Le feuilleton « Nida Tounès » aura assez duré et on commence à friser l'indécence ! Le directeur exécutif M. Hafedh Caïed Essebsi fait le vide pour ses raisons personnelles « logiques », mais il ne fait rien pour renforcer le parti et ses structures. Or, comme la nature a horreur du vide, la nappe phréatique qui a fait les jours heureux du Nida risque d'aller vers d'autres mers que la sienne. Et dire que BCE et le pays ratent là une occasion historique pour faire du Nida la locomotive de cette 2ème décennie du 21ème siècle en Tunisie. Voilà un mouvement, parti de Monastir en 2012, la ville natale de Bourguiba, tout un symbole qui récupère les néo-destouriens attachés au bourguibisme par centaines de milliers, marginalisés par Ben Ali et ses hauts stratèges « Rcédistes » et la révolution de toutes les contradictions puisque partie d'une aspiration profonde à la liberté et la dignité, elle finira dans les carcans de l'islamisme politique moyenâgeux. Puis, il arrive à intégrer la jeunesse démocratique et libérale, le vrai catalyseur de la Révolution de 2011. Enfin, il réussit, cerise sur le gâteau, à mobiliser un million de femmes parmi les « Hraïer Tounès », (les femmes libres de Tunisie) avec ce « coup de poker » monumental et une victoire historique fin2014, sur tous les concurrents potentiels. BCE a réussi son pari-défi, rééquilibrer la scène politique et ramener les islamistes à leur vrai volume et dimension entre 17 et 20% de l'électorat national. Malheureusement, toute la suite a été un véritable cheminement politique structurel et organisationnel, désastreux, où ce méga parti populaire a perdu ses dents, l'une après l'autre pour arriver à ce vide inquiétant et l'angoisse chez les millions d'électeurs et sympathisants de voir leur rêve finir en cauchemar. En effet, tout le plan initial de BCE est mis à terre. Aujourd'hui, Nida Tounès devient le promoteur de l'image très controversée d'une « alliance » structurelle presque consommée entre ce mouvement qui incarne la vivacité et la popularité de la modernisation réalisée par l'Etat national moderne et les valeurs du tandem Bourguiba-Hached avec un support identitaire spécifique de l'Islam tunisien de la Zitouna et des cheikhs libéraux et progressistes comme les Ben Achour, les Neïfar, les Belkhodja etc..., et la centrale islamiste où le grand manœuvrier Rached Ghannouchi joue de tous les instruments et de tous les refrains pour faire croire aux Tunisiens que Ennahdha a bien évolué vers le parti civil démocratique « musulman », alors que toutes ses positions et actions sur le terrain confirment le contraire et l'attachement aux vieilles ambitions des frères musulmans à contrôler intégralement la société. Ghannouchi veut en quelque sorte absorber et digérer le bourguibisme et les bourguibistes, sans... Bourguiba ! parce qu'il estime devoir avoir sa revanche sur le bâtisseur de la Tunisie moderne et laïcisante et son identité musulmane très spécifique, libérale et tolérante. Le projet d'Ennahdha demeure profondément le même, opérer un véritable séisme dans cette fourmilière « civile » toujours debout et bâtir l'Etat islamique, au mieux de type Erdoganien à la turque. Or, « l'alliance » qui se profile à l'horizon sert énormément les Islamistes en leur donnant une certaine immunité nationale et surtout internationale au moment où les frères musulmans et l'islamisme politique sont pointés du doigt comme les promoteurs et les générateurs du terrorisme mondial. Quant à Nida Tounès, il en tire certes, un profit au niveau de la recherche d'une stabilité politique plus que nécessaire aujourd'hui en Tunisie. Mais, en termes de balance, ce qu'il perd est largement plus prépondérant que ce qu'il gagne, car il aurait fallu exiger un changement qualitatif radical, et sans détours d'Ennahdha, pour affirmer son caractère civil définitif et l'abandon de tous les supports de propagande daâwiques et « associatifs » qui gangrènent la société tunisienne et la tire vers le bas de l'obscurantisme moyenâgeux rétrograde. BCE a raté, à notre humble avis, une occasion historique de rebâtir la locomotive de la modernisation avec un Nida Tounès transcendant parce que bénéficiant d'une large majorité des élites et du peuple surtout après la faillite idéologique, politique et économique de la Troïka. Il aurait fallu juste après novembre 2014, un congrès nidaïste type « Ksar Helal » de 1934, avec un renforcement des pivots du mouvement et des structures régionales et locales de base. Un travail qui n'a pas été fait et on a préféré laisser « flotter » le Nida pour espérer une majorité consensuelle qui a tourné vers les cassures et les brisures que l'on connait. BCE a-t-il encore les clefs de la résurrection du Nida en main ! Il lui faut encore un coup de génie ou de poker, comme vous voulez encore cette fois-ci, en acceptant la désignation d'un « Dauphin », nidaïste « sans parti », et capable de rassembler toutes les « populations » et « colonies du Nida » à savoir, les Bourguibiens, les destouriens, les libéraux, les cadres en cols blancs, les syndicalistes et les socialistes de la gauche modérée ainsi que les « musulmans » de ce pays qui sont bien musulmans mais pas « islamistes ». Là... il aura encore la chance de laisser la Tunisie entre de bonnes mains à l'horizon 2019, avec une cohabitation honnête avec les islamistes mais non hégémonique et démolissante de la Tunisie millénaire, celle des lumières ! Le nom du « Dauphin » importe peu. Beaucoup de chemins mènent à Youssef Chahed (pourquoi pas), mais le boss de Carthage connaît les sorties de crise... Faisons lui confiance... Le moment venu il sera capable de hauteur ! Mais, le temps... presse ! K.G