Par Khaled Guezmir BCE dit « ne rien devoir à Ennahdha » et c'est bien vrai, mais il doit beaucoup à ce million de femmes qui l'ont porté à la magistrature suprême fin 2014. Par conséquent, bonne fête aux citoyennes libres « Hraïer Tounès », en ce 13 août 2017, sans lesquelles nous serions encore les otages de la sainte troïka islamiste. Mais ce que BCE ne dit pas tout en le pensant peut être, c'est qu'Ennahdha elle, a beaucoup profité de la perche tendue par le leader-fondateur de Nida-Tounès. Pourtant, ce « tawafouk », consensus, tant réclamé et exhibé par le cheikh Rached Ghannouchi, aurait pu ne pas voir le jour si BCE avait donné la préférence à une certaine revanche « légitime », puisque les bases et une grande partie de l'état-major du cheikh, de sa « Choura » et du parti islamiste avaient voté clairement contre lui, faisant campagne fervente et non voilée pour son adversaire Moncef Marzouki. Qui aurait pu prétendre et croire que ce dernier, avec un parti insignifiant, le CPR, aurait pu à lui seul dépasser les 40% des suffrages. Sa première élection et c'est un secret de polichinelle, en 2011-2012, il l'a doit largement au support d'Ennahdha, puisqu'il n'a obtenu que quelque 7000 voix, pour être intronisé à Carthage et préféré au Dr. Ben Jaâfar, replanqué tout de même au Bardo ! BCE, dans des moments de ressentiments compréhensibles, réagissait en le regrettant, d'abord, et en le rappelant, ensuite, aux cadres et troupes de la centrale islamiste, qu'il les avait cautionnés et défendus auprès des Américains, en déclarant lors des G7 et G20, que « l'Islam n'est pas incompatible avec la Démocratie ». Encore faut-il savoir si les Islamistes sont les nouveaux mandatés de l'Islam, religion libérale et tolérante ou pas. Et là, il faudrait s'adresser aux nébuleuses qui prônent le terrorisme et autres formes de violence pour en juger ! Mais, passons... Aujourd'hui, le Président de la République semble sur la voie d'un remake de 2014, parce que, selon lui, « l'équilibre » réalisé après sa brillante élection en 2014 est « de nouveau rompu ». Alors, à qui la faute ?! Ennahdha a-t-elle enfoncé clou après clou dans l'espace de la modernisation « bourguibienne » chère aux Tunisiennes et aux Tunisiens, dans leur grande majorité, en infiltrant plus activement le milieu associatif sans parler du monde religieux fortement investi par leurs prédicateurs depuis le ministre (« docteur ») Noureddine El Khademi ? A-t-elle finalement dévié et peu respecté l'éthique du consensus « Tawafouk » en cherchant le contrôle intégral et global de la société tunisienne en ayant un pied au gouvernement et bien d'autres dans l'opposition légale et même occulte ?! Au président de juger ! BCE relate tout de même une évolution bien qu' « insuffisante » d'Ennahdha vers le parti « civil » et la rationalisation de la religion, avec quelques gestes symboliques du cheikh Rached Ghannouchi et la fameuse cravate, en signe d'adoption de la modernité. Tout cela confirme que lorsqu'ils ont du plomb dans l'aile à l'échelle internationale, frisant le rejet de plus en plus affirmé de l'Amérique de Trump et même de l'Europe des Macron, Merkel et autre Theresa May, qui se réveillent, enfin, de leur longue hibernation, les islamistes, vont plus rapidement vers le consensus et les concessions amiables, qui ont pour objectif de rassurer le monde traumatisé par la barbarie terroriste des Daëch et dérivés. La question qui se pose maintenant et avec acquitté, comment BCE va-t-il procéder pour rétablir « l'équilibre » perdu avec la remonte en puissance d'Ennahdha, du fait même du « consensus » salvateur après leur défaite électorale en 2014. BCE a-t-il déjà regretté le « consensus » comme il l'avait fait en 2013, quand Ghannouchi voulait faire passer ses lois sur l'exclusion des destouriens et des cadres de l'ancien régime, ce qui a nécessité le fameux « round secret » de Paris ! «Allons doucement, je suis pressé », a l'air de dire notre BCE national. Mais, les municipales pourraient sceller la discorde véritable entre un parti en grande difficulté le « Nida » et un parti qui a toutes les cartes en main parce que discipliné au moment voulu en jouant tantôt de la fibre civile pour les observateurs internationaux toujours méfiants à l'égard des partis aux racines « frères musulmans » et tantôt de la fibre religieuse avec ces fameux slogans de 2011 : « Celui qui vote contre Ennahdha vote contre Dieu ». BCE aura besoin de tout son savoir-faire pour remettre l'équation en marche, celle où les islamistes sont dans l'obligation de composer et non de montrer la force des biceps. Mais, cela ne sera possible que si les islamistes sont affaiblis sur le front intérieur et « menacés » du doigt par le monde occidental. Or, les municipales, incertaines, peuvent aller dans le sens opposé. Car, une victoire aux municipales donnerait une légitimité de plus à Ennahdha auprès des occidentaux, toujours naïvement attachés à la légalité « électorale » et des ailes sur le plan interne en reléguant définitivement le dernier rempart... de Nida Tounès et des autres partis modernistes au rôle de l'opposition. Ghannouchi, le rusé stratège, a bien calculé son coup. Pour le moment, c'est lui qui mène la danse, au vu de l'effritement du clan de la modernisation. BCE veille encore, certes, mais, peut-il rassembler à nouveau les inconditionnels de tout bord, qui placent leurs carrières politiques avant l'intérêt suprême de la patrie et de la nation. L'avenir proche nous le dira ! K.G