Depuis sa fondation, Nidaa Tounes a été la cible d'une multitude de campagnes de diffamation et de dénigrement de la part des sympathisants et des militants nahdhaouis. Et jusqu'à la veille des élections de 2014, les dirigeants de Nidaa Tounes disaient et répétaient qu'il n'y aurait jamais d'alliance avec le mouvement islamiste. Pas d'alliance mais une « cohabitation pacifique », c'est ainsi que la participation d'Ennahdha au sein du gouvernement d'Habib Essid nous a été présentée. Une cohabitation qui éviterait au pays de subir une division et d'endurer des blocages politiques: un luxe que nous ne pouvons nous offrir. Quelques mois plus tard, la cohabitation entre les deux premiers partis du pays a connu quelques coups durs: entre la protestation d'Ennahdha contre la politique employée par le ministère des Affaires religieuses – relative essentiellement à la gestion des mosquées – et le mécontentement de quelques dirigeants nahdhaouis face aux fraîches nominations – dont, entre autres, celles effectuées dans le corps des gouverneurs et des délégués régionaux – la cohabition semble prendre un coup dur. Et c'est là qu'interviennent, comme on aime les appeler, les deux ‘cheikhs' : Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi. Depuis son siège de Carthage, le chef de l'Etat supervise tout ce qui passe et coordonne avec tout le monde. Mais son vis-à-vis principal reste le chef du mouvement islamiste. En effet, et comme chaque problème a sa solution, il suffit que les deux ‘cheikhs' se rencontrent pour qu'ils tombent d'accord et mettre aux conflits. De la rencontre historique de Paris aux dernières entrevues de Carthage, tout semble aller pour le mieux entre les deux hommes. Une mise en scène qui nous rappelle celle du théâtre à l'époque où l'on plaçait des personnes derrière le rideau pour qu'elles soufflent leurs textes aux acteurs. On les appelait les souffleurs. De l'autre côté de la rive, et quand il s'agit des problèmes internes de Nidaa Tounes, Béji Caïd Essebsi fait confiance à un autre vis-à-vis: son fils. Quand Béji Caid Essebsi était encore à la présidence de son mouvement, il avait nommé son fils à la tête de la commission du développement des structures organisationnelles et procédurales du mouvement. Bien qu'à l'époque, les divergences au sein du Nidaa ne sortaient pas, la révolte de quelques dirigeants quant à cette nomination s'est faite entendre. Quelques mois plus tard, Caïd Essebsi junior a été nommé à la tête de la liste électorale législative de Tunis 1 et là encore les dirigeants ne s'étaient pas tus et HCE a fini par être évincé de ladite liste. Lors de l'une de ses nombreuses interviews d'avant les élections, Caïd Essebsi avait assuré quant à la compétence de son fils tout en expliquant qu'il ne pouvait pas être écarté rien que parce qu'il est le fils du cgef. Aujourd'hui, les objectifs au sein de Nidaa Tounes ont changé et tous les regards sont fixés sur les postes de direction. À l'approche de la date du premier congrès national du mouvement, deux clans s'y sont formés opposant ainsi Hafedh Caïd Essebsi à Mohsen Marzouk. Aux premiers mois du déclenchement de cette bataille, la présidence de la République n'a pris aucune position claire. Mais, à quelques mois du congrès, le cabinet présidentiel s'est finalement décidé à prendre parti. La présence et les déclarations de Ridha Belhadj à la réunion de Djerba ont fini par afficher la position définitive de la présidence. Les adhérents de l'autre clan s'en sont plaints et ont réclamé à la présidence de prendre, publiquement, ses distances face à cette affaire mais rien n'en a été fait. Au vu des solides relations qui lient Béji Caïd Essebsi à Ridha Belhadj, les prises de position de ce dernier impliqueraient, d'une façon ou d'une autre, le président de la République.