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Le cas de la Tunisie
Publié dans Le Temps le 29 - 03 - 2018

Toute relation naturelle /normale que la personne ou la société doit avoir avec sa propre langue exige la pratique de trois critères : l'usage oral et écrit seulement de sa propre langue, la connaissance adéquate du vocabulaire de cette langue ainsi que la pleine connaissance de ses règles grammaticales et celles de sa conjugaison et sa dictée et avoir une relation intime avec cette langue qui s'exprime et se manifeste dans les aspects suivants : l'amour de la langue, une attitude favorable à sa défense, être fier d'elle avant toute autre langue qu'on pourrait apprendre. Cette conceptualisation constituerait une sorte d'équation mathématique selon laquelle on peut préciser d'une façon très transparente le type de relation (normale ou anormale) que les personnes et les sociétés ont avec leurs propres langues. Ces trois critères facilitent l'identification de la nature de relation que les sociétés et leurs citoyens ont vers leur langue maternelle ou nationale. D'une part, celles et ceux qui satisfont pleinement ces trois critères avec leurs propres langues sont des gens et des sociétés qualifiés d'avoir une relation normale avec leurs langues. D'autre part, celles et ceux qui ne s'engagent pas à la pratique de ces critères constituent une classification variée selon le degré de leur adhésion à tels critères. L'étude des rapports que les Tunisiennes et les Tunisiens manifestent envers la langue arabe, leur langue nationale et son dialecte, montre le degré de leur relation normale ou anormale avec l'arabe.
L'abc du rapport intime avec la langue
La sociologie de la connaissance aide bien à comprendre la relation intime que les personnes peuvent avoir avec leurs langues. Elles peuvent les utiliser oralement et en écrit dans tous les domaines de leurs activités individuelles et sociales depuis l'enfance et peuvent aussi maîtriser bien la connaissance du vocabulaire de leurs langues ainsi que leurs grammaires, leurs conjugaisons et leurs dictées (1+2 ). On se permet de dire que la relation intime et chaleureuse avec les langues est le résultat du processus d'interaction avec les langues à ces trois niveaux (1+2+3). En termes sociologiques, ce type d'interaction intense que les citoyens et leurs sociétés ont avec leurs langues engendre ce que les sociologues appellent des relations primaires avec les langues qui expriment beaucoup d'émotion et de passion envers leurs langues. En d'autres mots, toute cette attitude positive est le résultat d'une socialisation naturelle depuis l'enfance avec leurs langues à ces trois niveaux. On peut résumer le tout dans l'équation suivante : la mise en pratique permanente de 1+2+3 = une relation naturelle/normale avec les langues maternelles ou nationales alors que la relation anormale avec ces langues se produit partiellement ou entièrement selon le degré de l'exécution des trois niveaux soulignés par 1+2+ 3.
La société tunisienne et sa langue arabe
La simple observation et l'étude approfondie de la relation de la société tunisienne et ses citoyens avec leur langue nationale (l'Arabe classique) et son dialecte arabe tunisien, montrent bien qu'ils n'en pratiquent pas une relation normale. Quelques exemples suffisent pour faire le point.
Au niveau écrit, la plupart des Tunisiennes et des Tunisiens n'utilisent pas les lettres arabes pour écrire leurs chèques bancaires, ils ont souvent des cartes visites écrites uniquement en français, plusieurs n'ont pas des claviers en arabe ni dans leurs portables ni dans leurs ordinateurs et à l'hôpital Charles Nicole de Tunis et à l'IPEST de La Marsa les médecins et les professeurs tunisiens n'osent pas écrire leurs noms en lettres arabes sur les portes de leurs bureaux.
Sur le plan oral, une majorité écrasante de nos concitoyens se serve du franco-arabe même dans leurs parlers les plus simples. On estime que 1/10 des mots prononcés par cette majorité est de la langue française. La plupart des Tunisiennes et Tunisiens utilisent couramment dans leur dialecte arabe les mots français suivants : donc, normal, surtout, portable, sport, papier mouchoir, que ce soit, stylo.
Sur un autre niveau, ils laissent tomber l'usage de leur langue nationale(l'arabe) et optent pour le français. L'exemple suivant est révélateur : L'Association des Femmes Démocrates Tunisiennes a organisé le 28 janvier 2012 un colloque à Beit El Hikma sur la condition de la femme dans le monde arabo-musulman. Trois conférencières tunisiennes ont pris la parole uniquement en français devant une audience tunisienne. D'autre part, l'analyse de celles-ci portait sur des thèmes relatifs à la position de la femme dans le Coran, le Hadith et le Fiqh/ la jurisprudence. Il s'agit ici d'une double contradiction :1- L'exclusion de l'arabe, la seule langue nationale de la Tunisie.2- l'usage de l'arabe est plus pertinent pour le sujet du colloque..
Ce comportement linguistique féminin et ce que nous appelons « l'Autre sous-développement/LASD »* ( le manque de l'usage de l'arabe en oral et en écrit) sont deux phénomènes linguistiques en Tunisie qui sont des symptômes d'un rapport anormal chez les Tunisiennes et les Tunisiens avec la langue nationale dont la plupart n'en sont même pas conscients. Cet état de fait devrait aider à expliquer, par exemple, le grand silence parmi la grande majorité des intellectuels tunisiens avant et après l'indépendance vis-à- vis la continuité aujourd'hui de la colonisation linguistique et culturelle de leur pays. L'observation montre adéquatement qu'ils considèrent LASD comme signe de développement, de modernité et de progrès à l'occidental. En termes sociologiques, leur perception positive de ces symptômes coloniaux s'explique par leur acculturation dans les symboles linguistico-culturels du colonisateur Français au détriment de leur propre langue et culture. Donc, il est très rare de voir cette majorité des savants, des intellectuels et des hommes politiques protester contre le danger de leur dépendance linguistico- culturelle et leur dépendance académique sur les ex-colonisateurs occidentaux. Par conséquence, les chercheurs tunisiens en sciences humaines et sociales sont souvent handicapés pour pouvoir inventer leurs propres nouveaux concepts et théories. D'où se présentent la carence et le défi à la fois vis-à- vis de l'établissement des sciences humaines et sociales indigènes crédibles. Notre thèse accorderait une forte légitimité à l'appel pour la libération linguistico-culturelle des pays du Sud. Les langues et les cultures de ces pays ne sont-elles pas les éléments angulaires des cultures de ces sociétés ? La libération / l'indépendance symbolique est plus importante que celle de l'économie ou de la politique, parce qu'elle touche tout ce qui est plus profond pour la formation et l'intégrité de l'esprit des communautés et des sociétés humaines.
* sociologue
([email protected])
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*Dhaouadi, Mahmoud (2010) L'univers des symboles humains : L'Autre sous-développement au Maghreb et au Tiers monde, Tunis, L'Or du Temps.


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