Suite au non-lieu prononcé dans l'affaire de l'assassinat de Lotfi Naguedh, le mouvement de Nidaa Tounes a publié un communiqué – signé par son directeur exécutif et représentant légal, Hafedh Caïd Essebsi – où il a exprimé sa position quant au verdict et appelé son ancien rival et actuel allié, en l'occurrence le mouvement d'Ennahdha, à clarifier sa position vis-à-vis des Ligues de protection de la révolution (LPR). Estimant que ces mêmes Ligues ont repris leurs activités et ce en dépit de leur dissolution, en mai 2014, Nidaa Tounes a attiré l'attention sur l'historique violent de ces groupements qui sont en train de reprendre vie. Réagissant à ce texte, le président du bloc parlementaire du mouvement d'Ennahdha, Nourredine Bhiri, a expliqué que les LPR sont aujourd'hui inexistantes, que son mouvement s'est déjà prononcé sur le sujet auparavant et qu'il est inutile aujourd'hui de relancer un débat pareil. Pour Bhiri, Ennahdha n'a pas choisi de cohabiter temporairement avec Nidaa Tounes, mais qu'il a plutôt mis ce choix comme une vraie stratégie politique qui survient dans le but de servir les intérêts suprêmes du pays. Autre son de cloche de la part du député du même mouvement, Mohamed Ben Salem qui a lancé sur un ton ironique : « ils veulent suspendre la cohabitation ? Qu'ils le fassent, on leur donne notre bénédiction ! De toute manière, nous n'avons pas accepté cette coalition pour les beaux yeux de Nidaa Tounes mais pour ceux de la Tunisie ! » Le lendemain de la publication du communiqué et des déclarations peu diplomatiques, une gêne assez prononcée s'est fait ressentie chez la plupart de ceux que nous avons contactés. Du côté de Nidaa Tounes, nos interlocuteurs ont été assez évasifs quant à la réunion qui devait se tenir vingt-quatre heures après la publication du communiqué : certains nous ont affirmé que cette même réunion a eu lieu, mais sans la présence de Hafedh Caïd Essebsi, tandis que d'autres ont déclaré qu'ils n'ont jamais été informés de la rencontre. Dans une déclaration accordée au Temps, l'ancien directeur du Comité politique de Nidaa Tounes, Ridha Belhadj, a qualifié le communiqué signé par Caïd Essebsi junior de « communiqué de consommation destiné uniquement à absorber la colère provoquée par l'annonce du verdict ». Pour l'ex directeur du cabinet présidentiel, la menace formulée dans le document – relative à la révision de l'alliance avec Ennahdha – ne veut absolument rien dire dans la circonstance actuelle où un gouvernement d'union nationale a été formé tout récemment. Interrogé sur la tenue de la réunion annoncée dans le même communiqué, Belhadj a assuré qu'aucune partie n'a été convoquée à une telle rencontre. De son côté, le président du bloc parlementaire de Nidaa Tounes, Sofiene Toubel, nous a indiqué que les dirigeants du mouvement ont préféré reporter leur rencontre avec le président de la République le temps que le bloc parlementaire et le comité politique arrivent à prendre une position unifiée quant à la continuité de l'alliance avec Ennahdha. Selon quelques bruits de couloir, la réunion du bloc qui s'est déroulée hier à l'ARP, a connu plusieurs tensions surtout après que les députés aient appris que Caïd Essebsi junior s'est absenté de la même rencontre pour aller au palais présidentiel pour un entretien privé avec le chef de l'Etat. Du côté d'Ennahdha, les tentatives ont été encore plus vaines puisque personne n'a voulu rebondir sur la situation. Les quelques contacts que nous avons fait nous ont juste donné l'impression que les dirigeants islamistes tentent de calmer les esprits et d'éviter une éventuelle accentuation des tensions. Annoncée au lendemain des élections de 2014, cette cohabitation a été présentée, de part et d'autres, comme ultime rempart contre la potentialité d'une crise politique qui aurait été provoquée par le résultat de ces mêmes élections. Après avoir mené une campagne électorale basée sur l'échec de la Troïka en général et celui d'Ennahdha en particulier, Nidaa Tounes avait utilisé tous les arguments afin de promouvoir son alliance avec Ennahdha avant de sombrer lui-même dans des clivages internes qui n'ont toujours pas cessé. De son côté, Ennahdha a rencontré le même problème avec ses bases après qu'il ait convaincu, depuis la fondation du Nidaa en 2012, que Béji Caïd Essebsi et son parti étaient les pires ennemis du pays, de la révolution et de la démocratie. Ces campagnes de dénigrement acharnés ont amené plusieurs à qualifier l'alliance de sophistiquée, fausse, voire, contre-nature. Le temps a donné raison à ceux qui se sont opposés à cette douce cohabitation qui, au final, tremble à chaque incident et à chaque rappel d'un douloureux épisode comme celui de l'assassinat de feu Lotfi Naguedh.