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«Le nettoyage culturel», la nouvelle guerre
Publié dans Le Temps le 01 - 04 - 2017

Conseiller spécial auprès du directeur du Centre international d'études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM), l'Algérien Mounir Bouchenaki vient de publier, à Paris, «Patrimoines mutilés, ces trésors de l'Humanité défigurés par la folie des hommes». Il y détaille les atteintes aux biens culturels dans les pays qui connaissent ou qui ont connu des conflits comme la Bosnie, la Croatie, le Cambodge, l'Irak, le Liban, la Syrie et le Yémen.
Un char d'assaut devant
le Musée de Baghdad.
Après l'intervention militaire américaine en Irak, en 2003, le patrimoine culturel a été le premier ciblé. Mounir Bouchenaki a eu beaucoup de difficultés pour avoir les autorisations pour se déplacer vers ce berceau des civilisations. Il a rappelé que l'envahissement US de l'Irak n'était pas autorisé par l'ONU. «Le 8 avril 2008, j'ai vu à la télévision que les gens sortaient du Musée national de Baghdad avec des objets. Le lendemain, je suis allé voir le DG pour lui dire de faire quelque chose. J'ai réuni les experts dont des Irakiens de la diaspora à Paris. Nous avons lancé un appel d'alerte. Je suis parti ensuite à Baghdad. C'était une aventure incroyable, mais j'ai réussi. J'ai pris avec moi le directeur du British Museum, le directeur de Massachusetts Institute of arts, le directeur du centre italo irakien et le chef de la mission archéologique japonaise. C'est-à-dire les représentants des pays qui étaient dans la coalition avec les Etats-Unis en Irak.
Les Allemands et les Français avaient protesté», a-t-il détaillé. « Nous sommes arrivés à Baghdad le 15 mai 2003 avec beaucoup de difficultés. Nous avons trouvé un char d'assaut américain devant le Musée», a-t-il ajouté. L'Irak était, à l'époque, placé sous l'administration du diplomate américain Paul Bremer, assisté de Piero Cordone, ancien ambassadeur d'Italie au Yémen. «Cordone était étonné qu'on débarque en Irak. Je lui ai parlé en italien et je lui ai cité les noms de mes enseignants en Italie. Le ton a complètement changé. Il a parlé à un colonel américain pour nous accompagner au Musée où nous avons rencontré le Dr Maher, directeur général des antiquités en Irak et Mme Moutwali, directrice du Musée, qui était désespérée. Je devais avoir un contact permanent avec le service de sécurité des Nations unies. Le représentant de l'ONU Sergio De Mello a été tué trois mois après», a souligné l'expert.
Il a constaté que la bibliothèque de Baghdad a été entièrement brûlée. En juillet 2003, il revenait avec un représentant d'Interpol après avoir découvert que des œuvres d'arts avaient été pillés et que des fouilles sauvages étaient organisées dans les sites archéologiques. Dernièrement, M. Bouchenaki a visité Mossoul et Ninawa où des destructions ont touché la Mosquée du prophète Younes, Marqad Al Askari à Samar'a et les cités antiques de Nimrud et d'El Hadhr (Hatra). En mars 2015, les terroristes de Daech, qui se sont spécialisés dans la destruction et le pillage du patrimoine culturel et civilisationnel dans les pays arabes, ont attaqué au bulldozer les vestiges de la cité assyrienne de Nimrud, au nord de l'Irak. L'attaque a été perpétrée une semaine seulement après le saccage des statuts du Musée de Mossoul. Il y a 3000 ans, Nimrud, situé sur les rives du Tigre au sud de Mossoul, était la capitale de l'Empire assyrien qui s'étendait de l'Egypte actuelle à l'Iran. Une partie du patrimoine de Nimrud a été détournée par le colonialisme britannique.
Les ‘‘Taureaux ailés'', par exemple, se trouvent actuellement au British Museum. Avant d'entamer la démolition à Nimrud, les membres de Daech ont pillé des objets de valeur qui, selon des médias russes, se sont retrouvés dans le marché noir de l'art en...Europe. Ces objets datent de plus de treize siècles. M. Bouchenaki a rappelé que le Conseil de sécurité a adopté une résolution sur la contrebande des objets d'antiquités, en Syrie et en Irak, considérée comme une forme de financement des groupes terroristes.
«Drame culturel» en Syrie
«Il y a un véritable drame culturel en Syrie. Ce qui se passe dans ce pays est très grave», a souligné Mounir Bouchenaki. Il a rappelé qu'Alep, l'une des plus anciennes villes du monde, est classée dans la liste du patrimoine de l'Unesco. «Alep était parmi les plus belles villes du Moyen Orient. Il ne reste plus rien ! La grande mosquée, la Qala'a, l'ancienne cité ont été détruites», a-t-il regretté. En mai 2016, l'archéologue s'est déplacé à Palmyre avec un officier de l'armée russe. «J'ai rencontré le directeur général du patrimoine et des Musées de Syrie, Maamoun Abdelkarim. Nous avons constaté les dégâts à l'intérieur du Musée de Palmyre. Mais le site a été repris par les autorités», a-t-il noté. Le Musée a été transformé en prison par Daech qui, en octobre 2015, s'est attaqué à la cité antique de Palmyre, cinq mois après l'avoir occupé. Dans l'indifférence générale, les terroristes ont exécuté trois personnes en faisant exploser des colonnes de Palmyre auxquelles ils les avaient attachées.
Auparavant, Daech a réduit en poussière l'Arc de Triomphe, les tours funéraires d'Atenatan, de Jamblique et d'Elahbel (uniques au monde) et les temples de Bêl et Baalshamin de la cité antique. Baalshamin était considérée comme le Dieu de la pluie et de la fertilité phénicien, assimilé à Zeus de l'époque gréco-romaine. Bêl était le dieu de l'oasis. Ne reculant devant rien, les adeptes d'El Baghdadi ont exécuté une vingtaine de soldats syriens dans l'amphithéâtre de Palmyre avant de décapiter Khaled Al Assaad, 82 ans, le chef des antiquités de Palmyre. La volonté d'effacer la mémoire culturelle de la Syrie est donc bel et bien inscrite dans «le plan d'action» de Daech qui a détruit également le monastère syriaque catholique de Saint Elian à Al Qaryataine, situé au centre de la Syrie. Le monastère date de plus de cinq siècles. En tout, plus de 300 sites et monuments culturels ont été endommagés par Daech en Syrie et en Irak ces dernières années.
Des pillages au Mali et en Libye
«En 2012, le comité du patrimoine de l'Unesco était en réunion à Saint Pétersbourg en Russie. Nous avons alors appris que Ansar Eddine était en train de détruire les mausolées et de brûler les manuscrits à Tombouctou. Des manuscrits ont été volés. Le comité a fait alors un appel international pour classer Tombouctou sur la liste du patrimoine mondial en péril», s'est rappelé Mounir Bouchenaki. Le Centre international de la construction en terre (CraTerre) de Grenoble (France) a aidé l'Unesco à reconstruire ce qui a été détruit dans la ville malienne dont le fameux Centre Baba Ahmed. Le chaos en Libye a également été mis à profit par des bandes organisées pour piller les objets d'antiquité. «La Libye recèle le plus grand nombre de sites archéologiques romains et grecs dans la région méditerranéenne. Certaines gens de la région sont en train d'utiliser d'anciennes pierres pour construire.
Les groupes terroristes, eux, sont arrivés dans l'extrême sud de la Libye où ils ont dégradé des vestiges avec de la peinture noire. Il s'agit d'un patrimoine préhistorique. Je ne comprends pas cette logique de destruction», a soutenu l'expert de l'Unesco. «J'ai travaillé sur le projet des anciennes civilisations dans les vallées en Libye. Nous avons publié deux volumes sur l'agriculture dans les anciens temps en Libye où l'on cultivait les olives et les céréales. Aujourd'hui, ces terres sont devenues désertiques», a-t-il souligné. Il a évoqué aussi l'attaque terroriste contre le Musée du Bardo à Tunis.
Le barrage de Marib ciblé au Yémen
Il a regretté l'attaque contre le barrage de Marib au Yémen. Ce barrage, construit vers 700 ans avant Jésus Christ, est cité dans Sourate Saba'a dans le Coran. Il est considéré comme le plus ancien barrage hydraulique du monde. Vers 570, le barrage s'était rompu détruisant les systèmes d'irrigation entraînant l'effondrement du Royaume de Himyar qui était un puissant rival des Royaumes de Hadramaout et de Saba'a. «Le barrage de Marib a été attaqué alors qu'il n'a aucune importance stratégique ou militaire. Même le centre-ville de Sana'a, qui est portée sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco, a été ciblé. Autant que la ville de Taiz», a noté Mounir Bouchenaki.


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