Le dialogue de sourds se poursuit entre le gouvernement et l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) au sujet du versement des augmentations salariales au titre de l'année 2017. Dans son discours prononcé à l'occasion du démarrage de la discussion de la loi des finances à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), le Chef du gouvernement, Youssef Chahed, a laissé entendre que l'exécutif a bel et bien choisi contre vents et marées de reporter le versement des majorations salariales dans le secteur public. «Il n'y aura pas d'augmentation salariale tant qu'il n'y a pas de croissance économique », a-t-il martelé, rappelant que la dette publique a atteint des degrés alarmants, ce qui oblige la loi de Finances à imposer des mesures courageuses qui répartie les sacrifices sur tous les Tunisiens. Il a également précisé que son gouvernement est le seul, depuis la révolution, à prendre des mesures «difficiles et audacieuses» afin de sortir le pays de l'ornière, indiquant que la révision de l'échelle d'impôt sur les revenus des personnes physiques va permettre d'augmenter automatiquement les salaires de la majorité des salariés dans les secteurs public et privé. Le gouvernement semble ainsi jouer son-va tout en vue de remettre les finances public à flot. Mais de l'autre côté de la barricade, une démarche jusqu'au-boutiste a été aussi retenue. Le Bureau exécutif de l'UGTT a réaffirmé, dans un communiqué publié le week-end, son refus catégorique de la décision relative au report du versement des majorations salariales, estimant que cette décision est un coup porté au dialogue social et à la crédibilité des partenaires sociaux ainsi qu'un désengagement à l'égard du document de Carthage. L'UGTT a également appelé le gouvernement à se conformer aux conventions par respect aux négociations et normes internationales et afin de préserver la stabilité du pays, tout en notant que la révision de l'échelle de l'impôt sur les revenus est une mesure à part qui ne peut aucunement se substituer aux majorations salariales. Sauf accord de dernière minute, la réunion de la commission administrative de l'UGTT prévue ce jeudi devrait décréter une grève générale dans la fonction publique, selon des sources proches de la direction de la centrale syndicale. Calculs électoraux Pour rappel, le gouvernement avait initialement demandé à l'UGTT de reporter, pour au moins deux ans, les augmentations salariales au titre de l'année 2017 en raison de la mauvaise situation des finances publiques et des exigences des bailleurs de fonds relatives à la réduction de la masse salariale dans le secteur public. L'exécutif a cependant avancé la semaine écoulée une nouvelle proposition préconisant le report du versement des majorations salariales au mois de novembre 2017, qui a été rapidement rejetée par l'organisation ouvrière. D'après plusieurs observateurs, l'inflexibilité de l'UGTT s'explique essentiellement par les calculs électoralistes animant plusieurs responsables syndicaux à quelques semaines du congrès de l'organisation. Le 23ème congrès de l'UGTT prévu du 22 au 25 janvier 2017 à Tunis sera en effet marqué par une succession à la tête de l'organisation. L'actuel secrétaire général n'ayant plus le droit, tout comme deux autres membres du Bureau exécutif national (Belgacem Ayari et Mouldi Jendoubi), de briguer un nouveau mandat conformément à l'article 10 du règlement intérieur, qui limite le nombre des mandats successifs des membres du Bureau exécutif à deux seulement. Cet article adopté lors du congrès extraordinaire de Jerba (février 2002), dans le sillage d'un tournant démocratique censé rompre avec les pratiques monocratiques de l'ère de l'ancien secrétaire général Ismaïl Sahbani, avait été déjà appliqué lors du congrès de Tabarka, quand neuf membres du Bureau exécutif dont l'ex secrétaire générale Abdessalem Jerad avaient été contraints de passer le flambeau à une nouvelle génération de syndicaliste. La succession de Houcine Abbassi suscite déjà les convoitises à la Place Mohamed Ali. Plusieurs prétendants au poste de secrétaire générale se sont en effet lancés depuis plusieurs mois dans des campagnes électorales avant l'heure. Certains ont choisi de se placer sous les feux de la rampe médiatique en intensifiant leur présence sur les plateaux de télévision et les ondes de stations radio tandis que d'autres ont misé sur un syndicalisme combatif en actionnant le levier des grèves et des rassemblements de protestation pour tenter de gagner la sympathie des bases et se mettre ainsi sur orbite. Le dossier des augmentations salariales dans le secteur public constitue une véritable patate chaude refilée par l'ancien Chef du gouvernement Habib Essid à son successeur. L'ancien locataire du Palais de la Kasbah avait en effet commis l'imprudence de conclure un accord prévoyant des majorations salariales dans la fonction publique avec l'UGTT en 2015 et de s'engager auprès des bailleurs de fonds internationaux, Fonds monétaire international (FMI) et Banque mondiale en tête, à réduire la masse salariale dans le secteur public en contrepartie d'un prêt destiné à renflouer les caisses de l'Etat ! La confrontation aura-t-elle lieu ? Négatif, car tant qu'il y a négociation, il y a espoir. Aux dernières nouvelles le gouvernement va avancer une nouvelle proposition dans les prochains jours.` Walid KHEFIFI * Négociations UGTT- Gouvernement : Une nouvelle proposition en gestation Le ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, Abid Briki, a indiqué, hier, que le gouvernement soumettra, dans le cadre des négociations sociales menées avec l'Union générale tunisienne du Travail (UGTT), une nouvelle proposition dans les prochains jours dans l'espoir de parvenir à un accord. Le ministre s'exprimait, dans une déclaration de presse, en marge de la séance inaugurale de la Conférence nationale sur la stratégie de développement des entreprises et établissements et public, organisée, à Gammarth, sous la présidence du chef du gouvernement, Youssef Chahed.