Acteur omnipotent sur la scène sociale et doté d'une influence politique incontournable, l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) mène le jeu depuis le départ de Ben Ali. Aux yeux de ses pourfendeurs, la centrale syndicale, qui revendique plus de 750 000 affiliés, serait actuellement en train de charger la barque au-delà du raisonnable. Les défenseurs de cette thèse laissent entendre que l'organisation a défini ces dernières semaines plusieurs garde-fous et lignes rouges qui risquent de contrarier l'élan de réformes visant à relancer l'économie et les finances publiques annoncées par le gouvernement. Ainsi, l'UGTT a réaffirmé, dans un communiqué publié mercredi à l'issue de la réunion de sa commission administrative, son refus catégorique quant à la privatisation des entreprises publiques. «C'est une ligne rouge à ne pas franchir» a-t-elle souligné appelant à la mise en place d'une stratégie nationale dont l'objectif est de sauver les entreprises publiques en difficultés et à leur accorder les mêmes avantages, incitations et soutien consentis aux entreprises du secteur privé afin de stimuler la production et la productivité et assurer leur pérennité . L'organisation a également appelé l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA) à respecter les accords signés relatifs à la majoration des salaires dans le secteur privé, pour l'année 2018. Elle a insisté dans ce cadre sur la nécessité de lever le blocus appliqué depuis maintenant cinq ans sur les employés du gardiennage du secteur privé. L'UGTT a, d'autre part, exprimé son refus de l'adoption d'une loi de Finances de nature à détériorer davantage le pouvoir d'achat des citoyens et à faire empirer la situation de la classe ouvrière. Elle a, ainsi, appelé le gouvernement à ne pas passer des mesures fiscales pouvant nuire aux salariés et à consacrer ses efforts sur les mesures sociales profondes et l'équité fiscale. «Nous appelons le gouvernement à exiger l'imposition des entreprises, à élargir la base d'imposition et à annuler le régime forfaitaire», a-t-elle suggéré, tout en exprimant son refus catégorique des exonérations fiscales. S'exprimant jeudi devant les employés de la Régie nationale des tabacs et des allumettes, le secrétaire général de la centrale syndicale a, par ailleurs, promis, en des termes durs, le versement de nouvelles augmentations salariales au profit des salariés du secteur public et des entreprises privés en 2018. «Vous allez avoir vos augmentations, n'en déplaise à certains ! », a-t-il lancé sous les acclamations d'une foule chauffée à blanc. M. Taboubi a en outre expliqué que le différend qui oppose son organisation au gouvernement et à l'UTICA est un conflit de principe. « Lorsqu'on signe un accord ou un procès verbal, il faut le respecter. Chacun doit respecter ses engagements » a-t-il martelé, indiquant que les pourparlers débuteront au printemps 2018 dans le but de réhabiliter le pouvoir d'achat des salariés. De l'avis de certains observateurs, l'attachement de l'UGTT à de nouvelles augmentations salariales et son refus des privatisations risquent de plomber les efforts consentis par les autorités pour remettre les finances publiques à flot et d'annuler le bénéfice des tentatives de compression de la masse salariale dans le secteur public. Un ancien dirigeant de l'organisation ouvrière rompu aux arcanes des négociations entre le gouvernement et les syndicats estime, cependant, que l'UGTT n'est pas en train de pousser le bouchon un peu trop loin. «L'UGTT est dans son rôle. Avant les négociations, un syndicat place la barre très haut pour donner par la suite l'impression d'avoir fait des concessions et accepter de couper la poire en deux au nom de l'intérêt national comme en atteste l'évolution de la position de l'organisation en ce qui concerne la réforme des régimes de sécurité sociale», a confié ce syndicale qui a préféré ne pas être cité. Et d'ajouter : «Il faut garder à l'esprit que l'organisation ouvrière est le dernier rempart qui tente d'empêcher la préservation des intérêts des classes moyennes et d'atténuer l'impact social des réformes douloureuses à l'heure où le gouvernement ne semble pas avoir d'autres choix que de se soumettre aux diktats des bailleurs de fonds internationaux ».