A l'arrachée, mais sans surprise, Me Brahim Bouderbala, 70 ans, ancien bâtonnier des avocats (2019 – 2022) a été élu président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Il l'a emporté au deuxième tour face à Abdessalem Dahmani, par 83 voix contre 67. Anouar Marzouki (72 voix) et Sawssen Mabrouk (87 voix) ont été élus vice-président. Le nouveau président de l'ARP avait été désigné par le chef de l'Etat, le 19 mai dernier, en sa qualité de bâtonnier, en tant que président de la commission consultative des affaires économiques et sociales, au sein de l'Instance nationale consultative pour une nouvelle République. En accédant au perchoir, Me Bouderbala n'ignore rien de la mission titanesque qui sera la sienne à la présidence au perchoir, dans les circonstances actuelles, particulièrement sensibles. La première épreuve sera sans doute l'élaboration du règlement intérieur de l'ARP et de rallier en sa faveur une large majorité. Les points de divergence risquent en effet d'être nombreux et significatifs. Il en ira de même pour la compositions des commissions permanentes et l'examen de nombreuses questions qui s'inscriront à l'ordre du jour. Face à une ARP bigarrée, composée d'élus dans un scrutin uninominal et non de listes, il aura la redoutable tâche de fédérer les députés en tant que députés de la Nation. Il lui appartiendra de forger les relations avec l'exécutif dans l'esprit de la nouvelle constitution du 25 juillet 2022.
Qui est Me Bouderbala Des oasis d'El Hamma, à 50 km de Gabès, dont sa famille est originaire, Me Bouderbala a hérité des valeurs gravées dans l'âme, des images restées toujours en tête: patriotisme, droiture, sens de la parole donnée, souvenirs de palmiers dattiers et de modestes cultivateurs s'échinant à produire des légumes…Son père, comme la plupart des hommes de sa génération, montera à Tunis à la recherche d'un emploi. Il installera sa famille, forte de 7 enfants, à Beb El Fellah, dans les proches faubourgs de la capitale. Brahim est le benjamin de la fratrie. La nécessité de se loger près du lieu de travail poussera le père à déménager à Chouchet Radès, à l'entrée sud de Tunis, alors peu habitée et ne comptant que quelques fermes d'Italiens et de Français. Le petit Brahim fréquentera l'école du coin, avant d'être inscrit à celle de Mégrine. Admis à l'enseignement secondaire, il ira au Lycée Ibn Charaf, non loin du Palais de Justice. Bac en poche en 1972, une année très agitée en manifestations lycéennes et estudiantines, il choisira de faire droit et se retrouvera dès la rentée au Campus d'El Manar en pleine ébullition. Laboratoire d'idées progressistes, couvoir de l'islam politique, champ de bataille entre les factions de tous bords, c'était le lieu par excellence d'apprentissage, en plus du droit, de l'économie, des sciences ou de l'ingénierie (Enit), de l'action syndicale et politique. La plupart des grands acteurs du paysage politique actuel y avaient fait leurs premières armes à cette époque, et mené leurs gestes, parfois violente. De Hamma Hammami déjà avec Radhia Nasraoui à Abdelfettah Mourou, Hassen Ghodhbane, Mohsen Marzouk, Lazhar Akremi, Abid Briki, Abdelkerim Harouni, Abdelwaheb El Béhi, et autres Noureddine Behiri, sans oublier les destouriens… Studieux, Brahim Bouderbala ne tardera pas à décrocher en 1976 sa licence en droit et son certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA) et il ne lui restait plus qu'à trouver un stage au cabinet d'un confrère affirmé. Sa bonne étoile le mettra sur la piste de Me Sadok Marzouk, avocat près la Cour de cassation. Tout en mettant le pied à l'étrier, il rejoindra en 1979 l'association des jeunes avocats de Tunisie, la pépinière des futurs ténors de l'Ordre, en sera élu secrétaire général, puis président en 1983. Dès 1987, il fera partie du Conseil de l'ordre des avocats (réélu en 1989). Avec la nouvelle loi de 1989, portant nouvelle organisation de l'Ordre et la création de sections régionales, il sera élu en 1992 à la tête de la section de Tunis, la plus importante. Le 7 juillet 2019, Me Bouderbala sera élu bâtonnier des avocats, pour un mandat triennal (2019 – 2022), l'emportant au second tour contre son compétiteur de longues années déjà, Me Boubaker Ben Thabet, par 1 281 suffrages contre 1 210. Lire aussi Me Brahim Bouderbala: Le bâtonnier de la ligne professionnelle indépendante