Six ans après le 14 janvier 2011, la Tunisie continue, certes, à faire figure d'unique pays arabe rescapé de ce qu'on appelait, à l'époque, le « Printemps arabe » dans le sens où il a résisté à tous les vents pouvant l'entraîner dans le tourbillon des violences, voire carrément les guerres civiles et les conflits armés internationalisés à l'instar de ce qui se passe encore en Libye, en Syrie et au Yémen. Mais la situation économique et sociale n'a pas suivi et notre pays se trouve, désormais, à la croisée des chemins avec des menaces, lourdes, sur l'avenir du pays qui risque de connaitre une période de tempêtes et d'orages dont l'issue est des plus incertaines dans la mesure où nos dirigeants semblent naviguer à vue. Il faut dire que le gouvernement d'union nationale s'active à faire bouger les choses en multipliant les efforts pour sortir du bourbier. Force est de reconnaître, en effet, que le marasme dans lequel se débat la Tunisie n'est certainement pas le fruit d'aujourd'hui ou d'hier, mais bel et bien d'une accumulation des politiques suivies depuis plusieurs années et de malheureuses décisions et autres orientations prises ces dernières années. Il n'en demeure pas moins que les choses étant ce qu'elles sont, le gouvernement de Youssef Chahed, du moment qu'il a accepté de s'installer au Palais de La Kasbah, est appelé à relever le défi et remédier, un tant soit peu à une situation délicate tout en disant la vérité au peuple qui doit être sensibilisé aux difficultés qui l'attendent. La Tunisie est appelée, effectivement à redresser la barre en suivant toute une chaîne, à savoir la réalisation du développement régional et la création urgente de postes d'emploi, ce qui exige, l'amélioration de la croissance qui nécessite, à son tour, la hausse de la production et de la productivité qui ne peuvent être réalisées sans une certaine stabilité sociale et aussi la sécurité. Sans oublier la nécessité de réduire considérablement la masse salariale et les effectifs dans la Fonction publique, le retour au travail, la création des richesses, etc. On peut aller plus loin dans l'énumération de la liste des causes à effets, tellement les faits sont liés et imbriqués, ce qui nécessite des réformes profondes et douloureuses. Autrement dit, la tenue d'un discours clair et transparent devant le peuple afin que tout un chacun sache l'ampleur des difficultés à endurer et, éventuellement, le poids des sacrifices à consentir par tous. Toujours est-il que dans l'état actuel des choses, le pays, déjà avec un taux d'endettement surélevé, est obligé de s'endetter davantage pour pouvoir continuer à survivre . Or, avec une notation rabaissée, les bailleurs de fonds sont plus réticents que jamais à prêter à notre pays et les sorties sur le marché international ont leur prix. Résultat : il ne nous reste plus que le Fonds monétaire international (FMI) qui, à son tour, ne veut plus « jeter son argent par la fenêtre » et exige la mise en place de réelles réformes. Le FMI ne veut plus entendre des paroles mais tient à voir des faits concrets. C'est donc dans cette conjoncture que s'inscrit la visite entamée par une délégation du FMI afin d'évaluer le degré d'efficacité des réformes censées être engagées. Et on attend avec impatiences le verdict des experts de cette instance financière internationale, car c'est de cette sentence que dépend le déblocage de la deuxième et troisième tranches du prêt convenu antérieurement et estimées à 700 millions de dollars, soit l'équivalent de plus d'un milliard et demi de dinars tunisiens. On préfère ne pas imaginer ce qu'il adviendra des caisses de l'Etat, à court terme, en cas de non paiement de cette somme ! Cette équipe communiquera ses "conclusions au terme" de sa mission de 10 jours, selon le porte-parole du FMI, Gerry Rice. L'avenir de la Tunisie est ainsi tributaire du lancement de ces réformes, dont tout le monde juge du caractère impérieux, mais qui tardent à être mises en route. Les « premières impressions sont bonnes », « l'élève Tunisie fait des efforts » dit-on du côté du Fonds, mais... En effet Youssef Chahed avait annoncé, fin février dernier, le démarrage de quatre principales réformes en cette année 2017. Elles portent sur le financement de l'économie, la modernisation de la fonction publique, la réforme des entreprises publiques, et celle des caisses sociales. En attendant, au quotidien, les données actuelles ne prêtent pas à l'optimisme. Et même si l'Institut national des statistiques (INS) publie des chiffres qu'il veut faire paraître comme étant positifs. En effet, faut-il donner du crédit aux chiffres officiels constituant du taux d'inflation, tels que délivrés au public par l'INS? Ils seraient largement édulcorés et ne reflèteraient pas la réalité des prix, invariablement présentés dans la fourchette des 4%, avec quelques décimales de plus ou de moins, selon les mois. On a même eu droit à un taux de 3%, l'année dernière, du temps du gouvernement d'Habib Essid, alors qu'en réalité, on serait très loin de ces taux, et l'inflation réelle se situerait au-dessus de 10, voire de 11% du PIB, en Tunisie, affirment des experts crédibles qui expliquent cette spirale par la dégradation de la situation économique, alors que les statistiques officielles font état d'un taux d'inflation de 4,6%, en février et de 4,2% pour l'ensemble de l'année 2016. A mentionner que cette inflation a des répercussions directes sur le pouvoir d'achat du citoyen, et aussi sur le taux d'épargne nationale, lequel est passé de 22% en 2010, à 11% en 2016. « Cette chute du taux d'épargne se répercute, à son tour et directement, sur les ressources propres de l'Etat, nécessaires pour le financement de l'investissement, d'où le recours du gouvernement à l'endettement », soulignent les mêmes experts, rappelant que le taux d'endettement est passé de 43% en 2010, à 63% en 2016. On se retrouve, ainsi, dans une spirale dans le sens où l'inflation affecte, également, la compétitivité des entreprises que ce soit à l'échelle nationale ou internationale, et ce, en raison de la hausse du coût de la production Autre retombée de taille est cette hausse exorbitante des prix des produits de consommation, ce qui devrait inciter les autorités officielles concernées à intervenir, en urgence, et à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à ce phénomène. En tout état de cause, l'état des lieux ne se présente pas sous les meilleurs auspices possibles, une action ferme et énergique devant être entreprise afin de faire sortir le pays de l'impasse et redonner une lueur d'espoir au peuple qui ne pourra, sûrement, pas attendre longtemps pour voir, enfin, le bout du tunnel.