Soyeuse, délicate, impalpable aérienne et perchée au sommet de la gamme... Une voix qui, un certain janvier 2012 a crié et vociféré le désarroi d'un peuple exacerbé d'oppression ... Armée de la panoplie de ses cordes vocales affûtées et de l'intensité incontenue de sa voix, Emel Methlouthi la célèbre interprète de « Kelmti horra » retrouvera, on l'espère bien, encore une fois sa « parole libre », ce soir, à Carthage. Rappelons-le. « Kelmti horra » qui veut dire littéralement « Ma parole est libre » a non seulement touché au plus profond de son être un peuple délassé et découragé par tant de déceptions, mais lui a fait surtout pousser les ailes de ses mouettes rieuses... qui ont pris leur envol sur l'avenue Bourguiba tout juste devant le ministère de l'Intérieur.... C'était le rêve typiquement tunisien... ayant tourné au cauchemar des désillusions révolutionnaires diront certains esprits grincheux tout comme l'auteure de cet article. Sauf que là, Emel Methlouthi qui revient au bercail après tant d'années d'absence depuis les évènements de 2011, dira certainement son dernier mot. Son éthique du travail artistique et son identité d'artiste feront le reste. De Kelmti horra , en passant par son album Ensen, ou encore Thamla, Emel Methlouthi fait de la bonne musique qui agit comme un journal intime mettant en vers et en notes les éclats de son âme et les déchirements de son être face à une réalité effarante. La chanteuse-compositrice qu'elle est, a le don de faire de la musique qui se charge de toutes ces émotions et sensations pures, ramassées, ici et là, et qui l'accompagnent dans ses tournées-pérégrinations autour du globe. On rappellera bien entendu quelques spectacles phares qu'elle donne un peu partout dans le monde, en France, en Iran, à Oslo ... Et si l'artiste chante en arabe dialectal devant une assistance étrangère, elle sait parfaitement comment adhérer aux vibrations de sa musique éthérée à laquelle s'ajoute le flegme d'une grande musicienne et l'auguste solennité d'une belle femme à la beauté déstabilisante. L'artiste sait, en effet, préserver son côté ‘'vierge effarouchée'' au regard de braise... Et la beauté de sa voix, Emel Methlouthi la définit de l'intérieur. Disons que la beauté se manifeste de l'intérieur avant de se manifester là où elle peut être admirée ou sentie... Emel Methlouthi aime, par ailleurs, braver la poussière des routes caillouteuses pour nous faire embarquer à bord d'un bateau ivre ... naviguer sur des océans lointains et prendre le temps de s'abandonner aux souvenirs qui irriguent sa musique. ‘'Omm zin jammalia'', en fait partie. La chanson du terroir en ressort ainsi truffée de jolis arrangements traçant un carrefour de sonorités, comme on les aime modernes et authentiques, à la fois. L'artiste qu'elle est, sait aussi prendre du risque en chantant la Palestine, les terres spoliées et les rêves des enfants volés par une machine de guerre sans foi ni loi. Tout cela fait d'elle une grande dame désintéressée et une artiste engagée. .. Pour le spectacle de ce soir, l'artiste promet comme on peut le lire dans le dossier de presse, « un spectacle inédit, fruit d'une approche artistique mêlant instruments et rythmes traditionnels tunisiens avec une musique électronique moderne puissante et cinématique, des chants à forte inspiration berbère et des textures organiques alliant les paysages nordiques scandinaves aux paysages des plaines et des montagnes tunisiens. »... Elle nous rappellera entre temps, qu'on a toujours droit à « Kelmti horra » et que certaines âmes bien nées, parmi nous, resteront à jamais, « des hommes libres qui ... n'abandonneront pas,... qui n'oublieront pas ceux qui ont trahi les causes, ... » Oui, certainement. Bio express Elle est finaliste lors de la première édition du prix RMC Moyen-Orient 20063. Lors de la révolution tunisienne de 2010-2011, elle est sur place pour une série de concerts. Par la suite, elle a soutenu la lutte depuis la France. En janvier 2012, elle publie son premier album studio, Kelmti horra, dont le titre signifie en arabe « Ma parole est libre ». En mars 2013, elle sort une nouvelle chanson intitulée Ma katlou had, signifiant en arabe « Personne ne l'a tué », en hommage à l'opposant politique Chokri Belaïd assassiné le 6 février précédent. Le 19 septembre 2013, elle participe au premier concert de femmes solistes donné à l'opéra de Téhéran depuis la Révolution iranienne de 1979. Elle apparaît dans le documentaire No Land's Song tourné à cette occasion par le réalisateur iranien Ayat Najafi. Le 11 décembre 2015, elle joue à Oslo lors de la cérémonie de remise du prix Nobel de la paix décerné au quartet du dialogue national.