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« ...Et pourtant, elles sont au cœur du savoir »
Pourquoi les sciences humaines et sociales régressent-elles ?
Publié dans Le Temps le 29 - 11 - 2007

* Interview de Mme Marie-Françoise Courel, directrice de recherche au CNRS de France
Rencontrée, récemment, à Tunis, dans le cadre des Assises nationales de la Recherche scientifique et de l'innovation technologique, Mme Marie-Françoise Courel, directrice de recherche très connue au Centre national de recherche scientifique, en France (CNRS), spécialisée en sciences humaines et sociales, et animatrice engagée de nombreuses manifestations, rencontres et programmes,
dans ce domaine, déplore , dans l'entretien suivant, le caractère problématique qui marque, encore, la situation des sciences humaines et sociales sur la scène intellectuelle et scientifique mondiale, l'imputant à la méfiance et à l'incompréhension, voire la peur que ces disciplines, en particulier, continuent de susciter chez divers milieux. Car, selon elle, il n'y a pas, à proprement parler, de frontières réelles entre les Sciences humaines et sociales, et les Sciences fondamentales et exactes.

--- Le Temps : Mme Courel, vous êtes directrice de recherche très connue en sciences humaines et sociales au Centre national français de recherche scientifique. Or, à en juger par la situation prévalant dans les pays développés, comme la France , aussi bien que dans les pays en transition, telle que la Tunisie , la place des Sciences humaines et sociales semble régresser et se réduire, sur le plan de l'intérêt général prêté à ces disciplines, autant qu'au niveau de leur rayonnement scientifique et social, quand on se rappelle que les disciplines scientifiques relevant de ce champ du savoir avaient dominé, longtemps, le paysage intellectuel, politique, social et culturel, à la fin du 19ème siècle et durant les sept premières décennies du 20ème siècle, grâce, notamment, au marxisme, au freudisme et autres courants de pensée issus de ces deux grandes doctrines scientifiques.

--- Mme Marie-Françoise Courel : C'est un point de vue, mais, en réalité, la situation des Sciences humaines et sociales tend à s'améliorer, dans la mesure où les autres disciplines scientifiques commencent à s'apercevoir que les Sciences humaines et sociales sont au cœur du savoir et du front de l'avancée des connaissances humaines.
Aujourd'hui, tous les enjeux les interpellent, et lorsque les Sciences humaines et sociales parviennent à être acceptées, en tant que disciplines scientifiques, à part entière, ayant des concepts, des outils et des objets de recherche propres et tout aussi pertinents que les concepts, outils et objets de recherche des autres sciences fondamentales, on réussira, alors, à instaurer une approche de recherche scientifique réellement pluridisciplinaire sur des sujets communs , où les Sciences humaines et sociales bénéficient d'un statut équivalent à leurs homologues fondamentales.
Il s'agit là, à mon avis, de la voie idoine pour arriver à une meilleure connaissance de cet objet commun de recherche.
Ainsi, on ne peut pas aborder les grands problèmes de pollution sans faire appel aux Sciences humaines et sociales, dans le cadre d'un panel associant toutes les disciplines, car le problème de la pollution urbaine dans les villes, par exemple, déborde largement les aspects purement techniques d'analyse chimique et de seuil de tolérance physique. Il en va de même du problème du vieillissement et de la longévité de la vie qui est, aujourd'hui, un des principaux problèmes d'actualité, pour tous les pays du monde. Or, le vieillissement n'est pas, seulement, une question de cellules et n'intéresse pas, uniquement, de ce fait, les sciences biologiques. Tous les systèmes sont interpellés par ces problèmes, les systèmes urbains, les systèmes sociaux, l'ergonomie. Ce sont des problèmes complexes qui méritent d'être traités en tant que tels.

--- Le Temps : d'ailleurs, vous dirigez, dans cet esprit, depuis des années, un programme interdisciplinaire de développement urbain durable, qui a abouti à des résultats probants. Qu'en est-il ?
--- Mme Courel : Depuis 2003, le Programme interdisciplinaire de développement urbain durable (PIDUD), dont je suis la directrice scientifique, a financé une trentaine de projets qui appartiennent aux Sciences humaines et sociales et doivent s'achever, en 2007, soit cette année. Ces recherches s'intéressent aux mobilités urbaines, à la ségrégation, aux politiques publiques, aux indicateurs économiques et sociaux, à la métropolisation, à la question de l'eau, aux rapports Nord // Sud, aux concepts et notions de développement urbain durable etc...
Ces questions et autres encore auxquelles nous nous intéressons dans d'autres cadres, comme celle des sectes, de la place des religions, interpellent toutes les sociétés modernes, particulièrement les sociétés solidement engagées dans des processus de développement global.
A mon sens, l'un des fronts de l'avancée de la pensée scientifique et humaine, en général, consistera à porter davantage d'attention à l'aspect qualitatif, aux côtés des démarches plutôt quantitatives qui caractérisent, la méthodologie et l'esprit scientifique, à nos jours, mais une qualité fondée sur la rigueur scientifique.

--- Le Temps : Alors qui peut bien avoir intérêt à nourrir cette rupture, somme toute, injustifiée ?
--- Mme Courel : Sans préjuger de qui que ce soit, j'estime que les Sciences exactes doivent arrêter de parler de rupture. Les Sciences humaines et sociales sont des sciences à part entière et il est de l'intérêt de l'avancement de la Science que les autres disciplines scientifiques réalisent la portée des Sciences humaines et sociales et admettent qu'elles sont indispensables pour le progrès de la Connaissance et la solution des problèmes affrontés aujourd'hui par l'homme et la société humaine où qu'elle se trouve.
Quelque part, on essaie d'entretenir la méfiance, voire la peur, à l'égard des Sciences humaines et sociales et même de les diaboliser. Et c'est ce qui explique, peut être, la place réduite dont elles bénéficient dans les différents pays et je parle de la France en particulier.
Or, les Sciences humaines et sociales ont besoin de crédits suffisants et d'équipements lourds pour donner la mesure de leur rentabilité théorique et pratique.
Les chercheurs en Sciences humaines et sociales gagnent, également, à se regrouper et à se débarrasser de ce vilain défaut qu'est l'individualisme.

--- Le Temps : Mais aussi quoi encore ?
--- Mme Courel : je pense qu'un effort énorme nous attend pour montrer l'apport considérable des Sciences humaines et sociales à l'édification de la civilisation et de l'histoire humaines ainsi qu'à l'explication du comportement humain, sur le plan collectif et individuel, et par voie de conséquence les côtés négatifs de ce comportement humain et les moyens de les corriger.
Or, la contribution des Sciences humaines et sociales complète et renforce celle des autres disciplines scientifiques dites fondamentales, à partir du moment où on reconnaît qu'il n'y a pas, à vrai dire, de frontières réelles entre les disciplines scientifiques et je peux dire que si de pareilles frontières existent, elles sont fabriquées de toutes pièces. Il serait préjudiciable au progrès de la Science de l'amputer de l'une de ses plus anciennes et prestigieuses parties, car les Sciences humaines et sociales peuvent, aujourd'hui, se prévaloir, d'être les héritières directes de la pensée philosophique qui a conçu et tracé le cadre et le modèle rationnel des approches scientifiques des recherches sur la matière, la vie, l'homme et la société.
Au même moment, les Sciences humaines et sociales sont appelées à rentrer dans la logique de l'évaluation scientifique et d'accepter de rendre compte de leurs résultats. C'est à ce prix qu'elles peuvent retrouver le renouveau ambitionné.
Propos recueillis par Salah BEN HAMADI.


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