Depuis que l'islamisme politique est apparu sous forme d'un parti début des années 70 du siècle dernier, la question identitaire est devenue le pain quotidien des Tunisiennes et des Tunisiens avec des aspects conflictuels frisant l'agressivité et la haine de l'autre ! Pour les uns, ce pays n'a de vocation que d'être « islamiste » avec une ascendance de la « Chariaâ » sur le droit positif, beaucoup plus nuancé par une culture différenciée qui remonte à la Constitution de Carthage 500 ans avant Jésus Christ. Pour les autres, ce pays a toujours été celui de la tolérance religieuse depuis que la première embarcation juive a mouillé dans les eaux bénies de Djerba, il y a plus de 2000 ans, puis avec la présence de la Byzance chrétienne, pendant plus de trois siècles, en témoignent d'ailleurs les églises romaines très nombreuses et qu'on trouve éparpillées sur tout le territoire de la République du Nord au Sud, et enfin avec la conquête musulmane au 7ème siècle de notre ère, entamée militairement puis consolidée par une prédication religieuse libérale déjà spécifique, parce qu'elle a su tenir compte de la résistance – berbère - aux assauts des troupes du Général Okba Ibnou Nafaâ, lui-même tué dans une embuscade au retour de sa campagne d'Algérie. Tout cela pour dire que les phénomènes qu'on observe chaque Ramadan dans ce pays ne datent pas d'aujourd'hui. Mais, ce qui est inquiétant, c'est la politisation de ces « prédications » et campagnes pour renforcer la pénétration islamiste politique par l'intimidation au départ pour finir dans la terreur et la menace physique. Au nom de quelles lois, on permet à des salafistes comme le Sieur Elmi, de monter une véritable « police » religieuse au vu et au su de l'Etat de droit, censé être, qui ne sait pas sur quel pied danser avec une Constitution cousue de mains de maîtres par les islamistes pour permettre tous les dépassements et toutes les dérives « salafistes » au nom du fameux article 1, qui fait de l'Islam, la « religion de l'Etat » ! L'article - 2 - de cette même Constitution a beau signifier et déclarer tout haut que « la Tunisie est un Etat » civil », rien à faire pour les extrémistes impénitents, c'est l'article - 1 - qui est la règle. L'article - 6 - de notre géniale Constitution « la meilleure de l'Histoire », quant à lui, a renvoyé tout le monde dos à dos pour permettre lui aussi toutes les interprétations qui vont du respect de la liberté du culte, à « l'Etat protecteur de la religion » (sans préciser laquelle), tout en « garantissant la neutralité des mosquées » vis-à-vis de la politisation partisane. Avouez que c'est très compliqué ! Ouf... ! Il faut les plus grands juristes constitutionnalistes de la terre pour apaiser ce pays et faire de la « religion » une simple religion pour les uns et une culture citoyenne et libérale pour les autres. Or, l'enjeu est tout bonnement politique ! Les islamistes ne lâchent rien ! Pour eux, le Ramadan, c'est le temps des conquêtes et du « fath » comme au temps de l'expansion musulmane en Ifriqiya à partir de 50 de l'hégire. Ils profitent en cela du bonheur familial ressenti autour d'une bonne table au coucher du soleil, de la culture et de la ferveur populaires pour le périphérique et « non religieux » de la fête ramadanesque, de ses veillées de loisirs avec les fameuses parties de belotte et autres jeux de cartes, savourées par la multitude des « musulmans » et des amis, non politisés pour enfoncer bien des clous et piocher profondément dans le contrôle social et l'islamisation politique du champ religieux. L'Etat dans tout cela observe la « non neutralité » positive, marquée par une « soft répression » des « fattaras » (ceux qui ne jeûnent pas), avec tout de même quelques dépassements et privations de liberté à Bizerte, devenue avec certaines villes du Sahel, la capitale patentée du salafisme national et ce, depuis un certain « émirat de Sejnane », non reconnu comme tel par les autorités à ce jour ! Maintenant, faut-il dramatiser tout cela et gâcher le Ramadan, qui a beaucoup d'aspects positifs, notamment au niveau de la santé (Soumou tassouhou), disait le Prophète SAWAS (Jeûnez et vous guérirez)... ? Je ne le pense pas. Mais, l'Etat et le gouvernement doivent observer le strict respect des lois et même de cette Constitution « préfabriquée » par les islamistes et heureusement corrigée en catimini par les courants bourguibiens et progressistes à la Constituante qui respectent la liberté individuelle, l'auto-détermination et surtout la liberté du culte. Finalement, protéger la religion doit être lu dans deux sens et pas un seul. Il ne s'agit pas seulement de «protéger» la religion des courants « laïcisants», mais aussi et surtout de la protéger de l'obscurantisme salafiste rétrograde et de l'islamisation politique extrémiste qui mène aux loges terroristes et à l'Etat totalitariste. Le meilleur moyen de protéger la religion, c'est de la rationaliser, de l'humaniser et d'en faire une culture du bonheur individuel et collectif... Encore une fois, et toujours, l'Islam tunisien de nos ancêtres et non l'idéologisé « wahabite » ou « frères musulmans » ! La « Sira » du Prophète Mohamed (SAWAS) est en tout point conforme à ces préceptes de tolérance et d'amour. Il n'a jamais prôné la contrainte et encore moins la répression des « non croyants ». Feu le professeur doyen, Mohamed Talbi, écrivait : « Ma religion... c'est la liberté ». Tant que les islamistes politiques n'ont pas compris cela, « l'Islam » (leur islam) sera pointé du doigt comme une religion « agressive » et intolérante, ce que le Prophète ne voulait pas. N'a-t-il pas recommandé de ne pas imposer l'Islam par la force et surtout de respecter scrupuleusement la liberté du culte : « Lakom dinoukom... wa liya dini », chacun est libre de choisir sa religion ! Et être musulman n'est pas forcément être « islamiste » ! Oh, islamistes, laissez les citoyens de ce pays vivre leur bonheur d'être musulmans et libres ! Foutez nous la paix ! K.G