèmes sécuritaires, des tensions sociales et des dizaines de milliers de grèves, des situations répétées de blocage politique...avec bien sûr leur impact sur l'économie du pays.
La crise politique actuelle ajoutée à la crise sanitaire risque d'amener à l'effondrement de l'Etat en l'absence de mesures urgentes.
Est-ce que c'est le propre de la Tunisie?
Si on essaie de relativiser, dans le monde et plus particulièrement dans les pays développés, parler d'effondrement ou de collapsus n'est pas nouveau, l'impact négatif de l'homme sur l'environnement, les changements climatiques, l'épuisement des ressources, les pandémies, la démographie galopante, la surconsommation, l'effondrement de la biodiversité, les guerres et les armes de destruction massive ont créé tout un mouvement de « collapsologues » depuis quelques années, des associations et même un guide et une foire des survivalistes.
Deux auteurs Pablo Servigne et Raphaël Stevens en parlent dans leur livre : « Comment tout peut s'effondrer. Petit manuel de collapsologie à l'usage des générations présentes ». Ce mouvement prône et propage l'urgence d'une prise de conscience collective face à l'effondrement lié aux crises énergétiques, économiques, environnementales, géopolitiques, démocratiques... Et propose des pistes pour l'éviter : économie circulaire, évolution des systèmes agricoles (permaculture, recyclage...), maîtrise de la démographie, systèmes d'entraide locaux, énergies renouvelables, monnaie locale, démocratie participative...
Dimitri ORLOV, l'auteur du livre « les cinq stades de l'effondrement » paru en 2008 est ingénieur de formation, né en Russie qu'il a quittée pour vivre aux Etats-Unis à l'âge de douze ans, ses déplacements fréquents en Russie fin des années 80 et milieu des années 90 lui ont permis de suivre l'effondrement de l'Union Soviétique et de constater l'évolution du processus et d'aborder le problème d'un autre angle, il a été un des rares à prédire la crise financière de 2008. Il est devenu collapsologue international et donne des conférences sur le thème de l'effondrement.
Il décrit cinq stades de l'effondrement :
1- L'effondrement financier, les banques ne répondent plus, l'accès au capital est perdu et l'investissement réduit à néant: la foi dans « les affaires continuent » est perdue, un problème de solvabilité et non pas de liquidité.
2- L'effondrement commercial, les magasins sont vides, les monnaies dévaluées: la foi dans « le marché y parviendra » est perdue, les pénuries généralisées de biens nécessaires devient la norme.
3- L'effondrement politique, le gouvernement a perdu sa légitimité et n'est plus un recours: la foi dans « votre gouvernement s'occupera de vous »est perdue, la classe politique perd sa légitimité et sa pertinence, le pouvoir local et régional fort peut apporter des solutions.
4- L'effondrement social, les institutions sociales ne remplissent plus leur fonction de protection: la foi dans « les vôtres s'occuperont de vous » est perdue: la Société Civile et les organisations caritatives se précipitent pour combler le vide du pouvoir, tombent à cours de ressources et échouent à causes des conflits internes.
5- L'effondrement culturel, les gens perdent leur capacité de bienveillance, d'honnêteté, de charité: la foi dans « la bonté de l'humanité » est perdue, les gens perdent leur capacité de gentillesse, de générosité, de considération, d'hospitalité, de compassion… Il peut être évité ou minimisé par notre solidarité et notre culture ancestrale.
ORLOV n'évoque pas le problème écologique, son analyse s'applique à ce qui s'est passé à l'URSS, et prédisait des crises aux Etats-Unis, beaucoup d'éléments de sa description s'appliquent à la Tunisie avec des degrés plus ou moins avancés.
Chaque stade peut mener au suivant mais ces stades peuvent se chevaucher, l'objectif de l'auteur n'est pas d'alarmer les gens mais d'alerteret de prendre conscience de la nécessité des changements.
Dans ces constatations, il n'y a pas que du négatif, puisque:
• Tous les stades ne sont pas inévitables,
• On peut espérer un rétablissement après l'effondrement
• Laisser s'effondrer une chose condamnée est bien (l'exemple de certaines entreprises publiques en faillite en Tunisie)
• Faire tout pour préserver une situation bloquée est de de la débilité voire de la folie
• L'effondrement peut être une motivation pour les grands changements et la reprise.
Jared Diamond(biologiste, géographe, professeur à l'Université de Californie à Los Angeles, un des intellectuels contemporains les plus influents) dans son livre "effondrement Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie " paru en 2005 fait un tour du monde dans l'espace et dans le temps relatant plusieurs exemples d'évolution et de réaction aux crises de sociétés anciennes et contemporaines dans le monde, avec des issues allant de la disparition, à la fragilisation ou à la survie. Dans ce tour d'horizon l'auteur conclut qu'il n'existe aucun cas dans lequel l'effondrement d'une société est la conséquence uniquement des dommages écologiques. Il évoque cinq facteurs potentiels de l'effondrement : des dommages environnementaux, un changement climatique, des voisins hostiles, des rapports de dépendance avec des partenaires commerciaux, les réponses apportées par une société selon ses valeurs propres à ces problèmes.
Citons deux exemples extrêmes de réussite et d'échec de sociétés contemporaines:
1. Les Pays Bas sont un bon exemple de société qui parvient à minimiser les conflits d'intérêt. Les néerlandais ont une conscience environnementale très forte et un des meilleurs taux d'engagement aux organisations environnementales. La raison selon les néerlandais eux-mêmes:
Un sixième de la superficie totale des Pays Bas est sous le niveau de la mer, parfois à moins de six mètres. Les néerlandais ont gagné des terres aux dépens de la mer en entourant les bas-fonds de digues et en pompant l'eau. Ils disent que dieu a créé la terre et les Hollandais ont créé les Pays Bas. Ces terres gagnées sur la mer s'appellent "les polders", cette technique de drainage remonte à plusieurs siècles et à ce jour les néerlandais ne doivent pas arrêter le pompage de l'eau qui s'infiltre dans les polders se faisant aider par les moulins à vent puis en utilisant les pompes électriques. Dans chaque polder, il y a des rangées de pompes des plus éloignées de la mer jusqu'à la dernière qui déverse dans une rivière ou dans l'océan.
Au Pays Bas "on dit qu'il faut s'entendre avec son ennemi, parce qu'il se peut que c'est lui qui actionne la pompe voisine de la vôtre, donc être solidaire et agir tous ensemble dans les polders est une obligation, si les digues et les pompes ne marchent pas, tout le monde est noyé, riches et pauvres".
Le 1er février 1953, une grande tempête a éclaté et de grandes vagues ont pénétré à l'intérieur de la Zélande (province maritime du sud-ouest des Pays Bas) plus d'un millier de personnes riches et pauvres ont péri noyés, les hollandais se sont jurés que cela n'arriverait plus jamais et l'Etat a construit un système de digues, de barrages et d'écluses très coûteux pour prévenir de telles catastrophes.
Grâce à ces terres, ce pays petit en superficie de 17 millions d'habitants est le 2eme pays exportateur de produits agricoles dans le monde et l'un des pays les plus innovants dans le monde dans le domaine agricole.
2. La république de Nauru, un Etat minuscule de 21 km2 et de 10000 habitants successivement colonisée par l'Allemagne, puis l'Australie, Nauru a connu une prospérité sans précédent. La petite île, située dans le pacifique au large de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, e eu en effet un développement très important grâce à l'exploitation et l'exportation du phosphate. Pendant 30 ans, de 1968 à 1998, la richesse a touché toute la population et transformé la vie des habitants. Une période faste avec l'envol du cours du phosphate. En1974, les caisses du pays sont pleines et le PIB par habitant et a été le 2e au monde. Cependant, dès les années 1990, l'épuisement des réserves minières, une mauvaise gestion des finances publiques et la dégradation de la santé publique caractérisée par l'apparition de maladies liées à une mauvaise hygiène de vie entraînent une paupérisation de la population et du pays en général, aboutissant à une faillite nationale. La surexploitation du phosphate sur l'île a dégradé l'environnement : 80% de la surface du territoire a été creusée et la déforestation a tué des espèces entières d'oiseaux. Nauru passe d'une ile paradisiaque àsa découverte, à un paradis fiscal après la fin des phosphates et la gestion désastreuse de cette richesse pour aboutir actuellement à une île complètement dévastée où la vie y est compromise. Paradoxalement ce petit pays est le premier pays au monde ayant terminé la vaccination de toute sa population contre le covid 19.
Faisant le parallèle avec la situation en Tunisie et sans tomber dans le catastrophisme et la propagation des thèses apocalyptiques mystiques ou idéologiques, il est vrai que depuis plus d'un an notre pays souffre d'une crise sanitaire sans précédent mais depuis déjà dix années ce pays coule et s'effondre même, sans pour autant avoir connu ni guerre, ni catastrophe naturelle. Beaucoup de choses ont changé mais l'essentiel reste à faire et on assiste actuellement à une crise politique jamais vécue et qui compromet les fondements de l'Etat, nous payons le prix de choix désastreux et d'une inertie faute de leadership politique, les causes sont multiples:
• Un système politique et une loi électorale ont amené une classe politique qui paralyse le fonctionnement de l'Etat
• Des partis politiques peu matures, focalisés sur les discours de dénigrement, de discorde et la stratégie de positionnement et de survie dictés par les échéances électorales.
• Un Etat qui n'arrive pas à asseoir son autorité et à appliquer la loi
• Un corporatisme et un individualisme qui bloquent toutes les réformes et les changements impératifs dans un monde qui se transforme à grande vitesse
• Des classes dominantes qui s'opposent aux changements qui risquent de toucher leur mainmisesur les richesses du pays, économie de rente, contrebande, fraude fiscale...
• Un pouvoir encore trop centralisé, un frein majeur au développement des régions qui ne manquent pas d'idées et de ressources mais n'ont pas encore l'outil décisionnel.
En l'absence d'une prise de conscience collective urgente, le "bateau Tunisie" va couler et emporter tout le monde. Faut-il plus d'une crise voire un effondrement pour en être conscient ?Le citoyen en a assez :
• Des grèves illimitées qui touchent des secteurs stratégiques, prennent le pays en otage et empoisonnent la vie des gens (phosphates, énergie, recettes de finances, magistrats, agents municipaux, santé, transport…)
• Des interprétations sans fin de la constitution sensée guider et faciliter le fonctionnement de l'Etat et non pas le bloquer
• Du climat de doute etde méfiance envers nos élites paralysant les bonnes volontés et bloquant les décisions audacieuses nécessaires (sous prétexte de lutte contre la corruption, de conflits d'intérêts…)
Une sortie de crise à travers un dialogue sincère est pour le moment une obligation de survie pour le pays. Il faut en finir avecles discours extrémistes, alarmistes ou trop rassurants, les bonnes intentions ne suffisent pas pour réformer, besoin de pragmatisme et d'actions.
Ces dix années de transition, certes longues, sont peut-être un passage obligé pour la Tunisie, un pays précurseur dans les changements et le modernisme (rappelant dans le monde arabo musulman : 1ère constitution, 1er pays ayant aboli l'esclavage, 1er pays ayant donné leurs droits aux femmes...)et par comparaison à d'autres pays similaires,espérons que l'histoire nous apprendra que la Tunisie a peut-être le tort d'avoir eu raison un peu tôt comme à l'accoutumée.
La Tunisie est un carrefour de potentiels et d'opportunités riche en talents, et c'est ce qui nous laisse optimistes en espérant voir des compétences dans les postes de décisions.
Le chemin est certes très long, le citoyen s'impatiente, a besoin de voir le bout du tunnel et reprendre confiance.
Et pour les nostalgiques du bon vieux temps, conformistes, islamistes, bourguibistes, benalistes …qu'ils se mettent à l'esprit:
Que le monde a changé et a commencé une grande réinitialisation, qu'il y a une ère avant Covidet une ère postCovid,
Que la Tunisie d'aujourd'hui n'est plus la même, le modèle du pouvoir paternaliste, de l'Etat providence, du dirigisme étatique …est révolu. Le modèle économique doit être repensé pour plus d'équité sociale, moins de disparités régionales avec une forte intégration technologique.
Que les réformes sont impérativeset urgentes à entamer dans un monde globalisé qui sera marquédans les vingt années à venir par des tensions sociales, par l'impact du réchauffement climatique, et les avancées technologiques avec leurs bienfaits mais aussi leurs dérives.
Dr Abdeljalil Gdoura
Président Beitelkhibra, un think tank de développement régional
Président de la Plateforme Régionale de Dialogue Public-Privé (programme IRADA)


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