Les gens qui manipulent la religion savent par où on attise le feu du sacré » mais ne savent pas comment il peut dégénérer vers l'irrationnel et atteindre de hauts degrés de violence et de criminalité par la faute de prêcheurs-pyromanes. L'Islam politique qui est annoncé comme la solution à tous nos problèmes, devient le principal problème à circonscrire et à limiter dans le cadre des lois, qui, tout en permettant la liberté du culte, doivent l'empêcher de s'étendre vers le lavage de cerveaux des enfants, des jeunes et même des adultes et de soumettre les sociétés au totalitarisme le plus primaire. La religion musulmane que nous avons héritée de nos ancêtres, de notre culture de la tolérance et de la modération, et qui a été rationnalisée par des générations successives de grands, ulémas, muftis et docteurs de l'Islam de la mosquée Ezzeïtouna, n'a jamais enfanté les « Hachachines » (assassins) de la terreur au nom de l'Islam, de la Sira du Prophète (SAWAS) ou de la Chariaâ dans toutes ses interprétations. De mémoire d'hommes, et à travers des siècles d'absolutisme et d'autoritarisme, la lutte pour le pouvoir, les trônes ou toute autre forme de leadership gouvernemental en Tunisie, a été celle de castes, ou de partis-miliciens, mais jamais engagée autour d'interprétation ou de lecture de la Religion. Nous savons que nous naissons « musulmans » et que nous mourrons « musulmans » ... un point à la ligne. Certes, un « Haj » ou un homme de grande piété était toujours respecté dans sa ville ou son village, mais, aucun parmi ces vénérables « cheikhs » n'a demandé aux croyants, ses compatriotes ou ses voisins, d'imposer à qui que ce soit, sa manière de vivre d'être ou même la forme de l'Etat et de la gouvernance de la cité au nom de la « Religion » ! C'est dire que même, aujourd'hui, beaucoup de Tunisiennes et de Tunisiens ne comprennent pas ce qui leur arrive et pourquoi leur religion est-elle devenue si contraignante et si délirante. Notre peuple connu pour son pacifisme, ne comprend pas l'irruption de l'Islam politique « agressif » et qui peut aller au fin fond de la barbarie criminelle, dans leur quartier, surtout depuis la Révolution. Le « salafisme » qu'on dit « non-jihadiste et pacifique », était souvent perçu comme une forme de « soufisme » et d'attachement à une sorte et de comportement culturel pieux et inoffensif. Et voilà qu'on découvre que ce courant manipulé par la politique, a charrié, « le vert et le dur », comme on dit en arabe (Al Akhdhar wal yabès). Pire encore, on veut créer des lois et des constitutions du 21ème siècle, en tripotant des « valeurs » et des « ordres » religieux qui remontent au 7ème siècle, soit 14 siècles de différence de quoi se demander, si ces « valeurs » sont bien adaptées au monde d'aujourd'hui. Les pays qui appliquent la Chariaâ (ou les Chariaâs... parce qu'il y en a plusieurs, selon l'exégèse et les différentes interprétations), comme l'Arabie, respectent-ils les droits de l'Homme, la liberté du culte, ou le droit à la différence, comme la veulent, aujourd'hui, nos partis islamistes (dits modérés et civils). Mais, alors, un parti comme Ennahdha qui a souscrit à une Constitution tunisienne, instituant une République « civile et démocratique » où peut-on le classer ! Encore que beaucoup lui font, à tort ou à raison, endosser toute la responsabilité de la diffusion de « l'Islam politique » avec les dérapages naturels et, certainement, prévisibles, vers l'obscurantisme, l'extrémisme et même le terrorisme, alors que ses promoteurs ne l'ont pas prévus et n'arrivent même plus à le contrôler. Le fait de voir tous les hauts cadres de la centrale islamiste (sans exception) défendre bec et ongles, M. Jaouadi, l'Imam extrémiste et très politisé de Sfax (mosquée Sidi Lakhmi), et demander ardemment le limogeage de M. Othmane Battikh, ministre des Affaires religieuses et ancien Mufti de la République, qui l'a écarté du prêche de Vendredi, ne fait que confirmer que l'Islam politique en Tunisie est encore très loin de se rapprocher du modèle occidental de la séparation de l'Eglise de l'Etat et de la politique de l'Etat de Droit. Par conséquent, essayer de faire croire aux plus exigeants des acteurs politiques, que Ennahdha n'est qu'un parti politique comme tous les autres, c'est, aujourd'hui, aller trop vite en besogne. Elle l'aurait été, si elle avait d'elle-même et sans aucune pression, condamné les Imams extrémistes et takfiristes, déguisés ou appelant à la violence, le tout légitimé par une interprétation restrictive et littérale de certains textes sacrés qui ont été édictés dans des circonstances historiques lointaines et particulières. Mais, elle ne l'a pas fait ! Ennahdha se fait beaucoup de mal et se fait même culpabiliser, ce qui donne énormément de frustration à ses cadres réellement réformistes, en voulant le beurre et l'argent du beurre, en voulant profiter de la démocratie civile pour rassurer et bénéficier de la sympathie du monde libre, mais aussi, en soutenant tout ce qui peut maintenir intacte la machine de mobilisation religieuse et d'encadrement des mosquées avec ces mêmes Imams extrémistes. C'est pour cela aussi qu'on l'accuse du « double langage », l'un civil démocratique et modernisant et l'autre, religieux campant sur un modèle sociétal médiéval et décadent. Faire de la politique et de la « Daâwa » politisée, c'est du pareil au même. Nous avons parlé souvent de la nécessité d'une « Néo-Ennahdha » qui se concilierait avec un peuple et des élites nombreuses qui ne veulent pas être soumis à l'obscurantisme au nom de la religion. Un million de femmes tunisiennes (Hraïer Tounès) et autant d'hommes ont voté « Nidaa Tounès », parce qu'il était perçu comme la bonne synthèse entre la modernisation et l'identité spécifique tunisienne (je dis bien tunisienne et non orientale – Frères musulmans d'Egypte ou Wahabites d'Arabie). Synthèse entre Sadiki et la Zitouna, oui synthèse, qui a donné à la Tunisie plus de 60 ans de paix religieuse, malgré les accusations trompeuses de l'islamisme radical, sur la « désertification religieuse » ! Encore une fois, le désert est bien là ! Le vrai, celui qi nous frappe au visage avec ses laves volcaniques, celui de l'Islam politique extrémiste, que plus personne ne peut contrôler... sauf si les partis islamistes eux-mêmes et reconnus par la loi, changent de discours, de prêches et d'attitudes, face à ce qu'ils ont contribué à enfanter sans le vouloir, peut-être, ou par incapacité à en prévoir l'étendue et les conséquences désastreuses. Le cheikh Rached Ghannouchi semble être le seul, avec quelques élites d'avant-garde nahdhaouie, à l'avoir compris. Il a fait quelques pas, semblables un peu à ceux de Neil Armstrong sur la lune, mais il est encore très loin d'éclairer la Tunisie de la planète Terre, qui veut vivre au rythme du monde et non pas revenir en arrière ! C'est à Ennahdha de changer avant de vouloir reconquérir... la lune. K.G